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La Monomane de l'envie ; Théodore Géricault (1791–1824).

L’envie (du latin : invidia) est l'objet de plusieurs définitions et sens. Elle peut être synonyme de désir, ou désigner un ressentiment et créer un désir face au bonheur d'autrui ou à ses avantages[1],[2]. Bertrand Russell explique que l'envie est la plus importante des causes de malheur moral[3]. Elle ne doit pas être confondue avec la jalousie, qui consiste à ne pas vouloir partager ou perdre son bien. L'envie peut déclencher la jalousie.

Psychologie

En psychologie, l’envie désigne un désir dont le sujet ne connaît pas toujours l’origine. L’envie est alors un réflexe dont la part d’inné et d’acquis est bien difficile à établir. Pour certains, l’envie est le propre de l’humain et serait l’un des moteurs de son évolution. Il s’agit en ce cas d’une acception toute différente du terme. Également, des individus souffrant de trouble de la personnalité narcissique sont souvent envieux, ou pensent que les autres individus de leur entourage les envient[4]. Ce genre d'individu se croit supérieur face aux autres en les rabaissant[5].

La psychanalyste Melanie Klein comprit l'envie comme une tendance à la destructivité visant tout ce dont dépend le sujet (et non le sujet lui-même, à la différence de la pulsion de mort au sens freudien). L'envie peut alors être rapprochée de l'agressivité chez Sigmund Freud, soit un mélange, compromis avec la pulsion de mort qui la fait se tourner vers l'extérieur. Mais l'envie, telle que décrite par Klein, décrit bien l'insupportable que représente le bon objet, dont dépend le nourrisson. Cette envie s'oppose à la gratitude (psychanalyse). René Girard fait de l'envie, du mimétisme, le moteur principal du monde moderne (Mensonge romantique et vérité romanesque, 1961). Il entraine sur sa thèse un nombre croissant de chercheurs dans toutes les sciences humaines (voir Paul Dumouchel et Jean Pierre Dupuy, in L'enfer des choses, Seuil, 1979 ; René Girard et la logique de l'économie, in Le Monde de l'éducation, mai 2006, entretien avec René Girard).

Sociologie

L’envie peut être également définie comme la volonté de posséder sans nécessité et s’oppose alors au besoin. Ainsi, la volonté d’obtenir une même chose pourra être désignée comme envie ou besoin en fonction de l’idée que l’observateur se fait de la nécessité de posséder la chose pour la personne qui exprime cette volonté. Par exemple, la volonté de manger pour une personne qui a « vraiment » faim sera généralement considérée comme un besoin, alors qu’il s’agit d’une envie dans le cas contraire. L’envie que l’on trouve injustifiée, c’est-à-dire sans aucune nécessité, est parfois appelée « caprice », bien que le mot soit plutôt utilisé dans un cas opérationnel précis : celui d’une chose réclamée qu’un individu possède, dont on ne veut plus une fois qu'on l'a obtenu.

Comparaison à la jalousie

Publié dans Le Suprême Bon Ton n°6 - L'envie réciproque

L'envie et la jalousie sont souvent confondues. Cependant, ces deux mots possèdent leur définition propre[2]. La jalousie est causée par la peur de perdre quelqu'un ou quelque chose, à laquelle un individu est attaché, ou qu'un autre individu possède, tandis que l'envie est un ressentiment causé par un autre individu possédant quelque chose que l'individu affecté ne possède pas mais qu'il désire[6]. Il s’agit en fait de deux passions opposées, l’envie consistant à convoiter le bien d’un rival, et la jalousie à ne pas vouloir partager ou perdre ce bien, de sorte que le triangle infernal du désir mimétique selon René Girard est formé par un objet, un envieux et un jaloux. La substitution fréquente voire systématique de nos jours des mots « envie » ou «  envieux » par « jalousie » ou « jaloux » (moins péjoratifs) crée une confusion sémantique très regrettable. Voir Helmut Schoeck, « L'envie : une histoire du mal » (1969, publié en français en 1995).

