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La musique japonaise regroupe tous les genres de musique de la sphère japonaise, depuis la préhistoire jusqu’à nos jours. Si l’on trouve dès les premiers temps de la civilisation nippone des instruments vernaculaires, notamment au sein des communautés aborigènes aïnous, il est clair qu’une grande partie de la musique insulaire est d’inspiration chinoise et coréenne. Toutefois, le Japon a su rapidement développer des styles originaux et se détacher du modèle sino-coréen.

La musique fut toujours liée aux spectacles (théâtre ou danse), aux festivités (et cérémonies) et aux chants de travail. Elle était essentiellement pratique et ne se trouva un rôle propre que tardivement. De ce fait, le répertoire de la musique tant instrumentale que vocale, est assez réduit, d'autant plus qu'une grande partie a été perdue.

Avec l’occidentalisation récente, les instruments et les genres venus d’Europe et des États-Unis font leur apparition, sans pour autant provoquer la disparition des autres.

Musique traditionnelle

Gagaku

Ensemble gagaku
Bugaku au Kōtai-jingū

Le gagaku (雅楽, litt. « musique raffinée ») est une musique de Cour traditionnelle comprenant quatre genres à l'instrumentation différente :

  • le mikagura (御神楽), musique shintoïste ;
  • le kangen (管絃), musique instrumentale profane pour ensemble ;
  • le bugaku (舞楽), musique d'accompagnement pour les danses profanes ;
  • l'utamono (謡物), genre chanté profane.

Le gagaku est introduit au Japon au Ve siècle en provenance de Chine mais s'établit véritablement au VIIIe siècle. Il connaît son apogée pendant la période Heian.

Shômyô

Le shōmyō fait référence à un ensemble de chants liturgiques bouddhiques venus de Chine. Il ne s'agit pas d'un genre spécifiquement japonais, cependant cette appellation fait généralement appel à un genre musical japonais, dont les caractéristiques se sont développées de manière originale dès la rupture des relations avec la Chine. Si ces chants se sont plus ou moins perdus dans le reste du monde bouddhiste, il est notable qu'ils furent conservés au Japon, notamment par les sectes Tendai et Shingon.

La musique tient une place prépondérante dans le théâtre nō. On peut y distinguer trois sous-genres : le sarugaku, le sangaku, et le dengaku. Si les deux premiers ont par leur nature affecté essentiellement la forme du pantomime et de la danse du nō, le troisième est la source principale de sa musique. Le nogaku est plus récent et plutôt comique.

En effet, le dengaku désigne à l’origine la « musique des champs » (danse du riz) qui bien que populaire, est par la suite devenu un rituel formel de la Cour impériale. Une fusion entre le sarugaku et le dengaku ont permis à cette musique de s’accompagner de danses et de pantomimes, à tel point que les genres sarugaku no nō et dengaku no nō étaient à l’époque de Kamakura devenus synonymes. Enfin, ces deux genres furent remplacés par le kyōgen auquel Kanami (1333 – 1384) puis son fils Zeami (1363 – 1444) donnèrent ses lettres de noblesse en l’épurant pour devenir le genre majeur du théâtre japonais, connu dès lors sous le nom de nō.

Nō à Itsukushima-jinja

Les conventions musicales y sont très strictes :

  • tout d’abord, le waki (personnage secondaire) fait son entrée accompagnée à la flûte (Nōkan) et aux percussions. On parle de nanoribue ou encore de shidai. Après sa présentation (nanori) le waki est accompagné par le chœur qui porte son déplacement vers le coin inférieur droit de la scène ;
  • la shite (personnage principal) fait son entrée accompagnée de nouveau par un shidai. Sur le pont qui relie l’entrée de la salle à la scène, appelé hashigakari, il entonne un premier chant, issei, aux abords du troisième pin. Ce chant est en général suivi d’une récitation ;
  • s’ensuit le dialogue entre le shite et le waki, qui peut se présenter sous la forme d’un mondō (question-réponse) en prose, ou d’un rongi, qui est un chant accompagné par des percussions. À une époque plus tardive, on peut également avoir un kudoki, une lamentation ;
  • au faîte de l’intrigue, des danses kuse, accompagnées par le hayashi (ensemble), avec ou sans chants, sont closes par le chœur ;
  • dans le cas d’un second acte, il peut y avoir un kyogen, c'est-à-dire, des « paroles insensées », qui ne sont pas toujours en relation avec l’intrigue. Ce peut aussi être un interlude instrumental accompagné de kakegoe (cris émis par les instrumentistes), ou alors un solo à la flûte ;
  • lors du second acte à proprement parler, les passages en prose (kotoba), peuvent être remplacés par un machiuta (musique d’attente), avant le retour du shite. Suivent des danses climatiques, kuri, ou des kuse. La tension atteint son paroxysme ;
  • la révélation du shite se fait par une danse, mai ou shimai, portée par le chœur. La pièce s’achève sur un poème japonais, waka, et un chant de chœur, kiri.

La musique vocale (yōkyoku ou utai) provient des chants bouddhiques. Le chef du chœur, jigashira, contrôle le temps, et peut prolonger le son.

On peut par ailleurs noter deux styles de base du chant, kotoba et fushi (divisés en yowagin, chant doux, et tsuyogin, chant fort).

Les instruments de la musique de nō sont peu nombreux :

  • la flûte nōkan, proche du ryūteki, est en cerisier, et mesure 34 cm. On distingue trois écoles, Morita, Issō, et Fujita. Le son particulier de cette flûte peut s’expliquer par la présence d’un petit tube (nodo) qui permet de limiter le flux d’air et d’obtenir ainsi des sons plus appuyés. Elle est utilisée au début et à la fin de la pièce, et sert à créer des atmosphères lyriques, pour les entrées et les danses ;
  • le kotsuzumi est un tambour en sablier, tenu à la hanche, similaire au san no tsuzumi, joué à la main. Il est en cerisier, et ses deux membranes sont en peau de cheval. Un papier y est appliqué à chaque performance. On peut citer cinq sons de base : pon, pu, ta, chi, tsu ;
  • le ōtsuzumi est un tambour en sablier, tenu à l'épaule, joué à la main ;
  • le taiko est un tambour joué aux baguettes.

Kōwaka

Le kōwaka (幸若) consiste en un drame ancien (datant de l'époque de Muromachi (XIVe au XVIe siècle) chanté et dansé basé sur des épopées telles que le Heike Monogatari ou le Soga Monogatari. Les trois chanteurs narratifs sont accompagnés au tambour kotsuzumi. Cette tradition s'est perpétuée à Kyūshū et Fukuoka, dont la cinquantaine de pièces sont accompagnées des danses kôwaka mai.

Spécificités instrumentales

Depuis des siècles, bien des types de musique se sont développés autour d'instruments ou d'ensembles particuliers :

Taiko

Joueurs de shakuhachi

Joué depuis des lustres en tant qu'instrument d'accompagnement des musiques liées au shinto et au bouddhisme, notamment pendant les festivals matsuri, le tambour taiko s'est aussi agrégé aux musiques de Cour ou de théâtre.

Récemment, au XXe siècle, il est devenu un instrument soliste à part entière dans le cadre d'ensembles de taiko notamment issus de l’île de Sado, où le wadaïko tambour japonais », désignant ici ce mouvement), est tout autant une discipline spirituelle et une voie comme peut l'être un art martial. Tous ces tambours (entre dix et vingt) de grandes tailles (parfois plus de deux mètres de diamètre et de hauteur) se jouent à l'aide d'épaisses baguettes en bois conjuguées à des mouvements esthétiques des bras permettant à la fois la tenue du rythme et un repère mnémotechnique.

Le taiko et la musique de l'île de Sado ont acquis une réputation mondiale notamment grâce à Kodō, un groupe d'une vingtaine de percussionnistes et flûtistes qui depuis 1981 se produit dans le monde entier[1],[2].

Shakuhachi

L'histoire de la flûte shakuhachi (尺八) est particulière car elle est politique. Alors qu'au départ cet instrument fut importé de Chine par les moines bouddhistes et devait servir leurs méditations, il fut bien vite récupéré par les tenants du pouvoir politique. En effet, il accorda un statut particulier aux moines komusō (de la secte Fuke) le même statut que les joueurs de shakuhachi généralement aveugles et mendiants, en les autorisant à se voiler la face, à l'aide d'une coiffe en osier (une sorte de panier) ; ceux-ci pouvaient dès lors voir sans être vus, et c'est ainsi que les aveugles furent remplacés par les espions à la solde du gouvernement, afin de contrôler les provinces.

Le shakuhachi est aussi une flûte droite particulière en raison de son poids. Coupé dans la racine même d'un bambou, bien séché, il devenait non pas une petite flûte fragile, mais une arme redoutable, tel un gourdin.

Malgré ces aléas, il devint plus tard un simple instrument à la suite de l'interdiction de sa pratique en extérieur. Dès lors le répertoire honkyoku se développa tout autant en solo qu'en ensemble sankyoku. Il comporte une centaine de pièces virtuoses, écrites mais improvisées aussi. Les joueurs se sont ensuite affiliés à deux écoles concurrentes : tozan et kinko.

Joueur de biwa selon Yoshitoshi

Biwa

Le biwa (琵琶), luth d'origine perse (le barbat) entré en Chine au VIe siècle sous le nom de pipa (琵琶) et dont plusieurs types (soliste ou d'ensemble gagaku) sont introduits au Japon vers le VIIIe siècle. Les pièces pour instrument solo, appréciées par les nobles de Heian, n'ont pas été conservées.

Dans la région de Kyūshū se développe, vraisemblablement dès le IXe siècle, et de manière attestée à la fin du Xe siècle, une musique de biwa très différente de celle pratiquée à la Cour impériale (le gaku biwa) : le mōsō biwa (盲僧琵琶), pratiqué par les moines aveugles. À l'origine, l'instrument employé vient de l'Inde, il a une crosse droite, cinq frettes et cinq cordes, mais au XIVe siècle, c'est le type précédent qui s'impose. Il est associé à la lecture des sutras aux divinités de la terre, les chijin-kyō, pour apaiser les esprits telluriques (lors de la construction d'un édifice, lors d'un sinistre, en vue d'obtenir de bonnes récoltes, etc.).

Le mōsō biwa se répand dans le Kyūshū en donnant naissance à deux écoles : le chikuzen mōsō dans le Nord, et le satsuma mōsō dans le Sud, tous deux rattachés aux temples bouddhiques de la secte Tendai. Au XVIe siècle, le satsuma mōsō s'étiole, pour ne reprendre qu'au XIXe siècle.

Une des caractéristiques du mōsō biwa est le chevauchement entre les parties vocale et instrumentale (à la différence des formes ultérieures : heike biwa, satsuma biwa, chikuzen biwa).

Le heikyoku consiste en la déclamation de l'épopée Heike monogatari accompagnée à la biwa.

Shamisen

Joueuse de shamisen

Le shamisen est un luth à manche long et lisse, et à la caisse de résonance recouverte de peaux de chien et chat. Il fut importé de Chine via Okinawa au XVIe siècle et est dérivé du sanxian chinois, recouvert lui d'une peau de reptile. Sa musique regroupe bien des genres fort différents sous le terme de katarimono (ou jôruri) pour le narratif et utaimono, pour le lyrique. On le retrouve ainsi dans les parties narratives du kabuki, du bunraku, du jiuta et du nagauta (dont le zashiki nagauta est une version de concert indépendante née au XIXe siècle).

  • Kabuki : la musique d'accompagnement (geza) du kabuki est très diverse[3]. L'introduction du shamisen dans ce genre théâtral est assez tardive et uniquement dans l'edo nagauta (長唄, littéralement « chant long »), partie intégrante qui n'a fait son apparition que vers 1740. Inspiré du yokyoku du théâtre nō, il consiste en des chants accompagnés au shamisen et de différentes percussions.
  • Jōruri et bunraku : le shamisen ne prend son importance au théâtre qu'avec l'apogée du bunraku aussi appelé ningyō jōruri (théâtre de marionnettes). Le gidayu shamisen y tient une place centrale, puisqu'il accompagne le récitant qui a à sa charge la voix des personnages et la narration, tout en donnant le rythme de l'action.
Sankyoku
  • Jiuta et sankyoku : on appelle jiuta (地歌) l'ensemble des chants accompagnés au shamisen dans la région de Kyōto et d'Osaka dont le chant long nagauta et les suites vocales kumiuta (組歌) sont elles-mêmes issues du kumiuta de la cithare koto, de caractère noble, suites de poèmes chantés (au rythme fixe de 128 battements par chant) et de parties instrumentales intercalées.

À la fin du XVIIe siècle, ces parties instrumentales se développent sous le nom de tegoto (手事), permettant aux instrumentistes de démontrer leur habileté. Les tegoto-mono qui en résultent, constitués d'une série de trois chants avec des tegoto intercalées, conduisent, au milieu du XVIIIe siècle, à des duos de shamisen et de koto, ainsi que des trios formés d'un koto, d'un shamisen nommé sangen et d'une vielle kokyū (qui sera remplacé par la flûte shakuhachi au début du XIXe siècle), appelées sankyoku (三曲), et qui accompagnent parfois un chanteur.

Les kouta sont les chants courts des geishas qui s'accompagnent au shamisen joué sans plectre.

Koto

Composée au XVIIe siècle pour la cithare so-no-koto, so ou koto, cette musique accompagne aussi des chants spécifiques. À partir du XIXe siècle, le genre donne naissance à un style populaire : le zokuso.

Ensemble chindon

Jiuchi

Le jiuchi 地打ち est un rythme accompagnant joué par un jikata.

Musique folklorique

  • Musique d'Okinawa : située entre la Chine et le Japon, l'île d'Okinawa a développé une musique originale (shimauta), avec une version locale du shamisen.
  • Minyō : ce sont des musiques et des chants de travail très variés selon les régions. Aujourd'hui, ils sont surtout audibles lors de festivals.
  • Musique aïnoue : premier habitant de l'archipel, ce peuple aborigène a une musique et des instruments spécifiques, liés au chamanisme.
  • Satokagura : il s'agit de musiques d'accompagnement de certaines danses ou rituels (récolte, exorcisme, etc.) liés au culte shinto.
  • Chindon : musique populaire jouée dans la rue par des petites fanfares.

Instruments de musique

Ensemble de taiko
Ensemble de musiciennes
  • Vents :
    • hichiriki (篳篥) : instrument à vent à anche double, qui ressemble et sonne comme le hautbois ;
    • horagai (法螺貝) ou jinkai (陣貝) : conque bouddhiste ;
    • shō () : orgue à bouche à dix-sept tuyaux ;
    • flûtes traversières (terme générique : , fue) :
      • kagurabue (神楽笛) ou yamatobue : flûte autochtone,
      • komabue (高麗笛) : flûte d'origine coréenne,
      • ryūteki (龍笛) ou ôteki (横笛) : flûte d'origine chinoise,
      • nōkan (能管) flûte utilisée dans le théâtre nô,
      • shinobue (篠笛) et misatobue flûtes populaires utilisées dans la musique des festivals hayashi dans le minyo et le kabuki ;
    • flûte droite à encoche :
      • shakuhachi (尺八), flûte d'origine chinoise.
  • Cordes :
    • biwa (琵琶) : luth à quatre cordes ;
    • shamisen (三味線) luth à trois cordes ;
    • gaku-sō (楽箏), ou sō no koto, souvent koto : cithare à treize cordes ;
    • yamatogoto (大和琴) ou wagon (和琴) : cithare à six cordes ;
    • yaukin (夜雨琴) : cithare à cordes frappées ;
    • kokyū (胡弓) : vielle à archet ;
    • tonkori, cithare aïnu.
  • Percussions :
    • kakko (羯鼓) : tambour à baguettes ;
    • san-no-tsuzumi (三の鼓) : tambour plus grand que le kakko ;
    • shakubyoshi (笏狛子) : claquette de bois ;
    • shōko ou shôgo (鉦鼓) : petit gong en bronze existant en trois formats ;
    • taiko (太鼓) : grand tambour à maillet. Son nom peut varier en fonction de son format : dadaiko, tsuridaiko et ninaidaiko ;
    • mukkuri, guimbarde aïnu.

Musique actuelle

  • Kawachi ondo : Musique populaire de la région de Kawachi, empruntant à diverses traditions japonaises et divers courants modernes, occidental ou indonésien. Au départ lié au festival Bon-Odori, il est devenu assez critique et politique. Kikusuimaru Kawachia en est l'interprète majeur.
  • Enka : musique populaire chantée proche de la variété.
  • Hip-hop au Japon
  • J-pop
  • J-rock
  • Visual kei
  • Japanoise
  • J-core

Articles connexes

  • Récompenses musicales au Japon
  • Culture musicale des Aïnous

Bibliographie

  • (en) William P. Malm, Traditional japanese music and musical instruments, 1959 (ISBN 4-7700-2395-2)
  • Pierre Landy, Musique du Japon, Éditions Buchet/Chastel, Collection Les Traditions musicales, 1970, 309 p. (ISBN 2-7020-1638-3)
  • Akira Tamba, La Musique classique du Japon : Du XVe siècle à nos jours, Éditions POF, 2001, 175 p. (ISBN 2-7169-0323-9)
  • Akira Tamba, Musiques traditionnelles du Japon des origines au XVIe siècle, Éditions Actes Sud, Collection Musiques du Monde, 1995/2001, 157 p. (ISBN 2-7427-3511-9)
  • Ziad Kreidy, Takemitsu à l’écoute de l’inaudible, L'Harmattan, 2009 (ISBN 978-2-296-07763-8)
  • (en) S. Kishibe, The traditional music of Japan, Ongaku no tomo edition, Tokyo, 1984
  • (it) Daniele Sestili, Musica e tradizione in Asia orientale. Gli scenari contemporanei di Cina, Corea e Giappone, Roma, Squilibri, 2010

Références