Le louis[1],[2],[3] est la dénomination courante de la monnaie d'or française frappée de 1640 à 1792. Par la suite, la pièce de vingt francs fut appelée « louis » ou « napoléon ».
Le louis est désigné du nom de Louis XIII (-), le roi de France et de Navarre qui, le premier, fit frapper cette monnaie[2].
Création
C'est en 1640 que Louis XIII, par l'entremise de Claude de Bullion, décide de réformer le système monétaire français, pour stabiliser la monnaie, restaurer la confiance en celle-ci[4], rivaliser avec les monnaies espagnoles comme le doublon ou la pistole, fournir du numéraire pour faciliter les paiements alors largement réglés en billets à ordre ou cessions de créances et enfin encourager les premiers placements refuges[5].
Avant cette date, la France possédait comme monnaies d'or : l'écu d'or. L'écu d'or frappé sous Louis XIII pèse 3,375 g et équivaut à cette époque à 5 livres tournois (LT) et 15 sols soit 1 380 deniers, selon le système de comptabilité monétaire livre/sol/denier (1 LT = 20 sols = 240 deniers), qui va rester en vigueur jusqu'en 1795. Des écus d'argent sont frappés et sont appelés « écus de 6 livres ». La livre équivaut à un peu plus de 0,6 g d'or pur.
La création du louis d'or est décidée par la déclaration donnée à Saint-Germain-en-Laye le [6],[7],[8] : il pèse 6,752 g, soit la valeur de deux écus d'or, donc 11 livres et 10 sols.
Au niveau comptable, on exprime de grosses sommes désormais en louis et en livres, par exemple, un tableau acheté 10 louis en 1645, équivaut à environ 110 livres. Le louis ne remplace pas l'ancien système, il le complète et surtout le détache des aléas du cours de la livre : par une série de réformations, le roi peut décider qu'un louis vaut plus ou moins tant de livres et c'est tout l'intérêt de cette réforme. Donc, le louis d'or institue une forme de placement refuge qui tiendra jusqu'à la Révolution française[9].
Fabrication
Depuis Henri II, la « frappe au balancier » concurrence peu à peu celle « au marteau », elle permet de fabriquer des monnaies avec une grande précision et à meilleur rythme ; c'est le cardinal de Richelieu qui initie et fait, grâce à Jean Warin puis, par le biais du fils de ce dernier, François, avec le « balancier à vis Delaunay », que cette technique s'imposera dans tous les ateliers du royaume[10].
Cinq pièces courantes sortent des ateliers : le demi-louis, le louis, le double louis, le quadruple louis et le dix louis. À côté de ces pièces courantes est fabriquée, à un petit nombre d'exemplaires, une série de monnaies de grand module, respectivement de huit, seize et vingt louis. La pièce de vingt louis reste la plus grande et la plus lourde monnaie d'or française jamais frappée en France et pesait 135,03 g[11]. Ces pièces de plaisir et de prestige, destinées à servir de cadeaux et à prouver le savoir-faire de la Monnaie de Paris, n'ont pas circulé. Elles sont également l'œuvre du graveur général des monnaies originaire de Liège, Jean Warin[12].
Modules courants
Les valeurs en livres ont été ici arrondies, en réalité elles n'étaient en rien décimales :
- le demi-louis, valant 5 livres tournois (LT) ou 100 sols, avec un diamètre de 20 mm et un poids de 2 deniers et 15 grains, soit 3,376 g[13] ;
- le louis d’or, valant 10 LT, avec un diamètre de 25 mm et un poids de 5 deniers et 6 grains, soit 6,752 g ;
- le double louis d’or, valant 20 LT, avec un diamètre de 28,5 mm et un poids de 10 deniers et 12 grains, soit 13,47 g[14] ;
- le quadruple louis d’or, soit 40 LT, avec un diamètre de 35 mm et un poids de 26,88 g ;
- le 10 louis d'or, soit 100 LT, avec un diamètre de 44 mm et un poids de 67,518 g[15].