Vision évolutionniste

La théorie évolutionniste peut aider à expliquer l'envie et ses effets sur le comportement humain. Basée sur la théorie de l'évolution de Charles Darwin (1859) à travers la sélection naturelle, la théorie évolutionniste explique que les humains agissent de telle manière à améliorer les chances de survie individuelle et également la reproduction de leurs gènes. Ainsi, cette théorie fournit un cadre de compréhension dans le comportement et les expériences sociales, comme l'expérience et l'expression de l'envie, comme enracinées dans les pulsions biologiques pour la survie et la procréation[7]. De récentes études menées en 2011 ont démontré qu'inciter à l'envie changeait les fonctions cognitives, ce qui accroît la pulsion mentale et la mémoire[8].

Religion

Christianisme

L’envie est désignée comme vice par la tradition chrétienne et fait partie des Sept péchés capitaux définis par Thomas d'Aquin. Dans ce cadre, elle désigne plus particulièrement la convoitise ou émotion éprouvée par celui qui désire intensément posséder le bien d’autrui. Thomas d'Aquin décrit une certaine progression de l'envie, avec un début, un milieu et un terme. Au début on s'efforce d'amoindrir la gloire d'autrui, soit secrètement (chuchotement malveillant) ; soit ouvertement (diffamation). Le milieu est ce qui résulte de cette volonté de diminuer la gloire d'autrui : soit l'on y réussit et l'on jubile d'avoir causé des difficultés, soit l'on échoue et l'on est déçu de voir la réussite de l'autre. Enfin, il y a la haine.

Médias

  • Dans le manga Fullmetal Alchemist de Hiromu Arakawa, l'un des sept Homonculus représente l'envie. Son nom est Envy, qui signifie « Envie » en anglais.
  • Dans le manga Judge de Yoshiki Tonogai Hiro, le personnage principal, qui porte un masque de lapin, représente l'envie.
  • Dans le manga Trinity Seven de Kenji Saitō Levi, représente le contraire de l'envie (Invidia)
  • Dans le manga Seven Deadly Sins, Diane représente le péché de l'envie, et l'animal qui lui est attribué est le serpent.

Notes et références

  1. « Envie (définition) », sur L'Internaute (consulté le ).
  2. 1 2 (en) Parrott, W. G., & Smith, R. H. (1993). Distinguishing the experiences of envy and jealousy.Journal of Personality and Social Psychology, 64, 906-920.
  3. (en) Russell, Bertrand, The Conquest of Happiness, New York, H. Liverwright,
  4. (en) Narcissistic personality disorder - Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. Fourth edition Text Revision (DSM-IV-TR). American Psychiatric Association (2000).
  5. (en) Hotchkiss, Sandy & Masterson, James F. Why Is It Always About You? : The Seven Deadly Sins of Narcissism (2003)
  6. (en) Neu, J., 1980, "Jealous Thoughts," in Rorty (ed.) Explaining Emotions, Berkeley: U.C. Press.
  7. (en) Yoshimura, C.G, « The experience and communication of envy among siblings, siblings-in-law, and spouses », Journal of Social and Personal Relationships,
  8. (en) Fields, R., « Eat Your Guts Out: Why Envy Hurts and Why It's Good for Your Brain »,

Annexes

Bibliographie

  • Eric Darragon, Eric Holder, L'Envie (titre d'ensemble Les sept péchés capitaux), Paris, éd. du Centre Pompidou, 1997.
  • Sébastien Lapaque, Les sept péchés capitaux : Envie, Librio, 2000 (ISBN 2-290-30752-1).
  • Elena Pulcini, L'envie. Essai sur une passion triste, Le Bord de l'Eau, 2013.
  • Joan Riviere, La haine, le désir de possession et l’agressivité, Paris, Payot et Rivages, 2001.
  • Helmut Schoeck, L'envie : une histoire du mal, Les Belles Lettres, 1995 (ISBN 9782251440729).
  • « Le Théâtre de l’Envie (1315-1640) », Actes du colloque de l’Université Paul Verlaine-Metz (6-7 octobre 2006), organisé par Jean-Frédéric Chevalier et Jean-Pierre Bordier, à paraître.
  • Francesco Alberoni, Les Envieux, Plon, collection Pocket, réf. 10141 (ISBN 2-266-07414-8), traduit de l'italien par Pierre Girard, 1991.

Liens externes