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La glossolalie (du grec ancien γλῶσσα / glỗssa, « langue » et λαλέω / laléô, « bavarder ») est le fait de parler ou de prier à haute voix dans une langue ayant l'aspect d'une langue étrangère, inconnue de la personne qui parle, ou dans une suite de syllabes incompréhensibles[1]. Elle se distingue de la xénoglossie ou xénolalie qui est le fait de parler, sans l'avoir apprise, une langue existante[2]. Des phénomènes de xénoglossie ont été rapportés entre autres dans le christianisme, le chamanisme et le spiritisme[3].

La glossolalie est utilisée comme concept en psychiatrie pour désigner un trouble du langage qui se manifeste chez certains patients souffrant de maladies mentales. Elle consiste à prononcer des mots inventés ou à modifier des mots existants[4].

Christianisme

Le terme est un néologisme forgé au XIXe siècle à partir de glossa (langue) et de lalein (parler), termes que l’on trouve séparément ou sous diverses combinaisons dans le Nouveau Testament. Elle est aussi appelée la « langue des anges ». Dans la Première épître aux Corinthiens, chapitre 14, Paul de Tarse fait référence à la faculté de prier Dieu dans une langue qui ne peut pas être comprise par les autres[5]. Pour qu'elle soit utile à l'Église, l'interprétation de paroles en langues doit y être associée[6]. Dans les versets 5 à 25, ce don sans interprétation, est toutefois décrit comme inférieur à la prophétie qui permet d'édifier l'Église[7].

En 1906, le phénomène a été considéré comme la « langue des anges » par le Réveil d'Azusa Street au centre-ville de Los Angeles sous la conduite du pasteur William Joseph Seymour, qui a donné naissance au mouvement pentecôtiste [8],[9],[10].

En 1960, lors d’un sermon de Pâques du dans une église épiscopale à Van-Nuys, Los Angeles, Dennis Bennett, prêtre épiscopalien déclare avoir vécu un baptême du Saint-Esprit avec « parler en langues » [11]. Malgré cette expérience, il souhaite rester dans son église. Il consacrera le reste de sa vie à propager son témoignage ainsi que cet enseignement dans les églises épiscopaliennes. Cet évènement contribuera à développer le mouvement charismatique dans diverses églises protestantes réformées et catholiques[12].

Spiritisme

« De Frederica Hauffe, surnommée la « voyante de Prevorst » à Élise Muller, mieux connue sous son pseudonyme d’Hélène Smith, le XIXe siècle a vu se multiplier le nombre des médiums spirites et plus ou moins hystériques, presque toujours des femmes, qui communiquaient avec l’au-delà dans une logorrhée glossolalique[10]. » À noter que dans le cas de Hélène Smith, il semble plutôt que ses glossolalies furent la conséquence d'une réaction iatrogène ; en outre, la patiente de Flournoy, observée par Saussure, ne communiquait pas avec "l'au-delà" tel qu'on peut l'entendre généralement : un discours avec les morts, mais avec Mars, puis Ultra Mars, puis elle communiqua en sanskrit[13].

Selon la doctrine spirite développée par Allan Kardec, il existerait une autre dimension peuplée d’esprits, dont certains seraient les esprits des défunts. Ces esprits, dépourvus d’un corps matériel, seraient capables de se manifester en utilisant les organes d’une personne volontaire, appelée médium. Lorsque les organes prêtés temporairement par le médium sont les organes de la voix, il s’agit d’un médium parlant[3]. Dans le cas où l’esprit qui se manifeste par les organes vocaux parle une langue totalement inconnue du médium (le russe ou le grec ancien par exemple), il s’agit d’un médium polyglotte[14]. Pour les adeptes du spiritisme, ce phénomène de « parler en langues » prouverait que les paroles prononcées par le médium proviennent d’une intelligence extérieure au médium[15]. Les spirites utilisent peu le terme « glossolalie » et utilisent plutôt le terme « psychophonie » pour désigner le même phénomène[16].

Psychologie et psychiatrie

Dans son analyse du cas Hélène Smith, le psychologue Théodore Flournoy conclut que « les voix qu’entend Élise Muller et ses visions sont le symptôme d’une dissociation de la personnalité. Les hallucinations auditives sont d’origine subconsciente et le sujet les attribue à des êtres différents de lui-même. D’un point de vue psychologique, Flournoy explique les productions glossolaliques d’Élise Muller par la puissance autonome du « subliminal » en elle[10]. »

Le terme en psychiatrie désigne un « langage imaginaire de certains aliénés, fait d'onomatopées dont la relative fixité au point de vue de la syntaxe et du vocabulaire permet la compréhension dans une certaine mesure[17] ».

