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Pierrot le Fou
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Réalisation Jean-Luc Godard
Acteurs principaux
Pays de production Drapeau de la France France
Drapeau de l'Italie Italie
Genre Road movie
Durée 105 minutes
Sortie 1965

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Pierrot le Fou est un film franco-italien réalisé par Jean-Luc Godard, sorti en 1965.

Synopsis

Ferdinand Griffon est un homme qui vit avec sa femme et ses enfants. Il est un peu désabusé, car il vient de perdre son emploi à la télévision. Un soir, alors qu'il revient d'une désolante soirée mondaine chez ses beaux-parents, il se rend compte que la baby-sitter venue garder ses enfants est une ancienne amie, Marianne. Il décide de tout quitter et de partir avec elle vers le sud de la France dans un grand périple où se mêleront trafic d'armes, complots politiques, rencontres incongrues, mais aussi pauses bucoliques et déchirements amoureux.

Fiche technique

  • Titre original français : Pierrot le Fou
  • Titre italien : Il bandito delle undici[1]
  • Réalisation : Jean-Luc Godard, assistants : Jean-Pierre Léaud, Philippe Fourastié et Philippe Pouzenc
  • Scénario : Jean-Luc Godard, et Rémo Forlani d'après Obsession (Le Démon d'onze heures)[2], de Lionel White
  • Producteur : Georges de Beauregard
  • Sociétés de production : SNC, Rome Paris Films et Dino De Laurentiis Cinematografica
  • Budget : ~ 300 000 USD
  • Box-office France : 1 310 579 entrées
  • Musique : Antoine Duhamel et Cyrus Bassiak (alias Serge Rezvani)
  • Directeur de la photographie : Raoul Coutard (Techniscope Eastmancolor)
  • Cadreurs : Georges Liron, Jean Garcenot
  • Montage : Françoise Collin - Laboratoires LTC
  • Décors : Pierre Guffroy
  • Ingénieur du son : René Levert
  • Pays de production : Drapeau de la France France et Drapeau de l'Italie Italie
  • Langues originales : français, anglais, italien
  • Format : couleurs - 2,35:1 - mono - 35 mm
  • Son : Antoine Bonfanti et René Levert
  • Régisseurs : Roger Scipion (régie générale), Roger Ferret
  • Genre : road movie, comédie dramatique
  • Durée : 105 minutes
  • Dates de sortie :

Distribution

  • Jean-Paul Belmondo : Ferdinand Griffon, dit « Pierrot »
  • Anna Karina : Marianne Renoir
  • Graziella Galvani : Maria, la femme de Ferdinand
  • Dirk Sanders : Fred, le frère de Marianne
  • Jimmy Karoubi : le nain chef des gangsters
  • Roger Dutoit et Hans Meyer : les gangsters
  • Samuel Fuller : lui-même
  • Princesse Aïcha Abadie : elle-même
  • Alexis Poliakoff : le marin
  • Raymond Devos : l'homme du port
  • Lazlo Szabo : Lazlo Kovacs
  • Jean-Pierre Léaud : un spectateur
  • Georges Staquet : Franck
  • Henri Attal : Le pompiste #1
  • Dominique Zardi : Le pompiste #2
  • Maurice Auzel : Le pompiste #3 (non crédité)
  • Pascal Aubier : Le deuxième frère (non crédité)
  • Pierre Hanin : Le troisième frère (non crédité)
  • Krista Nell : Mme Staquet (non créditée)
  • Viviane Blassel : L'employée du magasin de parfumerie

Genèse du film

Choix des interprètes

Les rôles principaux devaient au départ être tenus par Michel Piccoli et Sylvie Vartan, mais l'agent de cette dernière refusa sans même la mettre au courant du projet. Le cinéaste décida donc de changer de couple et fit appel à Jean-Paul Belmondo ainsi qu'à Anna Karina, sa première femme, qui collabora pour la sixième fois avec son mari.

Samuel Fuller, qui joue son propre rôle dans une scène située au début du film, a apprécié de travailler avec Godard. Dans une table ronde à Los Angeles en 1968, il explique :

« Jean-Luc Godard a eu la gentillesse de me proposer de jouer mon propre rôle dans une scène de cocktail de Pierrot le Fou. J’étais là pour préparer un film que je n’ai jamais tourné. On me demandait ce que je faisais à Paris. J’expliquais. La vedette, Belmondo, me demandait « qu’est-ce que le cinéma ? » J’expliquais. C’était agréable de travailler avec un réalisateur comme lui. Particulièrement vif. En ce qui me concerne, je me sentais vraiment en confiance[3]. »

Tournage

Le tournage commence le lundi et se termine huit semaines plus tard, le , pour un total de quarante-quatre jours[4].

Le film a été tourné à Hyères, Gonfaron, Toulon, Giens, Porquerolles, Paris, Issy-les-Moulineaux, Tremblay-lès-Gonesse[5], Neuilly et dans le studio de Saint-Maurice[4].

Musique du film

Jean-Paul Belmondo et Anna Karina chantent eux-mêmes deux chansons dans le film, Jamais je ne t'ai dit que je t'aimerais toujours, ô mon amour et Ma ligne de chance (deux chansons de Serge Rezvani, alias Cyrus Bassiak, que Godard omit de faire figurer au générique du film).

Anna Karina explique : « Jean-Luc adorait Le Tourbillon. Il savait par Truffaut que Bassiak était un auteur-compositeur terriblement original. » Pendant la phase de repérage du film, au volant de sa grosse voiture américaine, il se rendit un jour à 7 heures du matin chez Rezvani, et en repartit avec ces chansons.

Analyse

Pierrot le Fou est considéré comme un précurseur du road movie[6].

Bien qu'il ne soit jamais nommé, Arthur Rimbaud est constamment présent au travers de citations (principalement issues d'Une saison en enfer) : « L'amour est à réinventer », « La vraie vie est ailleurs »[7], etc., ainsi que la citation finale « Elle est retrouvée. Quoi ? — L'Éternité. C'est la mer allée Avec le soleil ». Rimbaud apparaît également dans un portrait en noir et blanc, orné de voyelles de couleurs, ce qui constitue une citation cinématographique. Enfin, l'attitude de certains personnages rappelle celle du poète et aventurier (Ferdinand et Marianne, désargentés, se refusent à travailler ; Fred fait du trafic d'armes en Afrique, leur fuite vers le sud, etc.).

Louis-Ferdinand Céline apparaît à travers la citation cinématographique de deux de ses deux romans : Guignol's Band et Le Pont de Londres. En outre, Ferdinand (dont le prénom fait référence à l'écrivain) évoque un voyage « au bout de la nuit ».

Le personnage de Pierrot le Fou fait également référence à la vie du peintre abstrait Nicolas de Stael, dont de nombreux tableaux sont « interprétés » par le chef opérateur Raoul Coutard, Pont-Neuf, Rouge, jusqu'à son suicide, dans le film avec des bâtons de dynamite de couleurs primaires[8].

La scène où Anna Karina dit sur la plage : Qu’est-ce que j'peux faire, j’sais pas quoi faire, Anna déclare en 2001 « Je l’ai dit un peu comme ça, par hasard, avant de tourner. C’était une scène où le personnage s’ennuie sur la plage alors que Pierrot est en train d’écrire, il est avec son perroquet. Et Jean-Luc m’a demandé de le répéter pendant la scène »[9]. Dans son film documentaire Visages, villages, Agnès Varda remémore la citation d'Anna en 2017, alors que Jean-Luc Godard laisse un mot sur la vitre de sa porte d'entrée à Rolle à l'intention d'Agnès, sans lui ouvrir la porte : « du côté de la côte, c'est la deuxième ligne de rebus de Godard. En fait, Jean-Luc et Anna avaient loué une villa près de Nice, et nous avaient invité Jacques et moi. On passait du bon temps, Jean-Luc lisait toute la journée et Anna circulait en disant : j’sais pas quoi faire, qu’est-ce que j'peux faire. On ne se moquait pas d'Anna, mais cela nous faisait beaucoup rire, Jacques et moi ». Agnès Varda ne précise pas dans cette anecdote, si elle avait eu lieu avant ou après le tournage de Pierrot le Fou[10].

