Roi d'Égypte dans la mythologie grecque (d) |
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Dans la mythologie grecque, Protée (en grec ancien Πρωτεύς / Prôteús, de l’égyptien Prouti) est une divinité marine, mentionnée en particulier par Homère dans l’Odyssée comme « Vieillard de la Mer » et gardien des troupeaux de phoques de Poséidon. Il est doté du don de prophétie et du pouvoir de se métamorphoser.
Mythe
Certaines traditions non homériques de la guerre de Troie (représentées par Hérodote ou Euripide) font de Protée un roi égyptien et lui donnent comme demeure l'île de Pharos, près de l'embouchure du Nil. Sur Pharos, il accueillit Dionysos dans les errances du jeune dieu. Selon cette hypothèse, son nom pourrait n'être que la transcription de Prouïti, « la Sublime Porte » (une des épithètes des Pharaons)[1].
Selon Philostrate[2], le fantôme d'Achille aurait déclaré à Apollonios de Tyane, venu honorer son tombeau et lui poser quelques questions à propos de la présence réelle d'Hélène au moment du siège que « Pendant longtemps, nous avons été trompés, au point d'envoyer des ambassades aux Troyens et de combattre à cause d'elle, comme si elle s'était trouvée en Ilion, alors qu'elle vivait en Égypte et dans la maison de Protée, où elle avait entraîné Pâris. Et, lorsque la chose fut connue, nous avons continué à combattre pour la possession de Troie elle-même, afin de ne pas nous retirer déshonorés ». Non seulement, Protée savait tout du passé et du présent, mais encore, il avait le pouvoir de prédire. Et malgré ce don, il se gardait bien de partager facilement son savoir. Pour le consulter, il fallait le capturer par surprise durant sa sieste de midi car, à ce moment-là, il gagnait les grottes creuses en compagnie des phoques pour s'abriter des chaleurs du jour. Et même capturé, il pouvait encore prendre toutes les formes physiques qu'il voulait afin de s'échapper.
Dans l’Odyssée, Ménélas raconte à Télémaque qu'il y fut encalminé sur le chemin du retour à Sparte après la guerre de Troie. La fille de Protée lui révéla comment forcer son père à lui dire lequel des dieux il avait offensé et comment il pourrait se racheter pour rentrer chez lui. Il se cacha parmi les phoques de Protée et quand celui-ci émergea de la mer pour dormir parmi eux, Ménélas parvint à le capturer. Afin d'échapper à son assaillant, Protée prit tour à tour la forme d'un lion, d'un serpent, d'un léopard, d'un cochon et même de l'eau et d'un arbre. Mais ces métamorphoses furent vaines et il dut répondre aux questions de Ménélas. Ce dernier apprit ainsi que son frère Agamemnon avait été tué à son retour chez lui, qu'Ajax le Petit était mort dans un naufrage.
Les abeilles d'Aristée, fils d'Apollon, étaient toutes mortes d'une maladie apportée par les dryades. Aristée demanda secours à Cyrène, sa mère. Celle-ci lui dit que Protée pouvait lui apprendre comment éviter un autre désastre de la sorte, mais seulement s'il en était forcé. Aristée devait immobiliser le dieu peu importe la forme qu'il prendrait. Ainsi, Protée dut l'informer qu'il devait sacrifier un taureau aux dieux, laisser la carcasse sur les lieux du sacrifice et y retourner après trois jours. Quand Aristée revint à cet endroit, il trouva un essaim d'abeilles dans la carcasse et la rapporta dans son rucher. Les abeilles ne connurent plus jamais la maladie.
Protée eut plusieurs enfants. Selon Homère, celle qui porta secours à Ménélas se nommait Idothée. Apollodore mentionne Polygonos et Télégonos, qui défièrent Héraclès à Torone et qui furent tués. De plus, selon Philostrate (I, 4), la mère d'Apollonios de Tyane eut la vision de Protée en rêve, qui lui annonça une naissance. Quand elle lui demanda de quoi elle accoucherait, le Vieillard de la mer répondit simplement : « De moi. »
Démythification
Selon Sur la danse de Lucien de Samosate, Protée était danseur : habile dans la pantomime, il s'assimilait à tout et prenait toutes sortes de formes ; par la rapidité de ses mouvements, il imitait tout ce qu'il voulait[3].
Alchimie
Protée personnifie pour les alchimistes leur mercure vulgaire ou universel[4]. Il représente aussi, depuis la plus haute antiquité, la première matière des philosophes :
« Car toutes les formes qu’il [Protée] contient et embrasse, ou plutôt toutes celles qu’il est toujours et éternellement, il semble les devenir tour à tour à cause de l’attention partielle de ceux qui le contemplent[5] - [6] ».
« D’après leurs dires [des anciens philosophes], donc, Protée (Prôteus) est la matière primordiale (prôtogonos), le réceptacle des formes. Il n’est aucune des formes en acte, mais toutes en puissance : les éléments, par exemple, auxquels il [Homère] fait allusion par le “feu”, par l’“eau”, par le “serpent” qui aime la terre, par l’“arbre à haut feuillage” qui s’élance dans l’air ; et non seulement les éléments, mais aussi les animaux et les autres choses que contient le monde[7] - [8] ».
« Protée, Triton et autres monstruosités de ce genre inventées par les poètes n'indiquent rien d'autre que la matière philosophique[9] - [10] ».
« Cette admirable substance, tel un Protée, revêt des faces, des figures et des couleurs variées, comme si la nature avait jeté en elle les premiers fondements, ou dessiné les fils de tout le règne minéral et peut-être végétal ; car les végétaux se nourrissent de la solution des minéraux. Il serait trop long et inutile de recenser les noms variés que les philosophes ont donnés à cette admirable matière[11] - [12] ».
Postérité
La tragédie Hélène d'Euripide fait mention de Protée, un roi d'Égypte qui épousa la Néréide Psamathée, bien que la plupart des traditions aient donné à cette dernière le roi Éaque comme époux. Dans cette tragédie, le personnage Théoclymémos était le fils de ce roi et un autre passage suggère l'existence d'une fille, Ido. Protée, que l'on ne voit pas non plus, se rapproche bien peu du « Vieillard de la Mer ».
Vocabulaire scientifique
Partageant la faculté de changer de forme à l'envi avec d'autres divinités grecques marines, le nom de Protée a servi de radical en latin — et à partir de là dans la plupart des autres langues européennes — pour former des termes comme protéiforme, avec cette connotation de « polymorphisme spontané » en français.
L'entérobactérie Proteus mirabilis, responsable d'infections urinaires chez l'homme, doit son nom au dieu Protée car son aspect en microscopie optique est très polymorphe.
Le protée anguillard (Proteus anguinus), un amphibien urodèle, porte ce nom pour sa capacité à se couvrir de taches sombres si on l'expose à la lumière.
Par contre, le nom des protéines ne vient pas de Protée, mais du grec prôtos qui signifie « premier ».
Évocations artistiques
Paul Claudel a composé une pièce de théâtre sous le titre Protée en 1913 mettant en scène le dieu Protée.
Michèle Reverdy s'est inspirée du caractère changeant et trompeur du dieu Protée pour composer en 2008 un trio intitulé Les Jeux de Protée[13].
Gabriele-Aldo Bertozzi, créateur de l'Inisme, mouvement artistique d'avant-garde, a composé une pièce La Signora Proteo (« Madame Protée ») où l'écriture elle-même est « protéiforme ».
Dans le film Chocolat de Claire Denis (1988), le personnage du boy, joué par Isaach de Bankolé, s'appelle Protée.
Dans le livre Lolita de Vladimir Nabokov, le personnage de Humbert décrit Mc Quilty comme «un véritable Protée de l’autoroute», faisant référence à la capacité de l’antagoniste à changer de voiture discrètement.
Notes et références
- ↑ V. Bérard, La Résurrection d'Homère, t. I, Paris, Grasset, , 258 p., p. 85.(
- ↑ IV, 16
- ↑ Lucien de Samosate 2015, p. 663
- ↑ E. d'Hooghvorst cité dans : H. van Kasteel, Questions homériques, Physique et Métaphysique chez Homère, Grez-Doiceau, 2012, LXXXVIII + 1198 pp., (ISBN 978-2-9600575-6-0), p. 992.
- ↑ Proclos de Constantinople, Commentaire sur la République de Platon, VI, 113.
- ↑ H. van Kasteel, Questions homériques, p. 351.
- ↑ Eustathe, Commentaires sur l'Odyssée, IV, 365 et ss.
- ↑ H. van Kasteel, Questions homériques, p. 603.
- ↑ (la) Michaël Maïer, Arcana arcanissima, S.l., , 285 p., p. 111
- ↑ H. van Kasteel, Questions homériques, p. 936.
- ↑ Cl. Germain, « Icône de la philosophie occulte », 16, dans : J.-J. Manget, Bibliotheca chemica curiosa, Genève, 1702, t. II, p. 852.
- ↑ H. van Kasteel, Questions homériques, p. 939.
- ↑ Notice de l'œuvre sur le site de l'auteur
Voir aussi
Sources
- Apollodore, Bibliothèque [détail des éditions] [lire en ligne] (II, 5, 9).
- Euripide, Hélène [détail des éditions] [lire en ligne] (v. 36–7).
- Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne] (II, 110-112, 114–117 et 121).
- Homère, Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne] Chant IV (349–570).
- Ovide, Fastes [détail des éditions] [lire en ligne] (I, 367–378).
- Ovide, Métamorphoses [détail des éditions] [lire en ligne] (II, 9 ; VIII, 731 ; XI, 221-224 et 255 ; XIII, 918).
- Philostrate, Vie d'Apollonius de Tyane (I, 4 ; IV, 16).
- Virgile, Géorgiques [détail des éditions] [lire en ligne] (IV, 387–529).
Bibliographie
- Émile Chambry, Émeline Marquis, Alain Billault et Dominique Goust (trad. Émile Chambry), Lucien de Samosate : Œuvres complètes, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1248 p. (ISBN 978-2-221-10902-1).
- Odyssée (trad. du grec ancien par Victor Bérard), Éditions Gallimard, (1re éd. 1955) (ISBN 2-07-010261-0).
- Anne Rolet (dir.), Protée en trompe-l'œil. Genèse et survivances d'un mythe, d'Homère à Bouchardon, Presses Universitaires de Rennes, 2010 (ISBN 978-2-7535-0981-8) [présentation en ligne].
Article connexe
- Proteas, mascotte des Jeux paralympiques d'été de 2004
Liens externes
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (de + en + la) Sandrart.net
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :