L’amitié est une inclination réciproque entre plusieurs personnes n'appartenant pas à la même famille. Elle peut exister entre frères et sœurs par delà les liens de sang[1]. Parfois c'est une amitié de groupe.
La relation d'amitié est aujourd'hui définie comme une sympathie durable entre deux ou plusieurs personnes n’ayant aucune attirance physique ou psychique. Elle naîtrait notamment de la découverte d'affinités ou de points communs : plus les centres d'intérêt communs sont nombreux, plus l'amitié a de chances de devenir forte.
Elle implique souvent un partage de valeurs morales communes. Une relation d'amitié peut prendre différentes formes ; l'entraide, l'écoute réciproque, l'échange de conseils, le soutien, la critique bienveillante, l'admiration pour l'autre, en passant par le partage de loisirs. Une ou un meilleur(e) ami(e) sert aussi à se confier et avoir confiance.
Étymologie
Le substantif féminin[2],[3],[4],[5] « amitié », prononcé [amitje] en français standard[3],[6], est issu du latin[3] vulgaire[2],[5] *amicitatem, accusatif[2],[3] singulier de *amicitas, -tis, altération[2] du latin[2] classique[3],[5] amicitia, -ae, par changement de déclinaison[3].
Comportement psychologique
Philosophie
Approche socioéconomique et « amitiés entre les peuples »
L'amitié entre les peuples est souvent évoquée - depuis le XIXe siècle surtout - dans le cadre d'alliances politiques, militaires, commerciales ou économiques, que dans des contextes plus altruistes. Elle est par exemple portée par des organisations caritatives, des ONG (médecins sans frontières, vétérinaires sans frontière…), des associations de migrants, des institutions telle que l'ONU, l'UNESCO, ou par les églises missionnaires. La création de l'Union Européenne a d'abord eu une base économique, et vise toujours explicitement le développement de sa compétitivité, mais les échanges d'étudiants (programme Erasmus) évoquent cette notion, qui était aussi au cœur de l’internationale socialiste et du projet d'internationale communiste, non sans ambiguïtés parfois.
Du point de vue asiatique, les relations humaines sont si importantes au cœur de l’économie qu’il existe un mot pour les désigner au Japon : nemawashi.
L'amitié entre les peuples ne s'adresse pas qu'aux relations entre pays, mais aussi entre individus d'origines différentes dans un même pays, ainsi le sigle MRAP signifie-t-il en France : Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples.
Approche socioculturelle
Le fonctionnement socio-économique ci-avant défini peut sembler « idéal ».
- En Asie, cet idéal est conditionné par le respect d’une condition sine qua non : un minimum de courtoisie et de délicatesse mutuelles dans les interactions sociales.
- En France, ce minimum est souvent transgressé dans les relations humaines autour de l’entreprise (négociation) et au cœur de l’entreprise.
La mondialisation a accru la compétition entre les économies et les pays, ainsi que les inégalités. Dans le même temps, les forums sociaux et diverses ONG continuent à porter l'idée d'amitié entre les peuples. Évoquer l’amitié des peuples sous l’angle ethno-sociologique ne suffit pas à rendre compte de la réalité des faits. Ainsi, l’importance de l’amitié, au cœur du processus de construction européen, a-t-elle été ratifiée par traité entre Français et Allemands, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : c'est l'amitié franco-allemande.
Amitié homme-femme
Il peut exister une amitié entre un homme et une femme.
Amitié et réseaux sociaux
L'arrivée des réseaux sociaux dans nos vies quotidiennes est venue modifier la façon dont les gens interagissent. D'après Whitney Erin Boesel, nous sommes confrontés à une quantité d'information venant de nos amis bien plus importante qu'auparavant. Suivre ce que nos contacts ont publié demande une réelle implication et traiter le flux de données entrant demande de l'effort, en tant qu'ami, pour être à l'écoute. À l'inverse, il est devenu bien plus facile de rendre une information disponible à un grand nombre de personnes. Nous faisons donc face une dévolution de l'amitié, il fait maintenant partie des responsabilités d'un ami de devoir s'investir pour se tenir au courant de nos informations, mais aussi de partager du contenu pour rester visible.
D'autre part, on assiste également à une dépersonnalisation de l'amitié. Le changement des modes de communications fait que de plus en plus, on s'adresse à nos amis, et moins à quelques amis en particulier. De ce fait, « on peut imaginer que les potentialités des réseaux sociaux peuvent affecter la façon dont l'on perçoit l'amitié, et plus généralement nos obligations vis-à-vis de nos amis »[8].
C’est ce que développe Danah Boyd, chercheuse au département Data & Society chez Microsoft[9], dans son article « Friends, Friendsters and Top 8 : writing community into being on social network sites »[10]. On perd en quelque sorte le côté humain des relations en rangeant toutes nos connaissances dans un même panier : nos amis, alors que l’amitié réelle est une position spéciale d’un groupe restreint de nos connaissances. MySpace avait voulu pallier cela en instaurant un "Top 8" des amis sur les profils de chaque utilisateur. Malheureusement cela a créé un certain nombre de disputes et d’angoisses.
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D'un point de vue légal en France, le fait que certains réseaux sociaux comme Facebook nomment les contacts « amis » n'implique pas que les personnes soient considérées comme des « amis » au sens courant :
« le terme d’“ami” employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme. »
— Cour de cassation, arrêt du 5 janvier 2017
Le fait d'être « ami » sur un réseau social avec une autre personne n'est donc pas considéré comme pouvant induire une partialité particulière[11],[12].
Par ailleurs, les réseaux sociaux font du concept d'"ami" un élément de comparaison sociale. À titre d'exemple, parmi les jeunes utilisant Facebook, nombreux sont ceux qui affirment sentir une certaine pression lorsqu'ils veulent mettre en ligne un contenu, étant donné leur volonté d'avoir beaucoup de "likes" et de commentaires positifs de la part de leurs "amis"[13].
En ce sens, la notion d'« ami » sur un réseau social dépasse le cadre de l'amitié traditionnelle. Elle ne repose plus forcément sur une relation directe privilégiée, mais sur une simple reconnaissance interpersonnelle. Par exemple, chaque « ami » sur Facebook fait partie de l'audience qui peut observer les activités en-ligne de l'individu. Chaque publication (texte, photo, vidéo, etc.) permet ainsi de recevoir des commentaires de la part de cette audience et de s'engager dans des processus de comparaison sociale avec eux. Cette comparaison sociale se manifeste notamment à travers les individus les plus fragiles psychologiquement qui seront plus susceptibles de chercher à se rassurer sur leur propre identité par l'intermédiaire de leur communauté d'amis sur les réseaux sociaux. C'est notamment le cas des jeunes qui sont parmi les plus grands utilisateurs de ces réseaux et dont le processus de construction d'identité est encore inachevé[14].
Notes et références
- ↑ Ignace Lepp, Les chemins de l'amitié, Paris, Grasset, 1964, p. 134. Il ajoute un peu plus loin que la chose peut exister entre un parent et son enfant
- 1 2 3 4 5 « Amitié », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 21 mai 2017].
- 1 2 3 4 5 6 Informations lexicographiques et étymologiques d'« amitié » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 21 mai 2017].
- ↑ Entrée « amitié », dans Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, t. 1er : A – C, Paris, Hachette, , LIX-944 p., gr. in-4o (32 cm) (OCLC 457498685, BNF 30824717, SUDOC 005830079, lire en ligne [fac-similé]), p. 131, col. gauche (lire en ligne [fac-similé]) [consulté le 21 mai 2017].
- 1 2 3 Entrée « amitié » des Dictionnaires de français, sur le site des éditions Larousse [consulté le 21 mai 2017].
- ↑ (fr+en) Entrée « amitié » du Dictionnaire bilingue français – anglais, sur le site des éditions Larousse [consulté le 21 mai 2017].
- ↑ (en)Five Years' Expedition against the Revolted Negroes of Surinam in Guiana on the Wild Coast of South America; from the Year 1772 to 1777… 2 vols.
- ↑ (en) « Social Media and the Devolution of Friendship: Part II - Cyborgology », sur thesocietypages.org (consulté le )
- ↑ (en) « Danah Boyd » (consulté le )
- ↑ (en) Danah Boyd, « Friends, Friendsters, and Top 8: Writing community into being on social network sites », First Monday, vol. 11, (ISSN 1396-0466, lire en ligne, consulté le )
- ↑ Cour d'appel de Lyon, 11 mars 2014, arrêt 13/00447
- ↑ « Un « ami Facebook » n’est pas automatiquement un « ami », selon la Cour de cassation », Le Monde, (lire en ligne)
- ↑ (en) NEWMAN, BARBARA M., DEVELOPMENT THROUGH LIFE : a psychosocial approach., WADSWORTH, , 800 p. (ISBN 978-1-337-09814-4, OCLC 958483996)
- ↑ (en) Jacqueline Nesi et Mitchell J. Prinstein, « Using Social Media for Social Comparison and Feedback-Seeking: Gender and Popularity Moderate Associations with Depressive Symptoms », Journal of Abnormal Child Psychology, vol. 43, no 8, , p. 1427–1438 (ISSN 0091-0627 et 1573-2835, DOI 10.1007/s10802-015-0020-0, lire en ligne, consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
- Ami imaginaire (psychologie de l'enfant)
- Bullying et harcèlement scolaire (catégorie)
- Câlin
- Cognition sociale
- Fraternité
- Étienne de La Boétie et Michel de Montaigne (et son fameux « Parce que c'était lui, parce que c'était moi »)
- Jour de l'amitié
- Paradoxe de l'amitié
- Solitude
- Sympathie
- Théorie de l'esprit (psychologie du développement)
- Inimitié
- (367) Amicitia, astéroïde
Bibliographie
- Lysis, Platon
- L'amitié, Ralph Waldo Emerson (1841). Postface et trad. de Thomas Constantinesco, Éditions Aux forges de Vulcain/Essais, 2010.
- L'Amitié, Francesco Alberoni. Paris, Pocket, 1995
- Qu'est-ce que la philosophie ?, Gilles Deleuze et Félix Guattari. Paris, Minuit, 1991
- Politiques de l'amitié, Jacques Derrida. Paris, Galilée, 1994
- À travers la déconstruction des grands textes, Jacques Derrida reconstitue l'histoire de l'amitié. Où il en va de l'exclusion du féminin de la politique, de la justice et de la démocratie. Propos recueillis par Robert Maggiori. Libération, (extraits)
- « De l’amitié comme mode de vie », Michel Foucault. Texte 293, Dits et Écrits, t. IV, Paris, Gallimard, 1994
- À force d'amitié, Laurent Dubreuil, Hermann, 2009
- Éloge de l'amitié, Tahar Ben Jelloun
- Les vrais amis : bien s'entourer pour vivre heureux, Jan Yager, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2006 (ISBN 9782228900935)
- La force de l'amitié, Jan Yager, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2009 (ISBN 9782228904216)
- Amitié. Un lien politique et social en Allemagne et en France, XIIe–XIXe siècle (8e université d’été de l’Institut historique allemand en coopération avec l’université Paris-Sorbonne, l'université Albert-Ludwig, Fribourg-en-Brisgau, et l'École des hautes études en sciences sociales, 3–), hg. von / éd. par Bertrand Haan, Christian Kühner (discussions 8). En ligne sur perspectivia.net
- Histoires d'amitiés, Antoine de Baecque, Payot, 2014
- Cyrille Bégorre-Bret (préf. André Comte-Sponville), L'amitié De Platon à Debray, Paris, Eyrolles, coll. « Petite philosophie des grandes idées », , 202 p. (ISBN 978-2-212-55289-8 et 2212552890, OCLC 819158099)
Liens externes
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