On observe des cas de glossolalie chez des jargonaphasiques, des hystériques, ainsi que chez certains schizophrènes ou délirants chroniques[18].

Culture populaire

  • Dans la série télévisée danoise de 2017 Au nom du père, le pasteur luthérien August se fait exclure de l'église par son évêque pour avoir eu une crise de glossolalie lors d'une prière.
  • Dans En place, un personnage, William Crozon, joue souvent de glossolalie dans un but comique.

Critiques

Divers groupes chrétiens ont reproché au mouvement pentecôtiste et charismatique, une trop grande attention aux manifestations mystiques, comme la glossolalie [19].

Des théologiens ont rappelé que le jour de la Pentecôte, les disciples qui ont reçu un baptême du Saint-Esprit, n’ont pas parlé en des langues inconnues, mais ont loué Dieu dans d'autres langues que des non-croyants de diverses régions du monde pouvaient comprendre, ce qui en faisait un don utile pour l’évangélisation [20],[21].

Notes et références

  1. (en) Joe Nickell, Looking for a Miracle: Weeping Icons, Relics, Stigmata, Visions & Healing Cures, p. 108
  2. Cheryl Bridges Johns and Frank Macchia, “Glossolalia,” The Encyclopedia of Christianity (Grand Rapids, MI; Leiden, Netherlands: Wm. B. Eerdmans; Brill, 1999–2003), 413.
  3. 1 2 Allan Kardec, Le livre des médiums, seconde partie, chapitre XIV : Médiums parlants.
  4. Encyclopédie Vulgaris Médical : Glossolalie
  5. Paul Elbert, Journal of Biblical and Pneumatological Research: Volume Four, Wipf and Stock Publishers, USA, 2012, p. 125
  6. James Leo Garrett, Systematic Theology, Volume 2, Second Edition, Wipf and Stock Publishers, USA, 2014, p. 230
  7. J. D. Douglas, Merrill C. Tenney, Zondervan Illustrated Bible Dictionary, Zondervan Academic, USA, 2011, p. 1468
  8. Wonsuk Ma, Robert P. Menzies, Pentecostalism in Context, Wipf and Stock Publishers, USA, 2008, p. 328
  9. Randall Herbert Balmer, Encyclopedia of Evangelicalism: Revised and expanded edition, Baylor University Press, USA, 2004, p. 47
  10. 1 2 3 Anne Tomiche 2003.
  11. Bill J. Leonard, Jill Y. Crainshaw, Encyclopedia of Religious Controversies in the United States, Volume 1, ABC-CLIO, USA, 2013, p. 165
  12. (fr) Laurent Frölich, Les catholiques intransigeants en France, Broché, 2003, (ISBN 978-2747516198), 406 pages ; « 2-§2 La spécificité charismatique », pages 93-94.
  13. Glossolalie, Nathalie Dubleumortier, L'Harmattan, Paris, 1997.
  14. Allan Kardec, Le livre des médiums, seconde partie, chapitre XVI
  15. Allan Kardec, Le livre des médiums, seconde partie, chapitre III
  16. Psychophonie : Communication des Esprits par la voix d'un médium parlant. Allan Kardec, Le livre des médiums, seconde partie, chapitre XXXII : Vocabulaire spirite
  17. Informations lexicographiques et étymologiques de « Glossolalie » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  18. Vitorio Delage, « Dictionnaire médical de l'Académie de Médecine » (consulté le )
  19. Wolfgang Vondey, Pentecostalism: A Guide for the Perplexed, A&C Black, UK, 2012, p. 37-38
  20. Bill Lockwood, 'Gift of tongues' involved speaking foreign languages, timesrecordnews.com, USA, 10 décembre 2016
  21. Bill J. Leonard, Jill Y. Crainshaw, Encyclopedia of Religious Controversies in the United States, Volume 1, ABC-CLIO, USA, 2013, p. 366

Bibliographie

  • Alessandra Pozzo et Jacques Roubaud, La glossolalie en Occident, Paris, Les Belles Lettres, , 449 p. (ISBN 978-2-251-44447-5, lire en ligne)
  • Anne Tomiche, « Glossolalies : du sacré au poétique », Revue de littérature comparée, Klincksieck, vol. n° 305, no 1, , p. 61-72 (ISSN 0035-1466, lire en ligne, consulté le )
  • Glossolalie : discours de la croyance dans un culte pentecôtiste, l'Harmattan, , 237 p. (ISBN 978-2-7384-4935-1, lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes