Autre(s) nom(s) | Jim Crow Laws |
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Pays | États-Unis |
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État | États du sud |
Régime | ségrégation raciale |
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Promulgation | 1877 |
Abrogation | 1964 |
Les lois Jim Crow (Jim Crow Laws en anglais) sont des lois nationales et locales issues des Black Codes imposant la ségrégation raciale aux États-Unis[1],[2] et promulguées par les législatures des États du Sud de 1877 à 1964. Ces lois ont été mises en place pour entraver l'exercice des droits constitutionnels des Afro-Américains acquis au lendemain de la guerre de Sécession : le Treizième amendement de la Constitution des États-Unis du abolissant l'esclavage, le Quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis de 1868 accordant la citoyenneté à toute personne née ou naturalisée aux États-Unis et interdisant toute restriction à ce droit, et le Quinzième amendement de la Constitution des États-Unis, de 1870, garantissant le droit de vote à tous les citoyens des États-Unis.
Les plus importantes lois Jim Crow introduisaient la ségrégation dans les services publics (établissements scolaires, hôpitaux, transports, justice, cimetière, etc.), les lieux de rassemblement (restaurants, cafés, théâtre, salle de concert, salles d'attente, stades, toilettes…) et restreignaient les interactions sociales entre Blancs et gens de couleur au strict minimum, cela au nom du principe « separate but equal » (« séparés mais égaux »).
Les mouvements et actions visant l'application des droits civiques auront pour objet l'abrogation de ces lois, notamment par la saisine de la Cour suprême pour demander des arrêts au sujet de situations de ségrégation pour en vérifier la constitutionnalité. C'est ainsi que la ségrégation scolaire a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême des États-Unis en 1954 (arrêt Brown v. Board of Education). Suivront d'autres affaires. Les Lois Jim Crow ont été définitivement abolies par le Civil Rights Act de 1964, le Voting Rights Act de 1965 et le Civil Rights Act de 1968 qui mettent juridiquement fin à la ségrégation raciale sur l'ensemble des États-Unis.
Origine de l'expression
Le nom « Jim Crow » vient de la chanson Jump Jim Crow. Cette chanson est une critique des politiques populistes d'Andrew Jackson, composée et interprétée en 1832 par Thomas D. Rice[3],[4],[5], qui chante et danse le visage et les mains peints en noir pour caricaturer les Afro-Américains. La chanson et le spectacle qui l'inclut rencontrent un vif succès. Dès 1838, « Jim Crow » est une expression péjorative désignant les personnes noires vivant aux États-Unis[6].
L'expression Jim Crow laws (« lois Jim Crow ») est répertoriée pour la première fois en 1892 dans le titre d'un article du New York Times consacré à la ségrégation dans les trains en Louisiane[6],[7].
Historique
Origines des lois Jim Crow
Le , le Treizième amendement de la Constitution des États-Unis est ratifié, abolissant l'esclavage dans l'ensemble du pays[8],[9], avec une réserve pénale : « Ni esclavage ni servitude involontaire, si ce n'est en punition d'un crime dont le coupable aura été dument condamné, n'existeront aux États-Unis ni dans aucun des lieux soumis à leur juridiction »[10]. Commence alors la Reconstruction, qui dure de 1865 à 1877. Au cours de cette période, les lois fédérales protègent les Afro-Américains affranchis et les quelques Noirs déjà libres avant la guerre de Sécession comme le Quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis de 1868, accordant la citoyenneté à toute personne née ou naturalisée aux États-Unis et interdisant toute restriction à ce droit, et le Quinzième amendement de la Constitution des États-Unis, de 1870, garantissant le droit de vote à tous les citoyens des États-Unis. Dans les années 1870, le parti démocrate regagne du pouvoir dans les états du Sud[11], utilisant des milices terroristes comme la White League ou le Ku Klux Klan pour empêcher l'organisation républicaine et empêcher les Noirs de voter[12].
Le Civil Rights Act de 1875, présenté au Congrès par Charles Sumner et promulgué par le Président Ulysses Grant le 1er mars 1875 , garantit que toute personne, sans distinction d'ethnicité, de couleur de peau ou de passé d'esclave, doit avoir accès au même traitement dans les infrastructures recevant du public comme les hôtels, les moyens de transport, les théâtres et les autres lieux de divertissement[13]. En 1883, la Cour Suprême rend un arrêt déclarant inconstitutionnel le Civil Rights Act, estimant qu'aucune loi ne peut contrôler des personnes et entreprises privées[14],[15],[16].
Avec le compromis de 1877, le gouvernement retire les dernières troupes fédérales du Sud du pays. Les démocrates blancs dits « Redeemers » ont, à ce stade, repris le pouvoir de tous les états du Sud du pays[17]. Ils mettent en place la ségrégation raciale sous forme des lois Jim Crow. Les personnes noires sont parfois élues à l'échelle locale dans les années 1880, mais leur vote est annulé pour les élections étatiques et nationales. Les démocrates font voter de nouveaux critères d'éligibilité au vote, qui empêchent la participation de la majorité des personnes noires et de beaucoup de blancs pauvres[18],[19]. De 1890 à 1910, dix des onze anciens états confédérés empêchent le vote noir quasi parfaitement en instaurant des critères de taxes, d'éducation et de comptabilité[18],[19].
En Louisiane en 1910, moins de 0,5 % des hommes noirs ont le droit de vote, soit seulement 730 hommes ; dix ans plus tôt, le nombre déjà réduit était de 5 320 votants noirs[20]. En Caroline du Nord, il ne reste aucun homme noir pouvant voter entre 1896 et 1904. La classe moyenne noire disparait en une décennie d'interdiction de vote[20]. En Alabama, les législateurs promettent que les lois ne toucheront pas les Blancs pauvres : des dizaines de milliers d'entre eux perdent quand même leur droit de vote[21]. Sans droit de vote, les personnes noires ne peuvent pas être jurées ni se présenter aux élections locales. Elles disparaissent de la vie politique. Si les politiques de la Reconstruction ont permis de faire ouvrir des écoles publiques, les écoles noires sont beaucoup moins bien financées que les écoles blanches, elles-mêmes en difficulté en raison de l'effondrement du prix du coton[22]. Jusqu'à 1900, les quelques bibliothèques ouvertes aux personnes noires sont celles de leurs écoles[23]. Si au début du vingtième siècle, de premières bibliothèques ouvrent, elles n'ont que des livres d'occasion et restent rares[24],[25],[26].
Essor des lois Jim Crow et premières oppositions
Pendant l'ère progressiste, des années 1890 aux années 1920, la ségrégation entre dans les mœurs : même là où il n'y a pas de lois Jim Crow, il est rare de voir Noirs et Blancs se mélanger[27]. La raison la plus communément invoquée est qu'en raison du racisme blanc, il serait négatif pour les personnes noires de devoir être méprisées dans la société blanche et qu'il vaut donc mieux que les Noirs restent avec des personnes qui les voient comme égales[28].
En 1890, la Louisiane fait passer une loi requérant des wagons différents pour les passagers blancs, noirs et « de couleur » (généralement métis) sur les chemins de fer. La loi exprime déjà que les Noirs et Blancs ne peuvent pas prendre le train ensemble, mais le nouveau texte précise que les personnes de couleur ne peuvent pas non plus partager le wagon des Blancs. Le militant Homer Plessy, dont un arrière-grand-parent est Noir et qui a la peau claire, prend le train des personnes blanches et refuse d'en descendre lorsqu'on lui demande son ascendance. Il est arrêté : un comité de militants de la Nouvelle-Orléans fait appel, mais perd contre la Cour Suprême dans le cas Plessy v. Ferguson en 1896, quand la Cour estime que le wagon « séparé mais égal » est constitutionnel[29]. En 1908, une proposition est faite d'appliquer le même système aux tramways de Washington D.C., mais elle est retoquée par le Congrès[30].
L'élection présidentielle de 1912 nuit fortement aux droits des Africains Américains. La plupart des Noirs vivent encore dans le sud du pays, où ils ont perdu le droit de vote[31]. Woodrow Wilson, élu président, est le premier président américain né dans le Sud du pays depuis la guerre de Sécession. Son cabinet est essentiellement constitué de sudistes. Certains d'entre eux font rapidement campagne pour des lieux de travail ségrégués, alors que Washington D.C. est intégrée depuis la guerre. En 1913, par exemple William Gibbs McAdoo, le Secrétaire du Trésor des États-Unis, s'oppose à voir des femmes noires et blanches travaillant ensemble au gouvernement[32]. L'administration Wilson installe la ségrégation dans les bureaux gouvernementaux, malgré l'opposition des libéraux blancs et des militants noirs dans le Nord et le Midwest[33] ; le président lui-même affirme que la ségrégation raciale sert les intérêts des Blancs et des Noirs[34].
De 1910 à 1920, plusieurs villes du Texas interdisent l'installation de Noirs dans de nombreux quartiers. Des lois mènent à la ségrégation des fontaines à eau et des toilettes. Les « personnes de couleur » contre qui la ségrégation opère incluent par ailleurs les Amérindiens, surtout après leur transformation en citoyens via le Indian Citizenship Act de 1924[24],[35]. Les écoles amérindiennes sont très mal financées, et certains enfants fréquentent des écoles noires[24].
Seconde Guerre mondiale
En 1944, William Francis Murphy parle de racisme pour la première fois de l'histoire de la Cour Suprême des États-Unis, dans le cadre du cas Korematsu v. United States. Il estime que le déménagement forcé des Américains d'origine japonaise est raciste[36].
