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L'encomienda est un système utilisé à des fins d'exploitation économique et d'évangélisation dans l'empire colonial espagnol à l'époque de la conquête du Nouveau Monde.

Il s'agit du regroupement sur un territoire donné d'autochtones obligés de travailler sans rétribution dans des mines, des champs ou sur des chantiers de construction : ils sont « confiés » (« encomendados »), c'est-à-dire placés sous les ordres d’un « encomendero », colon ainsi récompensé de ses services par la monarchie espagnole[1] ; dans la pratique, celui-ci disposait librement des terres des autochtones, bien qu'elles appartiennent toujours à la Couronne[2]. Dans l'ouvrage de Cortès il est cité que « [t]out Indien insoumis était cependant durement traité. […] Tout allié de Mexico, tout Indien qui avait tué un Espagnol, toute population qui ne se laissait pas "pacifier", c'est-à-dire qui ne se soumettait pas au pouvoir espagnol et qui n'abandonnait pas ses croyances étaient réduits en esclavage »[3].

Il s'agit d'un système issu de la société européenne du Moyen Âge, d'une forme de servage : un « pseudo-servage » selon Fernand Braudel[4], une « forme rajeunie de régime seigneurial » selon Joseph Pérez[5].

Contexte

Hispaniola (1492-1511)

En octobre 1492, Christophe Colomb « découvre l'Amérique », c'est-à-dire qu'il atteint l'île d'Hispaniola (Saint-Domingue) dans les Caraïbes, pour le compte des Rois catholiques. Il croit du reste avoir atteint « les Indes » (l'Asie orientale).

Hispaniola est pendant dix-neuf ans le seul territoire colonisé par les Espagnols dans ce qu'ils appellent le nouveau monde, d'abord sous la direction de Colomb (1494-1500), puis sans lui (mais avec son fils Diego à partir de 1509). Colomb détient en effet, par les capitulations de Santa Fe (avril 1492), les titres d'amiral (sur mer) et de vice-roi des Indes et de gouverneur (sur terre) ainsi que le droit à 10 % des richesses, le reste revenant à la couronne de Castille. Les autres Espagnols reçoivent une solde payée par la couronne. Très vite, ce statut pose problème, car beaucoup d'entre eux sont venus pour avoir une part des richesses escomptées (d'ailleurs pas très abondantes à Hispaniola).

Le gouvernorat de Christophe Colomb (1492-1500)

Le premier voyage (août 1492-janvier 1493), avec 90 hommes, ne donne lieu à aucune installation[6]. Le second qui débute en septembre 1493, avec 1 500 hommes, voit le début de la colonisation. Colomb fonde une ville, La Isabela (janvier 1494), puis part pour une exploration de Cuba et de la Jamaïque (mars à septembre), laissant le gouvernorat à son frère Giacomo. En juin 1494, un convoi de ravitaillement amène à Hispaniola un autre frère, Bartolomeo.

Hispaniola est dès lors dirigée par les frères Colomb, ce qui est mal accepté par d'autres officiers espagnols, dont plusieurs repartent en Espagne (Pedro Margarit, notamment). Colomb, objet de dénonciations diverses à la cour, est convoqué en mars 1496 et, après s'être disculpé, revient seulement en août 1498 à Hispaniola, où Diego et Giacomo Colomb font face à la rébellion d'une partie des Espagnols. En 1496, a été fondée une autre ville, La Nueva Isabela.

La situation n'est pas rétablie par l'arrivée de Colomb. En 1500, les Rois catholiques envoient un enquêteur qui décide l'arrestation des frères Colomb et leur renvoi en Espagne. Ils sont assez rapidement libérés, mais Colomb perd ses titres de vice-roi et de gouverneur, ainsi que sa part des richesses. Il n'est plus qu'amiral, ce qui lui permet un quatrième voyage d'exploration (1502-1504), sans qu'il intervienne à Hispaniola.

Les gouverneurs de 1500 à 1511

Cuba et les autres conquêtes (à partir de 1511)

En 1511, les premiers conquistadors prennent le contrôle de Cuba. En 1521 commence la conquête du Mexique et en 1532 celle de l'empire inca.

Histoire de l'encomienda

À Hispaniola sous le gouvernorat de Christophe Colomb

Les premières répartitions de terres ont lieu en l'absence de Christophe Colomb, qui en accepte le principe en 1498. La Couronne ratifie l'état de fait en 1503 : les colons imposent leur choix ; les premiers bénéficiaires réduisent les autochtones non pas à l'esclavage, sort qui sera plus tard réservé aux Africains, mais au travail forcé.

Les autochtones, dans la mesure du possible, cherchèrent à fuir les mines et les champs car leurs conditions de travail étaient très difficiles et ils subissaient de mauvais traitements. Ceux-ci firent l'objet de critiques au sein même de la population des colons.

La recherche de l'or réclamait une importante main d'œuvre pour l'orpaillage. À partir de 1495, le fait d'imposer un tribut en métal précieux aux Arawaks donna une base juridique aux exigences de la colonisation. Les autochtones n'ayant pas d'or durent pratiquer l'orpaillage et l’encomienda apparut comme un moyen de les y contraindre.

Législations royales sur la question (à partir de 1512)

En Espagne diverses tentatives de réformes visant à réglementer l'action des colons, renforcer l'autorité de la couronne et préserver certains droits aux autochtones ont été menées.

En 1512, sous la pression de l'Église catholique romaine, Ferdinand II d'Aragon promulgue les lois de Burgos qui sont une première tentative[2] qui s'avère peu fructueuse : les lois modifient le système des encomiendas en un système nommé repartimientos (es) avec pour but de mettre fin à l'exploitation des autochtones. Elles interdisent l'utilisation de toute forme de punitions à l'encontre des autochtones, régulent leurs heures de travail, leurs paies, leur hygiène et leur santé et les contraignent à être catéchisés.

Vers le milieu du siècle, la lutte engagée par le dominicain Bartolomé de Las Casas pour défendre les autochtones et dénoncer des excès commis par les colons espagnols en Amérique (Brevísima relación de la destrucción de las Indias[7]) et la promulgation des Leyes Nuevas de Indias (1542) donnent lieu à la controverse de Valladolid (1550-1551). Néanmoins, la tentative de mise en application de ces dernières provoque un soulèvement des encomenderos entre 1544 et 1548, menés par Gonzalo Pizarro. Pour rétablir son contrôle sur la région, Charles Quint se résolut à rétablir l’encomienda.

Le phénomène se généralise au XVIIe siècle et détourne à son profit une bonne partie de la population qui se consacrait à la polyculture. Les cultures, surtout de manioc, se répartissent alors sur de petits champs autour des villages et exigent des soins constants. Les Espagnols n'apprécient pas le manioc et décident donc d'importer d'Europe des produits alimentaires (vin, blé, animaux). De plus, il acclimatent sur le sol de Saint-Domingue du bétail, notamment des ovins, qui prolifèrent et dévastent la polyculture locale. On assiste alors à un déclin des cultures vivrières. Une chute brutale de la population des Arawaks s'ensuit.

Avec l'épuisement des ressources minières l'encomienda s'est peu à peu transformée pour ne reposer plus que sur l'agriculture, aboutissant à une concentration des propriétés terriennes en haciendas[2], qui caractérisent encore au XXIe siècle dans une large mesure le profil territorial agricole de nombreux pays d'Amérique hispanique.

L’encomienda est officiellement abolie en 1791.

Notes et références

  1. Article « Encomienda » de l'Encyclopédie Universalis. Version en ligne consultée le 2 février 2012.
  2. 1 2 3 Article « Encomienda » de l'Encyclopædia Britannica, version en ligne consultable au 27 août 2010.
  3. Hernan Cortès, La conquête du Mexique, Paris, La Découverte, , 458 p., p. 31
  4. Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, tome 3 : Le temps du monde, Paris, Armand Colin, LGF-Le Livre de Poche (ISBN 2253064572), 1993, p. 490.
  5. Joseph Pérez, Histoire de l'Espagne, Fayard, , 921 p. (ISBN 978-2-213-03156-9), p. 211
  6. Le fort de la Navidad est un expédient à la suite de l'échouage de la Santa Maria.
  7. « Le miroir de la cruelle et horrible tyrannie espagnole perpétrée aux Pays-Bas par le tyran duc d'Albe et autres commandants du roi Philippe II », sur World Digital Library, (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

  • Fazenda
  • Hacienda
  • Ayllu, Mita (Inca)

Liens externes