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En phonétique, le terme prononciation a deux sens principaux. L’un se rapporte à l’action de produire, d’émettre des phones (sons) articulés à l’aide des organes de la parole[1],[2]. L’autre se réfère à la manière d’effectuer cette action dans le cas des sons et groupes de sons concrets, ainsi que des mots et des groupes de mots[3],[1],[2]. On parle aussi de la prononciation d’une langue ou d’une variété de langue (dialecte, sociolecte, etc.) en se référant aux sons qu’elle possède, ainsi que de la prononciation des lettres, groupes de lettres et mots écrits, s’agissant de la correspondance entre aspects écrit et parlé de la langue[4].

Prononciation correcte et prononciation erronée

Comme dans tous les autres domaines de la langue, dans le domaine phonétique aussi le locuteur peut faire des erreurs, appelées fautes de prononciation. Du point de vue de la linguistique purement descriptive, non normative, non prescriptive et non corrective, aucun fait de langue dans l’usage de sa langue maternelle par tout locuteur natif adulte et normal, dans des conditions normales, ne peut être considéré comme incorrect[5]. Dans cette conception linguistique ne sont des erreurs que les écarts par rapport aux règles de la langue en général. Toute variété de langue a ses propres règles, l’erreur n’est donc une erreur que du point de vue des règles de la variété en cause, faite par le locuteur qui l’utilise.

Chez certains locuteurs natifs, les fautes peuvent être causées par certains troubles neurophysiologiques ou neuropsychologiques, tel le bégaiement. De leur correction s’occupe l’orthophonie[6], appelée aussi logopédie.

Tout locuteur natif aux fonctions cérébrales normales peut faire des erreurs accidentelles, dont il sait que ce sont des erreurs, et qu’il corrige d’habitude tout de suite, par exemple l’inversion des sons initiaux de deux mots qui diffèrent seulement par ces sons, ex. (en) heft lemisphere au lieu de left hemisphere « hémisphère gauche »[7].

Les enfants qui apprennent leur langue maternelle font eux aussi des erreurs[8].

Les locuteurs parlant une langue qui leur est étrangère font eux aussi des erreurs par rapport aux règles de cette langue, surtout au cours de son apprentissage, à cause de la méconnaissance des règles ou de leur assimilation insuffisante. L’une des causes de ces erreurs est l’interférence, appelée aussi transfert négatif, qui consiste en l’application de règles de la langue maternelle différentes de celles de la langue étrangère, dans l’utilisation de cette dernière. Les interférences phonétiques consistent en la prononciation de sons comme dans la langue maternelle, ex. [r] de l’espagnol ou du russe prononcé [ʁ] par un locuteur natif de français[9].

Du point de vue de la linguistique normative, prescriptive et corrective, sont des erreurs tous les écarts par rapport aux règles de la variété standard de la langue, y compris ceux des locuteurs natifs. Ces règles font l’objet de la phonétique normative, appelée aussi orthoépie[10],[6],[11]. Les erreurs par rapport à l’orthoépie sont le fait de locuteurs qui ne connaissent pas suffisamment la variété standard, même s’ils ont une variété de langue maternelle qu’ils connaissent très bien. Parfois, un tel locuteur qui veut se conformer au standard, fait des erreurs appelées hypercorrections, en appliquant par analogie des règles valables dans d’autres situations, ex. (en) potato « pomme de terre » (prononciation standard [pəˈteɪtəʊ]) prononcé [pəˈtɑːtəʊ] par analogie avec tomato [təˈmɑːtəʊ] « tomate »[12].

L’une des fautes de prononciation est la métathèse, qui peut apparaître dans tous les cas présentés plus haut. Elle consiste le plus souvent en l’interversion de la place de sons ou de syllabes d’un mot, par exemple :

(fr) aréoplane vs aéroplane[13] ;
(en) aks vs ask « demander »[14] ;
(ro) potrocală vs portocală « orange »[15] ;
(ru) раболатория rabolatoriïa vs лаборатория laboratoriïa « laboratoire »[16].