Poids et valeurs évolutives
- Évolution de la valeur légale du louis (1640-1785)[6]
Année | Taille au marc | Poids (en g) | Cours légal (en livres tournois) |
---|---|---|---|
36 ¼ | 6,752 | 11 ½ | |
30 | 8,16 | 19 (guerre) | |
40 | 6,12 | 29 (système de Law) | |
25 | 9,79 | 52 (dévaluation) | |
37 ½ | 6,53 | 26 (réformation) | |
30 | 8,16 | 23 | |
32 | 7,65 | 24 (réforme) |
En 1783, le coût de la fabrication d'une pièce est estimé à 2,1 % d'or :
« 30 Louis doivent, en vertu de l'ordonnance, être taillés d'un marc d'or du titre de 22 carats, dont il est permis aux maîtres des monnaies de déduire 12 grains pour le remède de poids & 10/32 de carats, pour remède de loi. Cette opération faite, il résulte que 30+30/383 louis pèsent un marc d'or de 21+22/32 carats, lesquels, à raison de 24 l font 721 livres, 17 sols et 7 deniers tournois, & au prix de l'or fin de 784 livres, 11 sols, 11+598/684 deniers, fixé dans les hôtels des monnaies de France, le marc des louis de cette fabrication ne coûte au gouvernement que 707 livres 00 sols 6 deniers. Il y a donc 14 livres 17 sols et 1 denier pour les frais de la fabrication ; ce qui répond à 2,1 % »
— Encyclopédie méthodique. Commerce. T. 3, [Kabak-Zoroche] / . Tome premier [-troisiéme], Nicolas Baudeau, 1783-1784
Exemples
Louis XIII (1610-1643)
Frappé en 1641, ce louis présente les caractéristiques suivantes :
- avers : la tête laurée du roi tournée à droite, avec la légende suivante en latin : LVD XIII DG - FR ET NAV REX, (LVDOVICVS XIII DEI GRATIA FRANCIAE ET NAVARRAE REX), c'est-à-dire « Louis XIII, roi de France et de Navarre par la grâce de Dieu » ;
- revers : le monogramme : croix formée de 4 doubles L surmontés de couronnes et séparés par des fleurs de lys, la lettre de l'atelier dans un cercle en cœur. La légende latine CHRS REGN VINC IMP, (CHRISTVS REGNAT VINCIT IMPERAT), c'est-à-dire « Le Christ règne, vainc et commande » ;
- maître graveur : Jean Warin.
Louis XIV (1643-1715)
Frappé en 1669, et communément appelé louis « aux huit L », il présente les caractéristiques suivantes :
- avers : la tête laurée du roi tournée à droite, avec la légende suivante en latin : LVD XIIII DG - FR ET NAV REX, c'est-à-dire « Louis XIV, roi de France et de Navarre par la grâce de Dieu » ;
- revers : le monogramme à la croix formée de quatre doubles L surmontés de couronnes et séparés par des fleurs de lys, la lettre de l'atelier dans un cercle en cœur. La légende CHRS REGN VINC IMP, c'est-à-dire « Le Christ règne, vainc et commande ».
Il existe d'autres types : « jeune à la mèche longue », « à l'écu », « vieux aux 4 L », etc.
Louis XV (1715-1774)
Frappé en 1726, et communément appelé louis « aux lunettes », il présente les caractéristiques suivantes :
- avers : la tête du roi tournée à gauche, avec la légende suivante en latin : LVD XV DG - FR ET NAV REX, c'est-à-dire « Louis XV, roi de France et de Navarre par la grâce de Dieu » ;
- revers : le monogramme : écus ovales inclinés de France et de Navarre surmontés d'une couronne, la lettre de l'atelier étant reprise dans la partie inférieure. La légende CHRS REGN VINC IMPER, c'est-à-dire « Le Christ règne, vainc et commande » ;
- maître graveur : Norbert Roettiers.
Autres types : « au soleil » (1715), « aux insignes » (1716), « de Noailles » (1717), « à la croix de Malte » (1718-19), « aux deux L » (1720-23), « mirliton » (1723-25), « au buste habillé » (1734), « au bandeau » (1769) et « à la vieille tête » (1771).
Louis XVI (1774-1793)
Issu de la réforme de 1785 décidée par Charles-Alexandre de Calonne, ce type fut frappé jusqu'en 1792.
- Avers : LUD.XVI. D. G. FR ET NAV. REX (Louis XVI Par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre) + marque d'atelier sous le buste.
- Revers : CHRS REGN VINC IMPER (Le Christ règne, vainc et commande) + millésime.
Autre types : « aux palmes » (1774) et gravé par Duvivier, « au buste habillé » (1774-85), « à la corne » (Strasbourg, 1786).
