Médecins sans frontières | |
Situation | |
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Région | Monde |
Création | |
Type | Association à but non lucratif Organisation non gouvernementale internationale |
Siège | Genève, Suisse |
Langue | Français |
Organisation | |
Membres | 65 000 |
Fondateurs | Jacques Bérès Philippe Bernier Raymond Borel Jean Cabrol Marcel Delcourt Xavier Emmanuelli Louis Schittly Pascal Grellety Bosviel Gérard Illiouz Bernard Kouchner Gérard Pigeon Vladan Radoman Max Récamier Jean-Michel Wild |
Présidents | Christos Christou Isabelle Defourny |
Secrétaire général | Chris Lockyear |
Site web | msf.org msf.fr msf.ch msf.be msf.ca |
Médecins sans frontières (MSF) est une organisation non gouvernementale (ONG) médicale humanitaire internationale d'origine française fondée en 1971 à Paris. Elle porte assistance à des populations dont la vie ou la santé sont menacées, en cas de conflits armés, d'épidémies, de pandémies, de catastrophes naturelles ou d'exclusion des soins. Son Bureau international siège à Genève (Suisse). En 2019, l’ONG était active dans plus de 70 pays avec plus de 65 000 personnes sur le terrain[1]. Elle a reçu le prix Nobel de la paix en 1999[2].
Histoire
Les origines
Au cours de la guerre civile nigériane de 1967 à 1970, l'armée nigériane avait formé un blocus autour de la région sud-est nouvellement indépendante du pays, le Biafra. À cette époque, la France était l'un des seuls pays à soutenir les Biafrais (le Royaume-Uni, l'Union soviétique et les États-Unis se rangeaient du côté du gouvernement nigérian), et les conditions du blocus étaient inconnues du monde. Un certain nombre de médecins français se sont portés volontaires auprès de la Croix-Rouge française pour travailler dans les hôpitaux et les centres d'alimentation du Biafra assiégé. Parmi eux se trouvait Bernard Kouchner, futur cofondateur de Médecins sans frontières, qui devint plus tard un homme politique français[3].
Après leur entrée dans le pays, les volontaires, en plus des agents de santé et des hôpitaux du Biafra, ont été les victimes d'attaques de l'armée nigériane et ont vu des civils se faire assassiner et mourir de faim à cause de ce blocus. Les médecins ont publiquement critiqué le gouvernement nigérian et la Croix-Rouge pour leur comportement apparemment complice. Ces médecins ont conclu qu'il fallait une nouvelle organisation humanitaire qui ignorerait les frontières politiques, religieuses et donnerait la priorité au bien-être des victimes[4].
1971 : la création
Le Groupe d’intervention médicale et chirurgicale en urgence (GMCU) a été créé en 1971 par des médecins français qui avaient travaillé au Biafra, pour apporter leur aide et souligner l'importance des droits des victimes sur la neutralité. Dans le même temps, Raymond Borel, rédacteur en chef de la revue médicale française Tonus[5], a lancé un groupe appelé « Secours médical français »[6]en réponse au cyclone de Bhola de 1970, qui a tué au moins 625 000 personnes au Pakistan oriental (désormais le Bangladesh). Raymond Borel avait l'intention de recruter des médecins pour venir en aide aux victimes des catastrophes naturelles. Le , les deux groupes de collègues ont fusionné pour former Médecins sans frontières[7],[8].
Les cofondateurs de MSF sont au nombre de 13[9],[10] :
- Dr Marcel Delcourt, médecin généraliste
- Dr Max Récamier, oto-rhino-laryngologiste
- Dr Gérard Pigeon, médecin-colonel de sapeurs-pompiers
- Dr Bernard Kouchner, médecin et homme politique
- Raymond Borel, de la revue Tonus
- Dr Jean Cabrol, chirurgien
- Dr Vladan Radoman, chirurgien
- Dr Jean-Michel Wild, chirurgien
- Dr Pascal Greletty-Bosviel, médecin généraliste
- Dr Jacques Bérès, chirurgien orthopédiste
- Dr Gérard Illouz, chirurgien plastique
- Philippe Bernier, de la revue Tonus
- Dr Xavier Emmanuelli
La première mission de MSF s'est déroulée dans la capitale nicaraguayenne de Managua, en 1972 à la suite d'un tremblement de terre qui avait détruit la majeure partie de la ville et tué entre 10 000 et 30 000 personnes. L'ONG, aujourd'hui connue pour sa rapidité d'intervention en cas d'urgence, est arrivée trois jours après la mise en place d'une mission de secours par la Croix-Rouge.
Les 18 et 19 septembre 1974, l'ouragan Fifi a provoqué de graves inondations au Honduras et tué des milliers de personnes (les estimations varient). À la suite de cette catastrophe, MSF a mis en place sa première mission de secours médical à long terme[4].
Années 1970-1980
Premières missions
Fondée dans le sillage de l'intervention de médecins français dans la petite enclave du Biafra au Nigéria, l'association intervient ensuite pour ses premières missions en tant que MSF au Bengladesh, juste après la guerre indo-pakistanaise en 1972, où y avait de nombreux règlements de comptes armés entre les différentes factions[11]. Le Nicaragua a été en 1992, juste un an après la fondation, le premier pays où MSF est intervenue en son nom et non sous le couvert d'une organisation, afin de porter secours après un tremblement de terre, au moment de la période de Noël, en envoyant 11 médecins dans un Transall[11].
MSF a passé neuf années de 1976 à 1984 à effectuer des chirurgies dans les hôpitaux de diverses villes du Liban, pendant la guerre civile libanaise, et s'est forgée une réputation pour sa neutralité et sa volonté de travailler sous le feu. Tout au long de la guerre, MSF a aidé à la fois les soldats chrétiens et musulmans. En 1984, alors que la situation au Liban se détériorait davantage et que la sécurité des groupes humanitaires était réduite au minimum, MSF a retiré ses équipes du pays.
Le Cambodge
MSF a mis en place des missions dans des camps de réfugiés en Thaïlande ou des Cambodgiens ont massivement émigré pour éviter les exactions des Khmers rouges, de stricte obédience maoïste. Depuis 1976, des livres avaient dissipé les illusions de l'Occident quant au " modèle " chinois[12].
Après que Claude Malhuret soit élu en 1978 secrétaire général[13] de Xavier Emmanuelli, président[13], des conflits internes portent sur les soins apportés, sans l'aval du comité de direction, à des détenues dans les prisons en Uruguay, au printemps 1978, peu avant la très contestée Coupe du monde 1978 en Argentine, et qui semblent cautionner les dictatures militaires de ces pays[14], puis sur "l'affaire du Cambodge": au printemps 1979, une partie de MSF secourt les boat-people.