La faute de prononciation dans l’histoire de la langue

Comme d’autres phénomènes qui sont des fautes à un certain moment de l’existence d’une langue, la faute de prononciation aussi peut participer à l’évolution des mots. Telle est, entre autres, la métathèse. D’abord c’est un phénomène individuel facilitant la prononciation, qui peut être validé par la suite par la communauté linguistique, être consacré par l’usage général, puis intégré dans la variété standard de la langue[17]. Exemples de telles métathèses sont :

(fr) fromage < (la) formaticum[18] ;
(es) milagro « miracle » < miraglo < (la) miraculum[18] ;
(it) chioma « crinière » < *clŏma < (la) cŏmŭla[18] ;
(ro) frumos « beau » < (la) formosus[17] ;
(en) bird « oiseau » < vieil anglais brid[19] ;
(hu) köp < pök « il/elle crache »[20] ;
(BCMS)[21] žlica « cuiller » < vieux-slave lžica < proto-slave lĭžica[22].

Notes et références

  1. 1 2 Bidu-Vrănceanu 1997, p. 390.
  2. 1 2 Constantinescu-Dobridor 1998, article pronunțare.
  3. Dubois 2002, p. 383.
  4. Bussmann 1998, p. 957.
  5. Andersson et Trudgill 1990 affirment : (en) We believe, as do most linguists, that native speakers do not make mistakes « Nous pensons, comme la plupart des linguistes, que les locuteurs natifs ne font pas d’erreurs » (cités par Nordquist 2020).
  6. 1 2 Bidu-Vrănceanu 1997, p. 342.
  7. Bussmann 1998, p. 1111.
  8. Crystal 2008, p. 173.
  9. Dubois 2002, p. 252–253.
  10. Dubois 2002, p. 337.
  11. Constantinescu-Dobridor 1998, article ortoepie.
  12. Bussmann 1998, p. 525.
  13. Dubois 2002, p. 255.
  14. Crystal 2008, p. 415.
  15. Constantinescu-Dobridor 1998, article metateză.
  16. Iartseva 1990, article Метате́за « Métathèse ».
  17. 1 2 Bidu-Vrănceanu 1997, p. 293.
  18. 1 2 3 Dubois 2002, p. 302.
  19. Crystal 2008, p. 303.
  20. Zaicz 2006, article köp.
  21. Bosnien, croate, monténégrin et serbe.
  22. Barić 1997, p. 621.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Andersson, Lars et Trudgill, Peter, Bad language [« Mauvaise langue »], Oxford (Angleterre) / Cambridge (Massachussets, USA), Blackwell,
  • (hr) Barić, Eugenija et al., Hrvatska gramatika [« Grammaire croate »], Zagreb, Školska knjiga, , 2e éd., 683 p. (ISBN 953-0-40010-1)
  • (ro) Bidu-Vrănceanu, Angela et al., Dicționar general de științe. Științe ale limbii [« Dictionnaire général des sciences. Sciences de la langue »], Bucarest, Editura științifică, (ISBN 973-44-0229-3, lire en ligne)
  • (en) Bussmann, Hadumod (dir.), Dictionary of Language and Linguistics [« Dictionnaire de la langue et de la linguistique »], Londres – New York, Routledge, (ISBN 0-203-98005-0, lire en ligne [PDF])
  • (ro) Constantinescu-Dobridor, Gheorghe, Dicționar de termeni lingvistici [« Dictionnaire de termes linguistiques »] (DTL), Bucarest, Teora, (sur Dexonline.ro)
  • (en) Crystal, David, A Dictionary of Linguistics and Phonetics [« Dictionnaire de linguistique et de phonétique »], Oxford, Blackwell Publishing, , 4e éd., 529 p. (ISBN 978-1-4051-5296-9, lire en ligne)
  • Dubois, Jean et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse-Bordas/VUEF, (lire en ligne)
  • (ru) Iartseva, V. N. (dir.), Лингвистический энциклопедический словарь [« Dictionnaire encyclopédique de linguistique »], Moscou, Sovietskaïa Entsiklopedia, (lire en ligne)
  • (en) Nordquist, Richard, « What Is a Grammatical Error? » [« Qu’est-ce qu’une erreur de grammaire ? »], sur Thought.Co, (consulté le )
  • (hu) Zaicz, Gábor (dir.), Etimológiai szótár. Magyar szavak és toldalékok eredete [« Dictionnaire étymologique. Origine des mots et affixes hongrois »], Budapest, Tinta, (ISBN 963-7094-01-6, lire en ligne)

Articles connexes