Le noyau atomique est la région située au centre d'un atome, constituée de protons et de neutrons (les nucléons). La taille du noyau (de l'ordre du femtomètre, soit 10−15 m) est environ 100 000 fois plus petite que celle de l'atome (10−10 m)[alpha 1] et concentre quasiment toute sa masse. Les forces nucléaires qui s'exercent entre les nucléons sont à peu près un million de fois plus grandes que les forces entre des atomes ou des molécules.
De nombreux noyaux, dits radioactifs, sont instables et se transforment spontanément en d'autres noyaux en émettant un électron, un positon ou un hélion, en capturant un électron ou en se divisant en plusieurs noyaux, voire — pour certains noyaux particulièrement excédentaires en protons ou bien en neutrons — en émettant un ou plusieurs neutrons ou protons.
Les noyaux peuvent aussi être sujets à une transmutation provoquée par l'impact d'un autre noyau, d'une particule ou d'un rayonnement électromagnétique.
Notation
Un noyau atomique est représenté par le symbole A
ZM, composé de :
- son symbole chimique M (H, He, Li, etc.) ;
- son nombre de masse A (égal au nombre de nucléons de l'atome, soit protons + neutrons), placé en haut et à gauche du symbole chimique ;
- son numéro atomique Z (égal au nombre de protons), placé en bas et à gauche du symbole chimique ; ce dernier est souvent omis car il est implicitement défini par le symbole chimique.
Isotopes, isobares et isomères
Isotopes
Les isotopes sont des noyaux (ou des atomes) ayant le même nombre de protons (même numéro atomique ) mais un nombre différent de neutrons , d'où un nombre de masse différent (). Le numéro atomique est ce qui caractérise un élément chimique, il est égal au nombre d'électrons dans l'atome neutre.
Pour un même élément, il existe dans le milieu naturel différents isotopes possédant des nombres de neutrons différents, et on en produit d'autres au laboratoire. Par exemple, le protium 1
1H, le deutérium 2
1H et le tritium 3
1H sont trois isotopes de l'hydrogène présents dans le milieu naturel, et on a synthétisé les isotopes 4
1H, 5
1H, 6
1H et 7
1H.
Les différents isotopes d'un même élément possèdent des propriétés physiques et chimiques similaires[alpha 2], car elles dépendent essentiellement de son nombre d'électrons. Cependant, leur différence de masse atomique permet de les séparer à l'aide d'une centrifugeuse ou d'un spectromètre de masse.
Les isotopes se différencient également par leur stabilité et leur demi-vie (ou période radioactive) : les isotopes déficitaires ou excédentaires en neutrons sont souvent plus instables, et donc radioactifs. Par exemple, le carbone 12 (le plus courant) et le carbone 13 sont parfaitement stables, alors que sont radioactifs les isotopes de carbone « plus lourds » que le 13C (comme le carbone 14, avec une demi-vie de 5 730 années) ou « plus légers » que le 12C (comme le carbone 11, avec une demi-vie de 20 minutes)[1]. À noter qu’il existe également des éléments pour lesquels tous les isotopes sont instables, comme le technétium ou le prométhium, ainsi que tous les éléments synthétiques.
Par abus de langage on parle souvent d'un isotope pour désigner un nucléide caractérisé par son numéro atomique et son nombre de masse, sans référence aux isotopes de l'élément chimique correspondant.
Isobares
Des noyaux (ou des atomes) sont isobares s'ils ont le même nombre de masse , c'est-à-dire s'ils ont le même nombre de nucléons (neutrons et protons). Par exemple, le soufre 40 ( 40
16S
24 ), le chlore 40 ( 40
17Cl
23 ), l'argon 40 ( 40
18Ar
22 ), le potassium 40 ( 40
19K
21 ) et le calcium 40 ( 40
20Ca
20 ) sont isobares : leurs noyaux contiennent 40 nucléons répartis en 16 à 20 protons et 24 à 20 neutrons, respectivement.
Isomères
Les isomères nucléaires sont des atomes ayant les mêmes nombres de protons et de neutrons (et qui appartiennent donc à un même isotope) mais qui présentent des états énergétiques différents, généralement en raison d'une organisation différente des nucléons au sein du noyau. L'état présentant la plus faible énergie est dit fondamental et tous les autres, de plus haute énergie, sont dits excités.
Lorsque la distinction est nécessaire, les isomères autres que l'état fondamental sont identifiés par la lettre « m » rajoutée après le nombre de masse et éventuellement suivie d'un nombre s'il existe plusieurs états excités pour l'isotope en question. Ainsi, l'aluminium 26 possède deux isomères notés 26Al pour l'état fondamental et 26mAl pour l'état excité. Autre exemple, le tantale 179 possède pas moins de sept isomères, notés (de l'état fondamental à l'état excité de plus haute énergie) 179Ta, 179m1Ta, 179m2Ta, 179m3Ta, 179m4Ta, 179m5Ta et 179m6Ta.
Les états excités sont généralement très instables, subissant rapidement une transition isomérique qui les ramène à l'état fondamental ou à un état excité de moindre énergie, et pendant laquelle le surplus d’énergie est évacué sous forme de photon(s). Il existe cependant des exceptions, certains états excités de certains isotopes ayant une demi-vie plus grande que l'état fondamental correspondant, par exemple tantale 180m et américium 242m.
Caractéristiques physiques
Composition et structure
Le noyau d'un atome est composé de nucléons : des protons chargés positivement et des neutrons électriquement neutres, fortement liés entre eux (l'hydrogène 1 ou protium, 1H, fait exception car son noyau n'est formé que d'un proton, sans neutrons). La cohésion du noyau est assurée par l'interaction forte, qui maintient les nucléons ensemble et les empêche de s'éloigner les uns des autres, contrecarrant notamment la répulsion électrostatique entre les protons.
Deux modèles nucléaires peuvent être utilisés pour étudier les propriétés du noyau atomique :
- le modèle en couches ;
- le modèle de la goutte liquide.
Masse atomique
La masse atomique d'un isotope est la masse de nucléides de ce même isotope, étant le nombre d'Avogadro (environ 6,022 14 × 1023 mol−1) :
- en raison de l'origine historique de la définition du nombre d'Avogadro, la masse atomique du carbone 12 est presque exactement de 12 g (incertitude relative de 4,5 × 10−10) ;
- la masse atomique d'un nucléide autre que 12C exprimée en grammes (g) et la masse d'un noyau exprimée en unités de masse atomique unifiées (u) sont numériquement voisines de leur nombre de masse (nombre de nucléons dans chaque noyau) mais peuvent en différer significativement parce que le rapport N/Z des nombres de neutrons et de protons peut être différent de 1 (valeur de N/Z pour le carbone 12) et que le proton et le neutron n'ont pas exactement la même masse, et surtout parce que le nucléide peut être mieux ou moins bien lié que le carbone 12 et que cette différence d'énergie de liaison (voir la section suivante) se traduit en une différence de masse (par nucléon). L'hydrogène 2 (deutérium) a ainsi une masse atomique d'environ 2,014 g et le fer 56 d'environ 55,934 g (le deutérium est moins bien lié que le carbone 12, et le fer 56 mieux).
La masse atomique d'un élément chimique est la moyenne pondérée des masses atomiques de ses isotopes naturels : où désigne la fraction molaire de l'isotope no dans le mélange naturel (). Certains éléments possèdent des isotopes radioactifs de très longue période : leur composition isotopique naturelle et par conséquent leur masse atomique évoluent sur de longues périodes de temps, telles que les ères géologiques ; c'est notamment le cas pour l'uranium.
Défaut de masse et énergie de liaison
Pour qu'un noyau puisse exister il faut, sauf bien sûr pour celui du protium 1H (uniquement constitué d'un proton), que ses nucléons soient liés, donc que l'énergie du noyau soit inférieure à la somme des énergies des nucléons qui le composent. En raison de l'égalité , cette différence d'énergie s'exprime comme une différence de masse : la masse d'un isotope A
ZX est inférieure à la somme des masses de ses nucléons. La différence , où désigne la masse du proton et celle du neutron, est appelée défaut de masse (toujours positif, sauf encore pour le protium dont le défaut de masse est nul).
On définit aussi l'excès de masse , où désigne l'unité de masse atomique unifiée et est exprimé en termes de cette unité. En raison de l'origine historique de cette unité, l'excès de masse du carbone 12 est nul, et l'excès de masse d'un autre noyau est négatif ou positif selon qu'il est plus ou moins bien lié que le carbone 12.
L'énergie de liaison est . Pour évaluer la plus ou moins bonne liaison des différents types de noyau, on utilise l'énergie de liaison par nucléon, .
Stabilité
Certains noyaux sont stables, c'est-à-dire que leur énergie de liaison est suffisante, rendant alors leur durée de vie illimitée. D'autres sont instables et tendent à se transformer spontanément en un noyau plus stable par émission d'un rayonnement. Cette instabilité est due au grand nombre de nucléons, qui fait diminuer l'énergie unitaire de chaque liaison dans le noyau, le rendant moins cohérent. La transformation (spontanée) par radioactivité se traduit toujours par une augmentation de l'énergie de liaison moyenne des nucléons concernés.
On distingue trois types de radioactivité, selon le type de particule émise :
- Radioactivité α s'il émet des nucléons sous forme de particules α (noyaux 4
2He) ; - Radioactivité β s'il émet un électron e− avec un antineutrino électronique νe (radioactivité β−), ou un positron e+ avec un neutrino électronique νe (radioactivité β+).
Ces deux types de radioactivité sont la plupart du temps accompagnés d'un rayonnement γ (émission de photons).
Exemples :
- les isotopes d'uranium 235
92U et 238
92U ont des demi-vies supérieures à ceux de leur « famille » respective avant de mener aux isotopes stables du plomb ; - l'azote 16 (16 nucléons, 7 protons, 9 neutrons) se transforme en oxygène 16 (16 nucléons, 8 protons, 8 neutrons) quelques secondes après sa création par radioactivité bêta : l'interaction faible transforme l'un des neutrons du noyau en un proton et un électron, modifiant ainsi le numéro atomique de l'atome.
Nombre de nucléons
La stabilité d'un noyau atomique dépend de la nature et du nombre de nucléons qui le composent.
Il a été constaté une plus grande fréquence de noyaux stables (152) s'ils sont composés d'un nombre de protons ( Z ) et de neutrons ( N ) pairs. Ce nombre passe à 55 pour Z pair et N impair et à 52 pour Z impair et N pair. Il n'existe que quelques noyaux stables dont le nombre de protons et le nombre de neutrons sont impairs.
Il existe également des nombres magiques (nombre de protons et/ou nombre de neutrons) pour lesquels l'abondance naturelle d'isotopes stables est plus grande : 2, 8, 20, 28, 50, 82, 126. C'est le cas par exemple du noyau d'hélium, doublement magique, correspondant à la particule alpha émise par certains noyaux.
Demi-vie
La demi-vie d'un isotope est la période au bout de laquelle, statistiquement, la moitié des atomes d'un échantillon initial se seront désintégrés. Les noyaux peuvent posséder des demi-vies très différentes couvrant en fait toute la plage des durées.
Un noyau est considéré comme étant un élément (par opposition à une résonance) lorsque son temps de vie est assez long pour qu'un cortège électronique ait le temps de se former (soit ~10-15 s).
intervalle de durée | Isotope | Demi-vie |
---|---|---|
<1 seconde | Hydrogène 7 | 2,2 × 10−23 s[2] |
De 1 seconde à 1 minute | Azote 16 | 7,13 s |
Fluor 20 | 11,163 s | |
De 1 minute à 1 heure | Oxygène 15 | 2,037 min |
Carbone 11 | 20,38 min | |
De 1 heure à 1 jour | Fluor 18 | 1,8293 h |
De 1 jour à 1 an | Radium 224 | 3,62 j |
Radon 222 | 3,8235 j | |
De l'année au millénaire | Sodium 22 | 2,605 ans |
Cobalt 60 | 5,272 ans | |
Tritium (Hydrogène 3) | 12,329 ans | |
Strontium 90 | 28,78 ans | |
Césium 137 | 30,254 ans | |
Du millénaire au million d'années | Radium 226 | 1602 ans |
Carbone 14 | 5730 ans | |
Chlore 36 | 301 000 ans | |
Aluminium 26 | 717 000 ans | |
Du million d'années au milliard d'années | Plutonium 244 | 80,8 × 106 ans |
Uranium 235 | 704 × 106 ans | |
Du milliard (109) au millier de milliards (1012) d'années | Potassium 40 | 1,28 × 109 ans |
Uranium 238 | 4,468 × 109 ans | |
Thorium 232 | 14,05 × 109 ans | |
Samarium 147 | 106 × 109 ans | |
Du millier de milliards (1012) au million de milliards (1015) d'années | Osmium 184 | 56 × 1012 ans |
Indium 115 | 441 × 1012 ans | |
Du million de milliards (1015) au milliard de milliards (1018) d'années | Vanadium 50 | 140 × 1015 ans |
Au-delà du milliard de milliards d'années (> 1018 ans) | Calcium 48 | > 6 × 1018 ans |
Molybdène 100 | 7,8 × 1018 ans | |
Bismuth 209 | (19 ± 2) × 1018 ans | |
Zirconium 96 | >20 × 1018 ans | |
Tellure 130 | 790 × 1018 ans | |
Xénon 124 | 1,8 × 1022ans[3] | |
Au-delà du million de milliards de milliards d'années (> 1024 ans) | Tellure 128 | 2,2 × 1024 ans |
Noyau stable
En fait, les noyaux dits stables ne le sont que dans la mesure où leur durée de vie avoisine celle du proton, seul baryon (méta?)stable. Le proton aurait, selon la théorie, une demi-vie d'environ 1033 ans, mais les expériences menées pour mesurer cette désintégration du proton, véritable pierre angulaire de la matière, n'ont pas vérifié cette prédiction : le proton serait plus stable que prévu[4].
Taille et forme
Le rayon d'un nucléon est de l'ordre de 10−15 m, soit 1 fm (femtomètre), le terme de rayon s'entendant ici au sens d'avoir une probabilité significative de détecter le nucléon dans le volume d'espace considéré. En première approximation, on considère généralement que le rayon r d'un noyau de nombre de masse A vaut (modèle de la goutte liquide) r = ro3√A, avec ro = 1,4 fm. Lorsque A est petit, notamment inférieur à 16, ro peut valoir 1,2 fm.
Cela représente moins de 0,01 % du rayon total de l'atome. La masse volumique du noyau est donc considérablement plus grande que celle de l'atome lui-même. Elle est à peu près constante pour tous les noyaux dans leur état fondamental (non excité) : environ 200 millions de tonnes au cm3 (2 × 1014 g/cm3), masse volumique du fluide nucléaire.
La taille et la forme réelles d'un noyau spécifique dépendent fortement du nombre de nucléons qui le composent, ainsi que de leur état énergétique. Les noyaux les plus stables ont en général une forme sphérique au repos et peuvent prendre, par exemple, la forme d'un ellipsoïde s'ils sont excités. Des formes assez étranges peuvent être observées selon les états d'excitation, en poire, en soucoupe, voire en cacahuète.
Dans le cas des noyaux à halo, quelques nucléons peuvent avoir des fonctions d'onde nettement distendues, entourant donc d'un halo le noyau plus compact formé par les autres nucléons. Le lithium 11 semble par exemple composé d'un noyau de lithium 9 entouré d'un halo de deux neutrons ; sa taille est alors proche de celle du plomb 208, qui possède 20 fois plus de nucléons.
Le noyau stable le plus lourd est constitué de 82 protons et 126 neutrons : il s'agit du plomb 208. Les éléments plus lourds sont tous instables. Jusqu'à l'uranium inclus, ils sont tous présents naturellement sur Terre[alpha 3], les éléments de numéro atomique plus grand que l'uranium ou présents à l'état de trace peuvent être synthétisés en laboratoire. L'élément le plus lourd connu en 2021 comptait 118 protons : il s'agit de l'oganesson.
Notes et références
Notes
- ↑ L'atome est donc essentiellement constitué de vide, son volume étant très supérieur au volume cumulé des électrons et du noyau qui le constituent.
- ↑ Ces propriétés ne sont toutefois pas identiques, surtout quand elles caractérisent des états éloignés de l'équilibre (voir l'article « Fractionnement isotopique »). Les différences sont particulièrement notables pour les éléments les plus légers (H, He, Li, Be, B, C, N et O).
- ↑ En revanche, deux éléments plus légers que l'uranium ne sont pas présents naturellement : la technétium et le prométhium. Comme les éléments transuraniens, ils ont été synthétisés en laboratoire.
Références
- ↑ (en) Table des isotopes du carbone sur environmentalchemistry.com, et qui indique, entre autres, la stabilité (ou l’instabilité) de ces isotopes. En particulier voir la colonne « Half Life », laquelle indique la demi-vie de l’isotope, sauf s’il s’agit d’un isotope stable. Consultée le 6 février 2011.
- ↑ (en) M Thoennessen, « Reaching the limits of nuclear stability », Reports on Progress in Physics, vol. 67, no 7, , p. 1215 (DOI 10.1088/0034-4885/67/7/r04, lire en ligne).
- ↑ (en) Collaboration XENON, « Observation of two-neutrino double electron capture in 124Xe with XENON1T », Nature, vol. 568, (lire en ligne).
- ↑ Luc Valentin, Le monde subatomique [détail des éditions].
Voir aussi
Articles connexes
- Masse atomique
- Numéro atomique
- Isotope
- Énergie de liaison atomique
- Formule de Bethe-Weizsäcker
- Structure nucléaire
- Matière nucléaire (physique)
- Noyau exotique
- Hypernoyau
- Particule (physique)
- Physique nucléaire
- Radioactivité
- Fusion nucléaire
- Fission nucléaire
- Réaction nucléaire
- Réactions nucléaires avec des ions lourds
Bibliographie
- Luc Valentin, Le monde subatomique [détail des éditions]