La Guerre entre le Cambodge et le Viêt Nam, qui voit le second envahir le premier de décembre 1978 à janvier 1979, est précédée d'une série d'accrochages aux frontières, pouvant impliquer des formations de la taille d'une division, lancée dès mai 1975 par une attaque des Khmers Rouges contre le Viêt Nam à l'île de Phú Quốc car ils craignent un expansionnisme vietnamien. François Ponchaud, qui a quitté le Cambodge le 6 mai 1975 après la victoire des communistes, recueille des témoignages alarmants de réfugiés cambodgiens, dans deux articles parus dans Le Monde en février 1976, suivis d'un livre en 1977 qui fait part des exodes et évacuation de villes[15]. L'historien Jean Lacouture y consacre un article dans Le Nouvel Observateur, traduit dans la New York Review of Books du 31 mars 1977 puis un livre[16]. Des incohérences entre versions sont relevées par Noam Chomsky qui salue cependant dans le livre de François Ponchaud "un travail sérieux" et pertinent, "quelle que soit la façon dont la presse l’a déformé".
Entre-temps, les accrochages entre Cambodge et Viêt Nam s'aggravent malgré la tenue du 11 au 13 avril 1978 à Zurich de la 2e "Assemblée internationale pour le pansement des blessures de la guerre et la reconstruction du Vietnam"[17]. Le cargo « Hai Hong », rempli de boat-people, a fait la une des journaux le 10 novembre 1978[18]. Onze jours après, des dizaines d'artistes et intellectuels français lancent un appel dans Le Monde pour « Un bateau pour le Vietnam »[19],[20], afin d'apporter une aide médicale aux réfugiés. Parmi eux, Jean-Paul Sartre, Raymond Aron, Brigitte Bardot, Simone de Beauvoir, Vladimir Boukovski, Irwing Brown, Maurice Clavel, ou encore Pierre Daix[19].
Sans obtenir le soutien de la majorité de MSF, une quinzaine de médecins dont Bernard Kouchner ont ensuite affrété L'Île de Lumière[21]. Long de 90 mètres, « "L'île de lumière" » a quitté le 1er avril 1979 Nouméa pour secourir les boat-people en mer de Chine méridionale, avec à bord médecins, reporters et photographes[22]. Il soignera près de 4 500 réfugiés pendant des mois mais cette opération indispose Xavier Emmanuelli, auteur d'une attaque violente dans Le Quotidien du médecin, titrée « Un bateau pour Saint-Germain-des-Prés »[23], provoquant un premier débat à la direction de MSF dès mai 1979[14]. Les quinze médecins présents sur le bateau fonderont Médecins du Monde, un an plus tard, en mars 1980, année où deux livres racontent l'aventure, celui de Kouchner[24],[25] et celui de son comparse Michel Bernier[14].
Entre-temps, le nombre de réfugiés de la péninsule indochinoise explose, il atteint 118 492 en 1978, presque trois fois plus que fin 1977, dont 75 % de « boat people », puis enregistre encore un presque triplement l'année suivante, à 393 562, dont 52 % par la mer, même s'il redescendre à 168 151 en 1980, dont 45 % par bateaux[17]. En janvier 1979, l'armée vietnamienne envahit le Cambodge entraînant la fin du régime des Khmers rouges et du génocide cambodgien[26] ce qui aggrave les rétorsions militaires de le Chine contre le Vietnam. Le 15 juin 1979, Jean-Yves Follezou et deux autres médecins français, entrés au Cambodge via l'ambassade du Vietnam, témoignent de la situation sanitaire toujours catastrophique (recrudescence de paludisme, tuberculose, charbon et peste)[26], après quatre années de dénutrition et surmenage physique (douze à quinze heures de travail par jour dans certains cas) de la population cambodGienne[26], en appelant à un grand mouvement de solidarité[26], lors une conférence de presse à Paris, avec la création d'un "Comité français d'aide médicale et sanitaire à la population cambodgienne" (CFAMSPC), présidé par Follezou[26], par ailleurs militant au PCF[27]. Claude Malhuret, invité à la conférence, y a signalé que MSF souhaitait se rendre au Cambodge mais n'a pas obtenu les autorisations nécessaires. Cinq jours après, le 20 juin 1979, Jean-Paul Sartre et Raymond Aron se rencontrent à l’hôtel Lutetia puis sont reçus, le 26 juin, par le Président Valéry Giscard d'Estaing, avec Claudie Broyelle, André Glucksmann, Bernard Kouchner et Jean-Claude Sénéchal, rencontre « à la fois silencieuse et ostentatoire »[28], avec un souci de mise en scène et de recours aux médias[29]. La Cimade, de son côté, prend ses distances en juin 1978 avec ceux qui dénoncent « le goulag vietnamien »[17]. Elle reçoit chaque année 5 000 réfugiés politiques de 65 pays, demande à Valéry Giscard d’Estaing d’augmenter les quotas[17], tout en se prononçant en faveur d’une solution sur place, au Cambodge, le 28 juin 1979. La Conférence réunie en juillet 1979 à Genève sur les réfugiés d’Indochine favorise un certain retour au calme[17] et début août, dans l'avion du CFAMSPC apportant 40 tonnes de médicaments au Cambodge, des bénévoles du CCFD-Terre solidaire de la Cimade et deux médecins de MSF[13], dont l'un est aussi avocat à mi-temps au cabinet de Jean-Louis Tixier-Vignancour ce qui tend les relations[13]. Vite revenus en France, ils rapportent à MSF une lettre du nouveau gouvernement demandant son aide, tandis qu'un article dans libération souligne la gravité et l'urgence de la situation[13] et que les États-Unis de Jimmy Carter lancent un appel international à aider le Cambodge, le 8 août. Claude Malhuret estime lui qu'on ne « peut pas soigner en fermant les yeux » sur le fait que la population fuit vers la frontière[13] mais l'association est divisée, le trésorier Raymond Borel rétorquant que MSF « fait de l'humanitaire, pas de la politique »[13]. Le nouveau pouvoir vietnamien au Cambodge accepte finalement le projet «Survie Cambodge »lancée par le CICR et l'Unicef: acheminer en six mois 165 000 tonnes de secours, par la mer[13]. Dans la camp de de Sa Kaeo, Jacques Pinel passe un mois à moderniser la gestion des stocks de médicaments de MSF, permettant de les distribuer bien plus vite.
En France, la revue Change d'octobre 1979 reproduit le discours de Noam Chomsky de novembre 1978 à l’ONU sur les massacres de l’armée indonésienne, affirmant que près de la moitié des 600 000 habitants du Timor oriental seraient morts ou prisonniers, ce qui lance une série de polémiques en novembre et décembre 1979, dans Le Matin et le Nouvel Observateur, où Régis Debray et Noam Chomsky dénoncent une énorme campagne, surtout en France et aux États-Unis, pour faire oublier le Timor, s'opposent à Jacques Attali, André Glucksmann et Bernard-Henri Lévy, chaque camp accusant l'autre de sous-estimer un de des deux drames. Bernard Kouchner et André Glucksmann commentent la rencontre Sarte-Aron de juin, dans un entretien croisé, au Nouvel Observateur le 25 novembre 1979[29] à la veille du retour en France d'un voyage de trois jours au Cambodge de six députés UDF, parmi lesquels Alain Madelin, Gérard Longuet et François Léotard, tous trois encore inconnus[30], qui ont participé ensemble à la campagne des européennes 1979, même si seul Gérard Longuet était candidat, en 55e position. Aidés par les contacts au Cambodge d'Alain Madelin et informés en amont de la préparation de l'émission, ils ont menacé l'ambassade de l'URSS d'y faire un esclandre pour obtenir le droit de rentrer dans le pays, obtenant d'y être enmené par un avion militaire soviétique[31],[32].
Le jour de leur retour, la télévision publique diffuse l'émission "Les Dossiers de l'écran" du 27 novembre 1979[33] sur le thème : "Cambodge, un peuple assassiné"[34], annoncée la veille dans la presse comme un événement car le prince Norodom Sihanouk y "fait sa rentrée". Le prince ouvre l'émission puis la parole est longuement donnée à Alain Madelin, rentré le matin du Cambodge[33], qui fait sensation en déclarant avoir vu des camions de riz prendre la direction du Vietnam[35] et en demandant pourquoi Heng Samrin, homme politique cambodgien, ex-commandant de division khmer rouge enfui au Viêt Nam en 1978 pour échapper aux purges, affirme n'avoir reçu que 4 039 tonnes d'aide occidentale alors que plus de vingt mille ont déjà été débarquées[33]. Claude Malhuret est également cité dans le compte-rendu dans Le Monde, pour avoir interpellé brutalement le docteur Follezou, président du CFAMSPC, qui avait évoqué l'espoir d'une "renaissance" permise par l'aide, en lui demandant pourquoi les Cambodgiens interdisent-ils aux médecins qui ne sont pas " dans la ligne " de venir soigner les Khmers ?[34],[33]. Ce numéro des dossiers de l'écran sera inclue dans leur chronologie des "Idées en France" par l'historienne Anne Simonin et la sociologue Hélène Clastres[36].
La polémique continue le lendemain dans Tonus, journal dirigé par Alain Dubos, qui sera huit ans vice-président de MSF[37]. Ce dernier compare les propos du docteur Follezou lors de l'émission à ceux de Darquier de Pellepoix niant l'existence des chambres à gaz pendant la Seconde Guerre mondiale. L'article traite de « gros crapaud répugnant, ricanant et bavant sur quatre à cinq millions de cadavres »[38] le journaliste Wilfred Burchett auteur de nombreux livres sur la guerre d'Indochine et la guerre du Vietnam, qui avait pourtant condamné les Khmers rouges dès 1978 après avoir visité les camps de réfugiés[39]. S'ensuit un procès en diffamation, dans lequel Alain Madelin s'implique aux côtés de MSF[38], couvert par les quotidiens nationaux[40] et perdu un an plus tard par le docteur Follezou[40]
Juste après l'émission, le député Jean-Pierre Pierre-Bloch, déjeunant avec Rony Brauman et Claude Malhuret dans un restaurant 3 étoiles[13], leur propose une "Marche pour la survie du Cambodge" à la frontière avec la Thaïlande, où entre novembre et décembre MSF double son nombre de médecins[38], pour réclamer son ouverture à un convoi terrestre MSF[13]. L'initiative séduit le 12 décembre le comité de direction de MSF, pour qui le succès de L'Île de Lumière, bateau de Bernard Kouchner s'est fait au prix de conditions exorbitantes posées par le Cambodge[13]. Il est décidé d'associer Action contre la faim organisation créée en novembre 1979 par Bernard-Henri Lévy avec Jacques Attali (PS), l'ex-ministre giscardienne Françoise Giroud, et Jean-Christophe Victor, attaché culturel de l'ambassade France à Kaboul (Afghanistan)[41], qui témoigne de la famine sévissant dans ce pays lors de la conférence créant l'association dont les médias se font le relais[42].
Toute la presse reprend le 20 décembre un appel à cette marche, qui a lieu le 5 février 1980[43], mais compliquée par des questions de préséance, vedettariat, et rivalités cocardières[44], et permet une nouvelle interview à la télévision publique française d'Alain Madelin et de Bertrand de Maigret, gendre du ministre de l'intérieur Michel Poniatowski[45], Gérard Longuet et François Léotard étant aussi présents[46]. MSF échoue à faire entrer ses 20 camions de riz et de médicaments, qui doivent faire demi-tour, rejoindre les camps en Thaïlande[13]. Huit jours après, le 13 février, le docteur Follezou, de retour du Cambodge, informe que les besoins de première urgence ont été "couverts par la communauté internationale" via quatre avions chargés de 47 tonnes de médicaments, 27 tonnes de matériel médico-chirurgical et 79 tonnes d'aliments pour enfants[47]. Une tribune de Jean-Marc Dumas et Jean-Christophe Rufin, dans Libération dénonce dans cette marche une opération pilotée par des hauts-fonctionnaires américains via un des participants, l'International Rescue Committee[13] et appelle à la demission de la direction de MSF[13].
Le 28 mars 1980 lieu a l'assemblée générale des trois mille adhérents de MSF[13], qui voient une fronde majeure contre Claude Malhuret et Xavier Emmanuelli, au sujet de cette "Marche pour la survie du Cambodge"[13], notamment des délégations de Marseille, Toulouse et Bordeaux[13]. La direction est accusée de ne pas consulter les adhérents, de jouer avec les médias, contre son image d'intégrité[13] et d'avoir réalisé une opération « noyautée et inspirée par Washington »[13]. Finalement, Jean-Marc Dumas et Jean-Christophe Rufin changent d'avis[13], Claude Malhuret et Xavier Emmanuelli parviennent à garder de justesse le pouvoir en confiant la direction à un ami de Claude Malhuret[13], à qui ils avaient confié une mission de collecter des procurations en province dès le printemps 1979[38]. Mais une partie des adhérents partent à Médecins du Monde. Plus tard, lorsque le Vietnam se retirera du Cambodge en 1989, MSF lancera des missions de secours pour aider les survivants des massacres et reconstruire le système de santé du pays[3].
Le développement de MSF
En 1982, Claude Malhuret et Rony Brauman, devenu président de l'organisation en 1982, ont accru l'indépendance financière de l'organisation en introduisant la collecte de fonds par courrier pour mieux collecter les dons. Les années 1980 marquent pour MSF une décennie d’internationalisation puisque sont successivement créées des sections opérationnelles après la France (1971) vient la Belgique (1980), la Suisse (1981)[48], les Pays-Bas (1984) et l’Espagne (1986). MSF-Luxembourg a été la première section de soutien, créée en 1986. Ces années ont également été les années de professionnalisation notamment dans le domaine de la logistique, sous l’impulsion de Jacques Pinel[49]. Les premiers kits font alors leur apparition, avec les protocoles et les listes de médicaments essentiels. Médecins sans frontières France crée sa centrale d'approvisionnement, MSF Logistique basé à Narbonne puis à Lézignan-Corbières[50].
En décembre 1979, après l'invasion de l'Afghanistan par l'armée soviétique, des missions sur le terrain ont été immédiatement mises en place pour fournir une aide médicale aux moudjahidines, et en février 1980, MSF dénonce publiquement les Khmers rouges[8].
En 1984, MSF ouvre des programmes médicaux au Nord de l’Éthiopie[51] en proie à une famine de grande ampleur qui suscite une mobilisation planétaire[52] et un déferlement de l’aide. Au début de l'année suivante, MSF créé la fondation "Liberté sans frontières", présidée par l'ancien président de MSF, le futur député et sénateur giscardien Claude Malhuret, qui entre au gouvernement début 1986.
L'aide étant en partie détournée par le régime éthiopien et utilisée pour transférer de force des populations des hauts-plateaux arides et rebelles du Nord vers les plaines plus fertiles et plus contrôlables du Sud du pays. À plusieurs reprises, les équipes MSF se voient interdire de soigner certaines catégories de populations, de distribuer des couvertures et sont témoins des rafles opérées par l’armée éthiopienne parmi la population des camps. En octobre 1985, après avoir essuyé plusieurs refus d’autorisation pour l’ouverture d’un centre de nutrition thérapeutique à Kelala, qui aurait évité la mort de plusieurs milliers d’enfants, MSF France dénonce publiquement ce refus[53], l’utilisation de l’aide internationale pour les transferts forcés de population et les conditions désastreuses dans lesquelles se déroulent ces transferts. MSF est expulsée[54]du pays en 1985[55].
En 1986, MSF crée Épicentre[56], entité spécialisée dans l’expertise épidémiologique aux opérations de MSF sur le terrain. Les projets de recherche menés par Epicentre ont pour objectif de faire des recommandations médicales appropriées ou d’analyser des programmes mis en œuvre.
Pendant la guerre d'indépendance du Sud Soudan qui amène des épisodes de famine, le 21 décembre 1989, alors que MSF agit dans le cadre de l'Opération LifeLine Sudan (en) (OLS) des Nations-Unies, MSF est victime d'un attentat au Soudan, à Aweil, à la limite du futur Soudan du Sud[57]. 4 personnes sont tuées par un missile au décollage d'un avion, dont Yvon Feliot, le pilote appartenant à l'association Aviation sans frontières, Laurent Fernet, un logisticien de MSF, Jean-Paul Bescond, docteur, et Frazer Ariyaba, un technicien soudanais du Programme alimentaire mondial de l'ONU (PAM)[58].C'est "la première fois que des volontaires de MSF sont délibérément pris pour cible"[59]. MSF quitte le Soudan[60] en janvier 1990[61].
Les années 1990-2000
Le mouvement continue de s'élargir
Le début des années 1990 a vu la création de la majorité des sections de soutien : MSF-Grèce (1990), MSF-USA (1990), MSF-Canada (1991), MSF- Japon (1992), MSF-Royaume-Uni (1993), MSF-Italie (1993), MSF-Australie (1994), ainsi que l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Suède, la Norvège et Hong Kong.
En parallèle, MSF met en place des missions dans des endroits où la situation est très dangereuse. En 1990, MSF est entrée pour la première fois au Liberia pour aider les civils et les réfugiés touchés par la guerre civile libérienne. MSF fournit à la population des soins de santé de base et des vaccinations de masse. L’ONG dénonce également les attaques contre les hôpitaux et les stations d'alimentation, en particulier à Monrovia. En 1991, des missions sont mises en place pour apporter une aide aux réfugiés kurdes qui ont survécu à la campagne al-Anfal, pour laquelle des preuves d'atrocités ont été recueillies.
Somalie
1991 a également vu le début de la guerre civile en Somalie, durant laquelle MSF a mis en place des missions sur le terrain en 1992 aux côtés d'une mission de maintien de la paix de l'ONU. Même si les opérations des Nations unies ont avorté en 1993, les équipes de MSF ont continué leur travail de secours en gérant des cliniques et des hôpitaux pour les civils[62].
Srebrenica
MSF a commencé à travailler à Srebrenica (en Bosnie-Herzégovine) dans le cadre d'un convoi de l'ONU en 1993, un an après le début de la guerre de Bosnie. MSF est la seule organisation à fournir des soins médicaux aux civils encerclés et, à ce titre, n'a pas dénoncé le génocide de peur d'être expulsée du pays, elle a cependant dénoncé le manque d'accès pour d'autres organisations[63]. En 1995, les dirigeants serbes décident d'en finir avec l'enclave bosniaque. La ville est encerclée par l'armée de la république serbe de Bosnie, l’accès des convois alimentaire, du personnel humanitaire, ainsi que la relève des soldats de la Force de protection des Nations unies (FORPRONU) sont bloqués. L'offensive est lancée le 6 juillet et se solde par le massacre de 8 000 personnes et la déportation de 40 000 civils bosniaques.
Rwanda
Lorsque le génocide des Tutsi au Rwanda a commencé en avril 1994, une mission chirurgicale d'urgence conjoint MSF - Comité international de la Croix-Rouge (CICR) est partie depuis Bujumbura au Burundi pour rejoindre Kigali, la capitale Rwandaise. Les deux groupes ont réussi à maintenir tous les principaux hôpitaux de la capitale du Rwanda, Kigali, opérationnels pendant toute la période principale du génocide. Pendant des mois, MSF va continuer son action au Rwanda. Les équipes médicales sont confrontées quotidiennement à des violences extrêmes[64] et réalisent que ces tueries sont en fait l'extermination programmé de tout un groupe. Pour la seule fois de son histoire, le 18 juin 1994[65], MSF demande publiquement une intervention armée en rappelant une vérité toute simple : « on n'arrête pas un génocide avec des médecins »[66]. L'opération Turquoise de l'armée française est lancée le 22 juin 1994 avec l'autorisation de l'ONU. Cette intervention a entraîné directement ou indirectement des mouvements de centaines de milliers de réfugiés rwandais vers le Zaïre et la Tanzanie dans ce qui est devenu la crise des réfugiés des Grands Lacs[67]. MSF, ainsi que plusieurs autres organisations humanitaires, ont dû quitter le pays en 1995.
Lutte contre les maladies infectieuses
En 1995, MSF s'associe à la relance de la lutte contre les maladies infectieuses[68]. Ainsi, au début de l'année 1996, MSF mène dans des États du nord du Nigeria une campagne de vaccination lors de laquelle trois millions de personnes furent vaccinées[69]. Elle s’implique aussi sur le terrain dans des programmes de lutte contre le paludisme ou la maladie du sommeil dans un contexte marqué par une recrudescence de flambées de maladies infectieuses et une panne de la recherche sur le traitement des maladies tropicales et à celui de la tuberculose[70], qui la conduira à créer la fondation DNDI[71] (Drugs for Neglected Diseases initiative ou initiative Médicaments contre les Maladies Négligées) en 2003.
Prix Nobel de la paix
En 1999, MSF obtient le Prix Nobel de la paix[72],[73],[74]. Son président international prononce un discours devant le Comité Nobel[75] qui détaille la conception de l'humanitaire que défend MSF et appelle à l'arrêt des bombardements de Grozny, la capitale tchétchène pilonnée à l’époque par l’aviation russe, et inaugure la création de la campagne d’accès aux médicaments essentiels (CAME) lancée par MSF avec la dotation du Nobel[72].
Le tsunami de 2004
Le 26 décembre 2004, un tsunami frappe les régions littorales du Sud-Est de l'Asie. Quelques jours plus tard, les équipes MSF arrivent sur place et commencent à travailler auprès des secours locaux dans les pays les plus touchés[76]. Plus de 200 volontaires sont déployés au Sri Lanka, en Indonésie et mènent des interventions ponctuelles en Thaïlande, en Malaisie et en Inde. Les besoins médicaux se sont rapidement avérés limités dans l'ensemble des pays affectés par le Tsunami et le 4 janvier 2005, MSF décide de suspendre sa collecte de dons pour l'Asie[77].
Années 2010
MSF a reçu le prix Lasker-Bloomberg pour le bien public en 2015 de la fondation Lasker, basée à New York. Ce prix a récompensé l'ONG pour ses "initiatives audacieuses" contre l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest[78].
En 2015, en Afghanistan, trente personnes — dont treize membres du personnel de MSF et dix patients parmi lesquels trois enfants — ont été tuées dans le bombardement du centre de soins de MSF à Kondôz par l'US Air Force. MSF a demandé une enquête internationale indépendante.
En , Jérôme Oberreit, secrétaire général international de l'organisation annonce le refus de MSF de recevoir des fonds européens. Cette décision vient en protestation contre les politiques européennes adoptées en matière de contrôle migratoire, et notamment contre l'accord signé avec Ankara, prévoyant le maintien ou le renvoi de demandeurs d'asile syriens vers la Turquie[79].
En décembre 2016, le Financial Times évoque des accusations de Frontex, l'agence européenne responsable de la coordination des activités des garde-frontières dans le maintien de la sécurité des frontières de l'Union avec les États non-membres, portées à l’encontre d’ONG, dont MSF, pour collusion avec les passeurs migrants en Méditerranée. Un rapport confidentiel indiquerait que des migrants avaient reçu « des indications claires avant le départ sur la direction précise à suivre pour atteindre les bateaux des ONG ». Mais Frontex elle-même dément[80]. MSF récuse ses accusations et affirme refuser catégoriquement de travailler avec des passeurs[81]. En , c'est la justice italienne qui soupçonne MSF d’avoir joué un rôle dans la récupération illégale des migrants près de la Libye[82] et les opérations de secours en mer auxquelles l’organisation participent sont systématiquement entravées, à l’image de la mise sous séquestre[83] de l’Aquarius par la justice italienne en novembre 2019. MSF aurait notamment étroitement collaboré avec les passeurs au cours d’opérations conduites par l’équipage du VOS Prudence. L'ONG a refusé de signer un code de déontologie proposé par Rome pour bannir ces pratiques[84].
En , d'anciennes employées de MSF témoignent à visage couvert que, en Afrique, certains de leurs collègues ont eu recours à des prostituées[85].
Années 2020
Le 12 mai 2020, des hommes armés attaquent la maternité de Dasht-e-Barchi à Kaboul, en Afghanistan[86]. MSF a ouvert en 2014 un service de soins obstétricaux et néonatals dans la ville. Lors de cette attaque, 24 personnes dont 15 femmes et une sage-femme sont tuées, 20 autres personnes sont blessées. L'ONG considère qu'elle ne peut plus garantir la sécurité de son personnel et décide de fermer sa maternité à Kaboul[87].
En juin 2020, le meurtre de George Floyd et les protestations qui s'ensuivent provoquent des débats internes sur le racisme au sein de l'organisation, menant à une lettre interne signée par 1 000 employés et ex-employés. Révélée par le journal The Guardian[88], la lettre condamne un « racisme institutionnel » au sein de l'organisation, qui « renforcer[ait] dans son travail humanitaire le colonialisme et la suprématie blanche » en développant des programmes menés par des personnes issues d’une « minorité blanche privilégiée ». Elle appelle à une enquête indépendante pour démanteler « des décennies de pouvoir et de paternalisme ». Parmi les signataires se trouvent les présidents des conseils d’administration de MSF au Royaume-Uni et en Afrique australe, et le directeur général de MSF en Allemagne. Le président international de MSF Christos Christou affirme voir cette lettre comme une « opportunité » et un « catalyseur » pour accélérer les changements déjà prévus dans l’organisation de l’ONG. Ces changements seraient le déplacement du pouvoir de décision de l'Europe, où sont situés cinq des six centres opérationnels[88], vers le reste du monde, l'implication des patients et des communautés dans les décisions sur les interventions, et des changements dans la politique de ressources humaines, qui défavoriserait les employés nationaux par rapport aux employés internationaux[89]. Dans un communiqué interne du 23 juin révélé par The New Humanitarian, Christos Christou et un membre du conseil d’administration international reconnaissent que l’ONG « a failli auprès des gens de couleur, autant auprès des salariés que des patients » et « échoué à s’attaquer au racisme institutionnel »[90].
Ukraine
Dès le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, MSF se mobilise en Ukraine et dans les pays limitrophes pour apporter une assistance médicale aux personnes victimes ou réfugiées de guerre[91],[92],[93].
Principales zones d'intervention
Afrique
MSF est active dans un grand nombre de pays africains depuis des décennies. Même si elle a constamment tenté d'accroître la couverture médiatique de la situation en Afrique pour faire augmenter le soutien international, des missions sur le terrain à long terme sont toujours nécessaires. Traiter et éduquer la population sur le VIH/sida en Afrique subsaharienne, qui voit le plus de décès et de cas de la maladie dans le monde, est une tâche majeure pour MSF[94]. Sur les 25,7 millions de personnes atteintes du VIH dans le continent africain, l'OMS a estimé que 15,3 millions de personnes bénéficiaient d'un traitement antirétroviral[95].
Lors de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest en 2014, MSF a répondu à de sérieuses demandes médicales par ses propres moyens, après que les alertes précoces de l'organisation aient été ignorées[96]. En 2014, MSF s'est associé à l'opérateur satellite SES, à d'autres ONG comme Archemed, à la Fondation Follereau, à Friendship Luxembourg et à German Doctors, et au gouvernement luxembourgeois dans la phase pilote de SATMED, un projet visant à utiliser la technologie haut débit par satellite pour apporter la cybersanté et la télémédecine dans des zones isolées des pays en développement[97]. SATMED a d'abord été déployé en Sierra Leone pour soutenir la lutte contre l’Ebola.
République démocratique du Congo
MSF est active dans la région du Congo depuis 1985, mais la première et la deuxième guerre du Congo ont accru la violence et l'instabilité dans la région[98]. MSF travaille en République démocratique du Congo pour fournir des soins et de la nourriture à des dizaines de milliers de civils déplacés, ainsi que pour soigner les survivants de viols de masse et combats généralisés. Le traitement et la vaccination éventuelle contre des maladies telles que le choléra, la rougeole, la polio, la fièvre de Marburg, la maladie du sommeil, le VIH/sida et la peste bubonique sont également importants pour prévenir ou ralentir les épidémies[99].
République centrafricaine
MSF est présente depuis 1997 dans le pays. Bien que la troisième guerre civile centrafricaine soit terminée avec un accord de cessation des hostilités, des conflits issus de la rivalité entre les milices de la Seleka et les milices anti-balaka continuent d’affecter fortement le pays. Le quotidien des populations centrafricaines reste marqué par la violence et le dénuement, avec de nombreuses personnes toujours déplacées[100]. En 2018, MSF comptait 2 829 effectifs dans le pays[101]. Ses équipes offrent une prise en charge d’urgence aux personnes affectées par des violences ou des épidémies, des soins de santé maternelle et infantile et des programmes de lutte contre le VIH/sida.
Cambodge
En raison de longues décennies de guerre, un système de soins de santé adéquat dans le pays manquait cruellement et MSF a commencé à y intervenir en 1989. Le Cambodge est l'un des pays les plus touchés par le VIH/sida en Asie du Sud-Est[102]. En 2001, MSF a commencé à introduire gratuitement un traitement antirétroviral pour les patients atteints du sida[103]. L’association a également fourni une aide humanitaire en périodes de catastrophes naturelles et d’épidémies.
Le Cambodge est l'un des 30 pays répertoriés par l'OMS comme ayant un lourd fardeau de tuberculose[104]. Par conséquent, MSF a dédié une partie de ses opérations en Cambodge à lutter contre cette maladie. Cependant, en l’actualité les projets de MSF au Cambodge sont axés sur la lutte contre l'hépatite C et le paludisme[105].
Haïti
MSF travaille en Haïti depuis 1991, mais depuis que le président Jean-Bertrand Aristide a été chassé du pouvoir le pays a connu une forte augmentation des attaques civiles et des viols par des groupes armés[106]. En plus de fournir un soutien chirurgical et psychologique dans les hôpitaux existants - offrant la seule chirurgie gratuite disponible à Port-au-Prince - des missions de terrain ont été mises en place pour reconstruire les systèmes de gestion de l'eau et des déchets et soigner les survivants des grandes inondations causées par l'ouragan Jeanne[107] ; les patients atteints du VIH/sida et du paludisme, qui sont tous deux répandus dans le pays, bénéficient également d'un meilleur traitement et d'un meilleur suivi. À la suite du tremblement de terre du 12 janvier 2010 en Haïti, des rapports en provenance d'Haïti ont indiqué que les trois hôpitaux de l'organisation avaient été gravement endommagés; l'un s’est effondré complètement et les deux autres ont dû être abandonnés[108]. À la suite du séisme, MSF a envoyé des avions chargés de matériel médical[109] et un hôpital de campagne pour aider à soigner les victimes.
Libye
La guerre civile libyenne de 2011 a incité MSF à mettre en place un hôpital et des services de santé mentale pour aider les habitants touchés par le conflit. Avec les combats, de nombreux patients ont eu des besoins chirurgicaux. Alors que certaines parties du pays se stabilisent peu à peu, MSF a commencé à travailler avec le personnel de santé local pour répondre aux besoins. La demande de conseils psychologiques a augmenté et MSF a mis en place des services de santé mentale pour faire face aux craintes et au stress des personnes vivant dans des tentes sans eau ni électricité[110].
Mer Méditerranée
MSF participe à des opérations de recherche et sauvetage (SAR) en mer Méditerranée pour venir en aide aux migrants qui tentent de la traverser. Ces interventions ont débuté en 2015 à la suite d'une décision de l'UE de mettre fin à son importante opération de SAR Mare Nostrum, ce qui a considérablement réduit les actions de SAR indispensables en Méditerranée. MSF a lancé des opérations avec ses propres navires, comme le Bourbon Argos[111](2015-2016), le Dignity I[112](2015-2016) et le Prudence (2016-2017). En août 2017, MSF a décidé de suspendre ses activités avec le Prudence pour protester contre les restrictions et les menaces des garde-côtes libyens[113].
MSF a également fourni des équipes médicales pour soutenir d'autres ONG et leurs navires comme le MOAS Phoenix (2015) ou l'Aquarius avec SOS Méditerranée (2017-2018) et le Sea-Watch 4 (en 2020) avec Sea-Watch. En décembre 2018, MSF et SOS Méditerranée ont été contraints de mettre fin aux opérations de l'Aquarius, à la suite des attaques des États de l'UE qui ont privé le navire de son immatriculation et ont formulé des accusations criminelles contre MSF[114].
En , Médecins sans frontières, tout comme Jugend Rettet, a refusé de signer le code de conduite pour les ONG proposé par le gouvernement italien, lequel impose entre autres la présence à bord de policiers armés[115],[116]. L'organisation Frontex (Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures) a critiqué le comportement des ONG sur les côtes libyennes et leur a reproché leur réticence à coopérer avec les organisations officielles[117].
En mars 2021, des responsables de Save the Children, Médecins sans frontières et Jugend Rettet sont accusés d’avoir facilité le trafic de migrants, notamment en communiquant avec les trafiquants, accusations formellement contestées par ces ONG[118],[119].
Yémen
MSF intervient pour répondre à la crise humanitaire provoquée par la guerre civile au Yémen. L'organisation gère et/ou soutien des hôpitaux et centres de santé au Yémen. Selon MSF, depuis octobre 2015, quatre de ses hôpitaux et une ambulance ont été détruits par les frappes aériennes de la coalition dirigée par l'Arabie saoudite[120]. En août 2016, une frappe aérienne sur l'hôpital de la ville d'Abs a tué 19 personnes, dont un membre du personnel MSF, et en a blessé 24[121]. Selon MSF, les coordonnées GPS de l'hôpital avaient été partagées à plusieurs reprises avec toutes les parties du conflit, y compris la coalition dirigée par l'Arabie saoudite, et son emplacement était bien connu.
La Charte
La "charte de MSF"[122] rappelle que les interventions se font au nom de l'éthique médicale universelle et ne permet aucune discrimination de race, de religion, de philosophie ou de politique. Son auteur est Philippe Bernier.
Tous les « Médecins sans frontières » doivent adhérer aux principes suivants :
« Les Médecins sans frontières apportent leurs secours aux populations en détresse, aux victimes de catastrophes d'origine naturelle ou humaine, de situation de belligérance, sans aucune discrimination de race, de religion, de philosophie ou de politique.
Œuvrant dans la neutralité et en toute impartialité, les MSF revendiquent, au nom de l’éthique médicale universelle et du droit à l’assistance humanitaire, la liberté pleine et entière de l'exercice de leur fonction.
Ils s’engagent à respecter les principes déontologiques de leur profession et à maintenir une totale indépendance à l'égard du pouvoir, ainsi que de toute force politique, économique ou religieuse.
Volontaires, ils mesurent les risques et les périls des missions qu’ils accomplissent et ne réclameront, pour eux ou leurs ayants droit, aucune compensation autre que celles que l’association sera en mesure de leur fournir. »
Organisation interne
Le mouvement international MSF compte 25 associations indépendantes implantées dans autant de pays (Allemagne, Liban, Afrique du Sud, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Chine (Hong Kong), Danemark, Émirats arabes unis, Espagne, États-Unis, France, Grèce, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, et Suisse) réunies autour d'une seule et même charte. Sur ces 25 associations, cinq sont dites opérationnelles, c'est-à-dire chargées d'opérations humanitaires sur le terrain. Celles-ci sont :
- MSF OCB (centre opérationnel de Bruxelles), basée à Ixelles (Bruxelles)
- MSF OCBA (centre opérationnel de Barcelone), basée à Barcelone
- MSF OCP (centre opérationnel de Paris), basée à Paris
- MSF OCA (centre opérationnel de Amsterdam), basée à Amsterdam
- MSF OCG (centre opérationnel de Genève), basée à Genève
OCA (centre opérationnel d'Amsterdam) | Section Canada
Section Hollande Section Allemagne Section Royaume-Uni |
OCBA (centre opérationnel de Barcelone Athènes) | Section Grèce
Section Espagne Section Afrique de l'Est Section Amérique Latine |
OCB (centre opérationnel de Bruxelles ) | Section Suède
Section Norvège Section Hong-Kong Section Afrique du Sud Section Italie Section Brésil Section Belgique Section Danemark Section Luxembourg |
OCP (centre opérationnel de Paris) | Section Japon
Section France Section Australie Section États-Unis |
OCG (centre opérationnel de Genève) | Section Suisse
Section Autriche |
Toutes les sections sont actives au niveau des campagnes de sensibilisation, recrutement et suivi des expatriés, et de mobilisations de fonds. Les sections non opérationnelles font partie à part entière d'un des cinq centres opérationnels.
Un Bureau international situé à Genève se charge de la coordination de l'action entre les différentes sections. Sur le terrain, une coordination inter-section plus informelle assure la cohérence des opérations. À titre d'exemple, les cinq sections opérationnelles de MSF sont présentes en République démocratique du Congo au cours de la Deuxième guerre, mais sur des projets différents quant à leur localisation, leurs actions dans la durée (des situations d'urgence au support au système de santé) ou leur nature (urgence, Sida, campagnes de vaccination, support au système de santé…).
En France, des « antennes régionales », animées par des bénévoles, participent aux activités d'information et de communication de l'association ainsi qu'à l'accueil et au recrutement des nouveaux volontaires au départ en mission.
Chiffres
2013[123] | 2014[124] | 2015[125] | 2016[126] | 2017[127] | 2018[128] | 2019[129] | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Ressources de MSF France
(Ressources privées issues de la recherche de fonds, ressources institutionnelles et autres ressources) |
230,1 millions d'euros | 283,3 millions d'euros | 353,1 millions d'euros | 367,6 millions d'euros | 399,6 millions d'euros | 403,3 millions d'euros | 414,4 millions d'euros |
Dépenses de MSF FRANCE
(Dépenses de mission sociale, frais de recherche de fonds, frais de fonctionnement) |
232,7 millions d'euros | 251,3 millions d'euros | 319,1 millions d'euros | 368,6 millions d'euros | 393,5 millions d'euros | 410,4 millions d'euros | 409,2 millions d'euros |
2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019[130] | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Ressources du mouvement MSF[131] | 915 millions d'euros
(dont 89,2 % d'origine privée |
1 milliard 165 millions d'euros
(dont 89,2% d'origine privée) |
1 milliard 349 millions d'euros
(dont 92,3% d'origine privée) |
1 milliard 462 millions d'euros
(dont 94,9% d'origine privée) |
1 milliard 501 millions d'euros
(dont 96% d'origine privée) |
1 milliard 482 millions d'euros
(dont 95% d'origine privée) |
1 milliard 612 millions d'euros
(dont 96,2% d'origine privée) |
Préjudices à des membres de MSF
À diverses reprises des membres du personnel et/ou les installations de MSF ont été l'objet d'actions hostiles : vols, braquages et enlèvements. Certains de ces épisodes ont été relayés dans les médias.
- Le 24 janvier 1987, six femmes et quatre hommes de MSF sont enlevés[132] par le Mouvement National Somalien dans le camp de refugiés Ethiopiens de Tog Wajale. Ils seront libérés le 7 février.
- Pendant la nuit du 27 au , Frédéric Galland, logisticien MSF, est abattu dans l'hôpital où il travaillait à Pallamdra en Afghanistan par quatre hommes masqués, ce qui entraîne le retrait de MSF d'Afghanistan pendant 2 ans.
- Le , Christophe André, un gestionnaire administratif effectuant sa première mission humanitaire, a été enlevé à Nazran ville de la république d'Ingouchie (Caucase). Après 4 mois de détention, il échappe à ses ravisseurs[133],[134].
- Le , Elsa Serfass, 26 ans logisticienne française de MSF est abattue dans son véhicule près de Paoua en République centrafricaine dans une embuscade tendue par des rebelles de l'armée populaire pour la restauration de la démocratie[135].
- Le , une voiture transportant des volontaires de MSF est détruite par un engin explosif improvisé sur une route de Kismaayo en Somalie. Trois passagers sont tués : Damien Lehalle, 27 ans, logisticien français; Victor Okumu, chirurgien; et Mohamed Abdi Ali, chauffeur somalien. Le quatrième passager est gravement blessé. Hassan Kafi Hared, journaliste somalien, qui marchait le long de la route, est également tué[136],[137].
- En avril 2009, deux médecins de MSF, otages belge et néerlandais, sont libérés en Somalie.
- Le , Montserrat S. et Blanca Th., deux membres de MSF, enlevés au Kenya, sont libérés après 650 jours de détention en Somalie[138].
- Le , quatre membres de MSF, Philippe B-M, Richard M-M, Romy Y-N et Chantal K. sont enlevés par le groupe FDA (Forces démocratiques alliées) à Kamango (Nord-Kivu, RDC). Le , Chantal a pu fausser compagnie à ses ravisseurs. En , les trois autres ne sont pas encore libres[139].
- Le bombardement du centre de soins de MSF à Kondôz, en Afghanistan, dans la nuit du 2 au par l'aviation américaine, a causé 30 morts, dont 13 membres du personnel de MSF.
- Le 19 décembre 2022, un travailleur est enlevé à Gao (Mali) par des hommes armés pendant une intervention[140].
Présidents
MSF France
- Marcel Delcourt (1971-1973)
- Max Récamier (1973-1974)
- Jacques Bérès (1974-1975)
- Max Récamier (1975-1976)
- Bernard Kouchner (1976-1977)
- Jacques Bérès (1977-1978)
- Claude Malhuret (1978-1980)
- Francis Charhon (1980-1982)
- Xavier Emmanuelli (1982)
- Rony Brauman (1982-1994)
- Philippe Biberson (1994-2000)
- Jean-Hervé Bradol (2000-2007)
- Marie-Pierre Allié (2008-2013)
- Mego Terzian (2013-2022)
- Isabelle Defourny (depuis 2022)[141]
MSF international
- Rony Brauman (02/1991-01/1992)
- Réginald Moreels (01/1992-08/1992)
- Rony Brauman (08/1992-02/1994)
- Jacques De Milliano (02/1994-02/1995)
- Doris Schopper (02/1995-06/1996)
- Philippe Biberson (06/1996-09/1997)
- Doris Schopper (09/1997-06/1998)
- James Orbinski (06/1998-11/2000)
- Morten Rostrup (11/2000-12/2003)
- Rowan Gillies (01/2004-12/2006)
- Christophe Fournier (01/2007-06/2010)
- Unni Karunakara (06/2010-09/2013)
- Joanne Liu (10/2013-10/2019)
- Christos Christou (10/2019-en cours)
Hommages
Le , l'administration des PTT émet un timbre postal pour Wallis-et-Futuna dans le cadre du « 20e anniversaire de médecins sans frontières ». La dessinatrice du timbre est Huguette Sainson.
Le prix Nobel de la paix est attribué à l'ONG en 1999.
Notes et références
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Annexes
Bibliographie
- Caroline Abu-Sada (dir.), Dans l'œil des autres. Perception de l'action humanitaire et de MSF, Antipodes, Lausanne, 2011, 205 p. (ISBN 9782889010677)
- Jean-Hervé Bradol et Claudine Vidal (dir.), Innovations médicales en situations humanitaires : le travail de Médecins sans Frontières, L'Harmattan, 2009, 193 p. (ISBN 978-2-296-10046-6)
- Jean Lacouture et Rony Brauman (textes), Rip Hopkins (phot.), Sept fois à terre, huit fois debout, Médecins sans frontières, Chêne, Paris, 2011, 126 p. (ISBN 978-2-8123-0508-5)
- Claire Magone, Michaël Neuman et Fabrice Weissman (dir.), Agir à tout prix ? : négociations humanitaires : l'expérience de Médecins sans frontières, La Découverte, Paris, 2011, 343 p. (ISBN 978-2-7071-6944-0)
- Louis Schittly, L'homme qui voulait voir la guerre de près : médecin au Biafra, Viêt Nam, Afghanistan, Sud-Soudan, Paris, Arthaud, , 380 p. (ISBN 978-2-08-125841-9)
- Anne Vallaeys, Médecins sans frontières, la biographie, Fayard, 2004) [lire en ligne]
- Olivier Weber, French doctors : L’épopée des hommes et des femmes qui ont inventé la médecine humanitaire, Robert Laffont,
- Olivier Weber, Humanitaires (Le Félin, 2002)
- Frédéric Lemercier, Didier Lefèvre et Emmanuel Guibert, Le Photographe (Dupuis).
- Michaël Neuman, Secourir ou Périr : la sécurité humanitaire à l'heure de la gestion des risques, CNRS Éditions, 2016, 262 p. (ISBN 978-2-2710-8948-9)
- Jean-Hervé Bradol et Marc Le Pape, Génocide et crime de masse. L'expérience rwandaise de MSF, 1982-1997, CNRS Éditions, Paris, 2017, 277 p. (ISBN 978-2-2711-1488-4)
- Rony Brauman, Humanitaire, le dilemme, 1996, Textuel, 120 p. (ISBN 978-2845972254)
- François Jean, Éthiopie, du bon usage de la famine, 1986, 102 p.
- François Jean, Populations en danger, 1992 (ISBN 2010199898)
Filmographie
- Une goutte dans l'océan, réalisé par Lise Ethier, Office national du film du Canada, 2001, 48 min (DVD)
- L'Aventure MSF, film documentaire en deux volets : 1. De l'utopie à la réalité (1968-1990) ; 2. Les Insoumis (1991-2006), réalisé par Patrick Benquet et Anne Vallaeys, Maha Productions/INA, 2006, 2 x 52 min
- Guerre et santé, réalisé par Olivier Weber, 1996, 52 min, France 5
- Revues des troupes : médecins sans frontières, réalisé par Marco Lamensch et Olivier Lamour, AMIP, Paris, 2007, 51 min (DVD)
- Chirurgie de guerre : médecins sans frontières, réalisé par Marco Lamensch et Olivier Lamour, AMIP, Paris, 2007, 57 min (DVD)
- Living in Emergency: Stories of Doctors Without Borders, réalisé par Mark N. Hopkins, 2008, 97 min (DVD)
Articles connexes
- Médecins du monde
- SOS Méditerranée
Liens externes
- (en + ar) Site officiel
- Ressource relative aux organisations :
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (en) Museum of Modern Art
- Ressource relative à plusieurs domaines :
- Ressource relative à la vie publique :
- (en) Politifact
- Ressource relative à la recherche :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
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- (en) Histoire sur le site de la fondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par l'organisme lauréat — le Nobel Lecture — qui détaille ses apports)