Accueil critique

L'envoyé spécial du Figaro au festival de Venise, Louis Chauvet, n'est pas tendre avec Godard. Il juge que les films de Godard sont tous les mêmes et qu'il n'y a que le titre qui change, considérant celui-ci comme « imprégné d'un surréalisme de pacotille ». Du long métrage, il ne retient que la prestation de Raymond Devos[11].

En revanche, dans son article « Qu'est-ce que l'art, Jean-Luc Godard ? », Louis Aragon est très élogieux :

« Pendant que j'assistais à la projection de Pierrot, j'avais oublié ce qu'il faut, paraît-il, dire et penser de Godard. Qu'il a des tics, qu'il cite celui-ci et celui-là, qu'il nous fait la leçon, qu'il se croit ceci ou cela... enfin qu'il est insupportable, bavard, moralisateur (ou immoralisateur) : je ne voyais qu'une chose, une seule, et c'est que c'était beau. D'une beauté surhumaine[12]. »

Autour du film

  • L'histoire est sans rapport avec celle de Pierre Loutrel, célèbre gangster surnommé « Pierrot le fou »[13].
  • Malgré ce que Jean Luc Godard a essayé lui-même de faire croire, le scénario de ce film ne s'est pas écrit au jour le jour, mais était depuis longtemps pensé par le cinéaste[14].
  • Lors de sa sortie, Pierrot le Fou est interdit aux moins de dix-huit ans pour « anarchie morale et intellectuelle »[15].
  • On peut apercevoir vers la fin du film, lors d'une scène tournée à Toulon, le cuirassé Jean Bart.

Postérité

Le film est à l'origine de la vocation de cinéaste de Chantal Akerman :

« Je ne connaissais rien du cinéma, je n'avais vu que des films du genre Le Gendarme à Saint-Tropez et je croyais que le cinéma n'était bon que pour aller rigoler en bande. Je ne me rendais pas compte que c'était un moyen d'expression artistique. Je suis allée voir Pierrot le Fou comme n'importe quel autre film, sans savoir qui était Godard, j'ai pris une place parce que le titre m'avait plu. Et pour la première fois de ma vie, j'ai vu que le cinéma était un art. En sortant de la salle, j'ai dit que je voulais faire des films[16]. »

Hommages et références

  • En clin d'œil au film, Mathieu Kassovitz a intitulé son premier film : Fierrot le pou.
  • Dans la scène de voiture de Sin City (film de Robert Rodriguez) qu'il a réalisée, Quentin Tarantino utilise le même procédé que Godard pour évoquer le défilement de la route. Des spots de différentes couleurs passent alternativement de chaque côté du pare-brise.
  • Leos Carax fait de nombreuses références à Pierrot le Fou dans Les Amants du Pont-Neuf.
  • Laurent Baffie fait sans doute un clin d'œil à Pierrot le Fou dans son film Les Clés de bagnole en commandant systématiquement deux demis. Ferdinand-Pierrot, qui a la même habitude dans le film de Godard, explique qu'il aime, après en avoir fini « un », qu’il lui en reste « la moitié ».
  • Le groupe de metal français Hypno5e a intégré certains passages vocaux du film dans ses compositions.
  • Un épisode de la série d'animation japonaise Cowboy Bebop est intitulé Pierrot le Fou en version française et anglaise (le titre original est sans rapport, se traduisant littéralement par « Le requiem du clown »).
  • Un morceau du groupe japonais Yellow Magic Orchestra, sur l'album éponyme de 1978, porte le nom de Pierrot le Fou. C'est la troisième référence à Godard sur cet album.
  • C'est également en référence à ce titre que le blog de Pierre Ménès est intitulé Pierrot le Foot.
  • Un an après la sortie du film, Nino Ferrer reprend dans sa chanson Madame Robert, en l'adaptant quelque peu, une réplique aussi célèbre qu’insolite de Belmondo : « Heureusement que j’aime pas les épinards, sans ça j’en mangerais, or je peux pas les supporter » devient dans la chanson « Mon frère n'aime pas les épinards / Et c'est heureux pour mon frère, car / S'il les aimait, il en mangerait / Et il ne peut pas les supporter ».
  • On peut voir dans la dernière scène du film Peut-être de Cédric Klapisch (1999), un poster dans la chambre d'Arthur : il s'agit de l'affiche de Pierrot le fou, un clin d'œil à Jean-Paul Belmondo qui joue lui-même dans le film.

Distinctions

Notes et références

  1. (it) « Il bandito delle undici », sur mymovies.it (consulté le )
  2. L'histoire du film est librement inspirée du roman ; voir « Jean Luc Godard, cinéaste-écrivain », par Julien d'Abrigeon.
  3. Nicolas Brenez et Édouard Arnoldy, « Cinéma / Politique - Los Angeles, 1968 », Débordements, (lire en ligne).
  4. 1 2 Núria Aidelman, « Les Archives de script de Suzanne Schiffman : Godard au travail dans Pierrot le Fou », La bibliothèque du film, (lire en ligne, consulté le ).
  5. Alexandre Arlot, « Pourquoi Tremblay-en-France et son pont inachevé avaient séduit Jean-Luc Godard », sur leparisien.fr, (consulté le )
  6. Olivier Père, « Pierrot le Fou », Les Inrockuptibles, (lire en ligne, consulté le )
  7. Cette citation est apocryphe. L'original est : « La vraie vie est absente » (Une saison en enfer, Délires I). Elle a souvent été citée sous cette forme erronée, popularisée par le film de Godard.
  8. (en) Sally Shafto, « Leap into the Void: Godard and the Painter », Senses of cinema, no 39, (lire en ligne, consulté le ).
  9. Entretien avec Anna Karina (2001), Cinémathèque Française
  10. Documentaire Visages, villages, Visages, villages
  11. Louis Chauvet, « Venise : Louis Chauvet », Le Figaro,
  12. Louis Aragon, « Qu'est-ce que l'art, Jean-Luc Godard ? », Les Lettres françaises, no 1096, (lire en ligne, consulté le )
  13. Cf. les propos de Jean-Luc Godard à l'occasion de la sélection de Pierrot le Fou à la Mostra de Venise « Jean-Luc Godard et Anna Karina à la Mostra de Venise 1965 », Archive INA.
  14. Godard au travail, d'Alain Bergala.
  15. Boris Gobille, « Un défi à la loi ? Les controverses autour de Pierrot le fou de Jean-Luc Godard », Quaderni. Communication, technologies, pouvoir, no 86, , p. 9–21 (ISSN 2105-2956, DOI 10.4000/quaderni.859, lire en ligne, consulté le )
  16. Frédéric Strauss, « Chantal Akerman : Une cinémathèque imaginaire », La bibliothèque du film, (lire en ligne, consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • Jacques Berard, « Pierrot le fou », Téléciné no 126, Paris, Fédération des Loisirs et Culture Cinématographique (FLECC), , p. 23-34, (ISSN 0049-3287)
  • Louis Aragon, « Qu'est-ce que l'art, Jean-Luc Godard ? », Les Lettres françaises, no 1096, (lire en ligne, consulté le ) — repris dans Écrits sur l'art moderne, Flammarion, (ISBN 978-2-08-124084-1), p. 477-488
  • Jean-Louis Comolli, Jean-André Fieschi et Gérard Guégan, « Parlons de Pierrot », Les Cahiers du cinéma, no 171, réédité dans Alain Bergala, Godard par Godard, t. 1, Paris, Cahiers du cinéma, , p. 264
  • Jean-Philippe Gunet, « Coup de cœur: La passion Bébel. Pierrot le fou », Télécâble Sat Hebdo N°1398, SETC, Saint-Cloud, , p.21, (ISSN 1280-6617)

Articles connexes

  • Liste des longs métrages français proposés à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère

Liens externes