Pérennité
Fin 1792, le louis de 24 livres pesant 7,649 g d'or à l'effigie de Louis XVI fut remplacé par le type « Au génie » gravé par Augustin Dupré, comportant des mentions constitutionnelles et surtout, une valeur faciale (ce qui n'était pas le cas sous l'Ancien Régime). À la suite du changement monétaire, de la décimalisation et de l'émission des premiers francs germinal, une pièce de 20 francs pesant 6,451 61 g d'or, revêtit le portrait de Bonaparte premier consul, futur Napoléon empereur. Ce module « 20 francs » or à 900 millièmes (soit 5,805 g d'or fin) fut en vigueur de 1801 à 1914. Le terme « napoléon » entra alors en concurrence avec celui de « louis ». Le dernier sera frappé en 1914 avec au droit un coq et au revers une effigie de Marianne. Il existe une quantité de refrappes modernes du module Napoléon III ainsi que de la pièce de 20 francs au coq. En 1936, une pièce de 100 francs en or pesant 6,55 g fut frappée mais jamais ne circula.
Avec l'Union latine signée en 1865, d'autres pays européens frappèrent des pièces d'or au module et poids identique à celui de la pièce française de 20 francs. Dans le langage courant, ces pièces sont improprement appelées « louis d'or ».
En numismatique, on appelle « louis d'or » stricto sensu les pièces d'or françaises fabriquées entre 1640 et 1792.
Notes et références
- ↑ « Louis », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales (consulté le 5 juin 2016).
- 1 2 Informations lexicographiques et étymologiques de « louis » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales (consulté le 5 juin 2016).
- ↑ « louis » [html], sur Dictionnaires de français (en ligne), Larousse (consulté le ).
- ↑ Déclaration… portant que toutes les espèces d'or et d'argent de poids qui ont à présent cours, seront exposées en la manière accoustumée, comme aussi l'or et l'argent au marc ; le tout, suivant le dernier règlement du mois de septembre 1641, avec défenses d'y apporter aucune difficulté, sur les peines y mentionnées, imprimé à Paris, par Sébastien Cramoisy, le , sur Gallica.
- ↑ Georges Valance, Histoire du franc, 1360-2002, Flammarion, 1998, p. 71
- 1 2 Antonetti 2001.
- ↑ Jérôme Jambu, « Changer de système de compte ou de monnaie, à l'époque moderne et sous la Révolution (à travers l'exemple normand) », Revue européenne des sciences sociales, vol. 45, no 137 « La monnaie, personnage historique », , p. 141-15 (DOI 10.4000/ress.222, lire en ligne [html], consulté le ), p. 146 [lire en ligne (page consultée le 21 mai 2016)].
- ↑ Gildas Salaün, « 31 mars 1640 : la création du louis d'or », Monnaie magazine, , p. 38-41 (ISSN 1626-6145).
- ↑ Georges Valance, Histoire du franc, 1360-2002, Paris, Champs Flammarion, 1998, p. 71.
- ↑ Béatrice Coullaré, « Aux sources des collections patrimoniales de la Monnaie de Paris », dans Artefact, 8 2018, mis en ligne le 21 juin 2019 (consulté le 18 avril 2020).
- ↑ BnF, Département des monnaies, médailles et antiques, Beistegui 304 RC-A-57802/RC-A-57803.
- ↑ Frédéric Pény, Jean Varin de Liège, Liège, Belgique, H. Vaillant-Carmanne, , E.0 tirage 500 ex. éd., 79 + 23 pl., p. 10, 13, 17, 18.
- ↑ Louis XIII le juste Demi-Louis d'or à la mèche mi-longue 1640.
- ↑ Louis XIII le juste double Louis d'or à la mèche longue, à deux rubans.
- ↑ L'une de ces pièces a été vendue en 2012 pour 210 000 euros, ce qui en fait la pièce française à ce jour la plus chère du marché, « La plus grosse pièce d'or française », sur sacra-moneta.com.
Voir aussi
Bibliographie
- [Antonetti 2001] Guy Antonetti, « Du louis à l'assignat », conférence donnée au ministère de l’Économie et des Finances le [PDF], sur sacra-moneta.com.
Articles connexes
- Frédéric d'or
- Luigino
- Napoléon (pièce de monnaie)
- Système monétaire du royaume de France