Dans les années 1930 et 1940, de nombreux boycotts sont organisés par des militants, en particulier par la National Association for the Advancement of Colored People, engagée dès le début du siècle. Les premières manifestations obtiennent des retours positifs[37]. Après la Seconde Guerre mondiale, l'opposition monte contre la ségrégation : les personnes noires estiment avoir gagné le droit à un traitement égal en raison de leur service militaire et de leurs sacrifices. En 1948, le président Harry S. Truman signe la dé-ségrégation de l'armée[38].
Déclin et abandon
En 1954, le cas Brown v. Board of Education voit l'annulation dans les seules écoles publiques de la décision de Plessy v. Ferguson prise en 1896 par la Cour Suprême. Cette décision est prise sous l'égide du juge nouvellement nommé, Earl Warren[39],[40],[41] et à l'unanimité des neuf juges[40].
En 1955, Rosa Parks refuse d'abandonner son siège de bus à un homme blanc dans la ville de Montgomery (Alabama). Ce n'est pas la première fois que ça arrive : neuf mois plus tôt, Claudette Colvin, une adolescente de quinze ans, en a fait de même[42]. L'acte de Parks est cependant celui choisi pour représenter le mouvement des droits civiques : le boycott des bus de Montgomery dure plus d'un an et se termine par la déségrégation des compagnies de bus privées de la ville[43].
Dans la ligne de son arrêt concernant les écoles publiques, la cour suprême rend le 13 novembre 1956 l'arrêt Browder v. Gayle, qui déclare la ségrégation raciale dans les transports publics inconstitutionnelle.
En , le président Lyndon B. Johnson rencontre des militants pour les droits civiques. Le , pendant son discours sur l'état de l'Union, Johnson rappelle l'importance des droits civiques et de sa rencontre passée. Le , les meurtres de la Freedom Summer attirent l'attention nationale et permettent au Congrès de faire ratifier le Civil Rights Act de 1964[44]. Le , l'acte est ratifié[44],[45]. Il interdit la discrimination dans les entreprises, y compris les écoles privées[44].
Exemples de lois Jim Crow dans différents États
Alabama
- Infirmières
« Aucune personne ou société n'exigera de n'importe quelle infirmière féminine blanche de travailler dans les salles d'hôpitaux, publics ou privés, dans lesquels des Noirs sont placés. »
- Autobus
« Toutes les stations de cet État, quelle que soit la compagnie de transport, devront avoir des salles d'attente et des guichets séparés pour les blancs et pour les personnes de couleur. »
- Transports ferroviaires
« Les contrôleurs de train de voyageurs doivent assigner à chaque passager le wagon ou le compartiment qui lui est destiné selon sa couleur. »
- Restaurants
« Tout restaurant ou tout autre endroit où est servi de la nourriture sera illégal s'il ne prévoit pas des salles distinctes pour les personnes blanches et de couleur, à moins que celles-ci ne soient efficacement séparées par une cloison pleine s'étendant du plancher vers le haut à une distance minimale de sept pieds et à moins qu'une entrée séparée soit prévue. »
Floride
- Mariage
« Tout mariage entre une personne blanche et une personne noire ou entre une personne blanche et une personne d'ascendance noire à la quatrième génération est interdit. »
- Cohabitation
« Tout Noir et toute femme blanche, ou tout homme blanc et toute femme noire qui ne sont pas mariés et qui vivent habituellement ensemble ou occupent la même chambre la même nuit sont punissables d'un emprisonnement ne pouvant dépasser 12 mois ou d'une amende maximale de 500 dollars. »
- Éducation
« Les écoles pour enfants blancs et pour enfants noirs devront être séparées. »
- Promotion de l'égalité
« Toute personne qui sera reconnue coupable de l'impression, de l'édition ou de la circulation de tracts ou pétitions recommandant ou présentant au public des informations, des arguments ou des suggestions en faveur de l'égalité sociale ou en faveur du mariage entre Blancs et Noirs, sera coupable d'un délit et risquera jusqu'à 500 dollars d'amende ou 6 mois de prison. »
- Entrées d'hôpital
« Il sera maintenu par les autorités de chaque hôpital et par l'état, pour le traitement des blancs et des patients de couleur, des entrées séparées pour les blancs et pour les patients et les visiteurs de couleur, et de telles entrées seront employées seulement par la race par laquelle elles doivent être employées. »
- Prison
« Le directeur veillera à ce que les condamnés blancs aient des lieux séparés pour dormir et pour manger de ceux des condamnés noirs. »
Notes et références
Notes
Références
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Articles connexes
- Racisme
- Ku Klux Klan
- Mouvement américain des droits civiques
- Reconstruction
- Literacy tests aux États-Unis
- W. E. B. Du Bois
- Charles Hamilton Houston
- Thurgood Marshall
- Loving v. Virginia
- Ère progressiste
- Révocation du droit de vote
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :