Le symbolisme de l'anarchie permet de représenter les idéaux de l'anarchie et du mouvement libertaire.
« A » cerclé
Il s’agit d’un « A » majuscule entouré d’un cercle. Les extrémités du caractère typographique touchent ou débordent du cercle. Le A représente la première lettre du mot anarchie (ou anarchisme) dans de nombreuses langues, ce qui en fait un symbole internationalement reconnaissable[1].
Ce symbole ne fait aucune référence à la franc-maçonnerie. Il présente des similitudes avec le sigle de la Fédération régionale espagnole de l'Association internationale des travailleurs à la fin du XIXe siècle.
Selon les auteurs de l’ouvrage « A cerclé, histoire véridique d’un symbole »[2], ce signe remonterait à 1964. Le symbole est proposé par Tomás Ibáñez et René Darras[3], en , dans le Bulletin des Jeunes Libertaires, « à l'ensemble du mouvement anarchiste », comme projet de signe de ralliement. Afin de « trouver un moyen plus pratique et rapide de minimiser le temps et la longueur de signature sous les textes et slogans. » Un symbole aussi rapidement identifiable que la croix, la croix gammée ou la faucille et le marteau. Le A cerclé a l’avantage d’être plus facilement exécutable. Il faut cependant attendre l’après Mai 68 pour qu’il se répande et que sont utilisation se généralise dans le monde entier[4].
Du drapeau rouge au drapeau noir
Le mouvement anarchiste voit le jour, en tant que composante du mouvement ouvrier dès sa naissance dans les années 1840. Le mouvement se structure petit à petit, et en 1864 naît à Londres l'Association internationale des travailleurs (AIT), dont l'emblème est le drapeau rouge.
Toutefois, des tensions apparaissent entre « anarchistes » d'un côté (dont le représentant le plus connu est Bakounine) et de l'autre les socialistes appelés « autoritaires » par les premiers (dont le représentant le plus connu est Marx). Après l'écrasement de la Commune de Paris en 1871, le drapeau rouge est interdit par la jeune République française restaurée. Par ailleurs la scission entre « anarchistes » et « marxistes » est consommée au congrès de l'AIT en 1872. L'AIT va, petit à petit, disparaître dans les années qui suivront.
Mais les anarchistes continuent leur combat contre l'injustice et pour la liberté. Le drapeau noir a fait sa première apparition « officielle » dans la manifestation des sans-travail aux Invalides à Paris, le , lors d’un meeting organisé par le syndicat des menuisiers. Louise Michel y arbore, pour la première fois, un drapeau improvisé, à partir d’un vieux jupon noir fixé sur un manche à balai. (lire La défense du drapeau noir qu’elle fit lors de son procès)
Le journal Le Drapeau noir, apparu en 1882, est l'une des premières publications du mouvement à utiliser le noir comme symbole. Le nom du groupe anarchiste londonien fondé en est Black International.
Lors de la révolution russe de 1917, le groupe de Nestor Makhno est plus connu sous le nom d’« armée noire ». Leur drapeau est noir jusqu'à leur chute face à l'Armée rouge. Emiliano Zapata, un révolutionnaire mexicain des années 1910, utilise le drapeau noir imprimé d'un crâne et d'os croisés ainsi qu'une image de la Vierge Marie. Son slogan est Tierra y Libertad (« Terre et Liberté »). En 1925, les anarchistes japonais créent la Black Youth League (Ligue noire de la jeunesse). Enfin, en 1945, ce dernier appelle son journal Kurohata (« Drapeau noir »).
Plus récemment, lors des manifestations de Mai 1968, des étudiants parisiens adoptent ce même drapeau noir, également orné de rouge. À Nantes, les drapeaux noirs seront dans les manifestations (sauf quand le , les syndicats et organisations ont pour seule exigence : « Pas de gourdins et pas de drapeau noir »[5].) ; sur la place Royale alors rebaptisée « place du Peuple ». Ils ne seront décrochés de la faculté que le . La même année, ce même drapeau est utilisé par le groupe Students for a Democratic Society (« Étudiants pour une société démocratique ») à l'occasion de leur convention nationale. À la même époque, un groupe anglais crée son journal, également appelé Black Flag, qui existe toujours aujourd'hui.
Chat noir
Le chat noir, représenté hérissé et toutes griffes dehors, est également associé à l'anarchisme, en particulier avec l'anarcho-syndicalisme. Il a été représenté par Ralph Chaplin, figure de premier plan dans les Industrial Workers of the World (IWW). Comme son attitude agressive le suggère, le chat — appelé en anglais wild cat — évoque des idées telles que des grèves sauvages, sabotage et syndicalisme radical. Il est assez largement revendiqué par les mouvements anarchistes comme un symbole historique du sabotage[6].
Au début du XXe siècle les IWW ont pris par symbole le chat noir et les sabots. Ce symbole prendrait sa source aux grandes grèves de 1906 pendant lesquelles les ouvriers français glissaient leurs sabots dans les machines pour les faire dérailler, ce qui donnera dans plusieurs langues le mot "sabotage"[7].
Ce chat noir est de nos jours le symbole de la CNT (Confédération nationale du travail)[8].
Le chat est utilisé comme symbole contraire du chien, défenseur de l'ordre. Inversement, le chat noir symbolise la désobéissance et l'indépendance. Le chat anarchiste n'est pas non plus un chat domestique : il est maigre et efflanqué. Enfin, c'est un chat combattif, son poil est hérissé et il hurle. Hêla Jalel conclut : « L'Anarchat se réfère ainsi au Mal, au Malin, au Diable, mais c'est pour mieux montrer qu'il se place du côté d'un monde à l'envers, prohibé, contraire à l'ordre social du monde à l'endroit des inégalités sociales qui, de fait, est le vrai monde à l'envers qu'il faut absolument renverser pour instaurer la liberté et la coopération égalitaire. »[9]
Autres symboles anarchistes
Le A cerclé et le drapeau noir sont les symboles les plus connus de l’anarchisme. Néanmoins, un certain nombre de groupes développent leurs propres symboles.
A la place du noir, les provos de Hollande choisissent la couleur blanche pour leurs vêtements et les vélos qu'ils offrent à Amsterdam.
Le groupe Jeunesse anarcho-communiste (JAC), proche du collectif Noir et Rouge, actif dans le milieu des années soixante et qui s'exprima à travers le bulletin Arcane, avait adopté comme symbole le trident.
Certaines organisations communistes libertaires ont également adopté comme emblème un oiseau : tangara scarlate pour la Fédération anarchiste de Rio de Janeiro, ou merle noir et rouge pour l'Union communiste libertaire [10].
Drapeau rouge et noir
Le drapeau rouge et noir est le symbole de l’anarcho-syndicalisme et du communisme libertaire. Il associe la couleur du mouvement ouvrier et celle de l’anarchisme et serait apparu pour la première fois le 1er mai 1931 à Barcelone. Son utilisation fut ensuite propulsée à travers le monde par la renommée de la Révolution espagnole de 1936 [11].
Le drapeau rouge et noir est aujourd'hui utilisé en France notamment par la Confédération nationale du travail et l'Union communiste libertaire, la Fédération anarchiste s'en tenant au traditionnel drapeau noir.
Drapeau violet et noir
Ce drapeau découpé en diagonale est composé d'une partie violette et d'une partie noire, il symbolise l'anarcha-féminisme[12].
Drapeau vert et noir
Cette bannière divisée en diagonale est composée d'une partie verte et d'une partie noire, il symbolise l'écologie libertaire. Le vert étant le symbole international des revendications écologistes.
Croix noire
À l'origine, le groupe Anarchist Black Cross (ou ABC) milite pour la suppression des prisons. Il soutient les prisonniers politiques. Ils utilisent cette croix, en référence au Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, organisation humanitaire internationale également engagée dans la lutte auprès des prisonniers politiques.
Anarchisme chrétien
À la façon du symbole anarchiste classique, celui de l'anarchisme chrétien est la lettre alpha (A) placée à l'intérieur de la lettre oméga (Ω).
Les lettres alpha et oméga, commencement et fin de l’alphabet, (AΩ) sont le symbole de Dieu.
« Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. »
— Apocalypse. 22:13
« Je suis le premier et je suis le dernier, et hors moi il n'y a point de Dieu. »
— Livre d'Isaïe 44:6
L'Église primitive chrétienne utilise fréquemment le symbole de l'alpha et l'oméga en les gravant sur les lampes à huile, ou aux côtés des chrismes. Aujourd'hui, certains mouvements chrétiens comme les Jesus Freaks utilisent ce symbole.
Bibliographie
- Marianne Enckell, Amedeo Bertolo, A cerclé, histoire véridique d’un symbole, Éditions alternatives, 2009, notice éditeur.
Notes et références
- ↑ Chloé Leprince, Non, le "A" entouré d'un cercle, toujours anarchiste, n'a jamais été un symbole d'extrême-droite, France Culture, 8 janvier 2019, lire en ligne.
- ↑ Collectif, A cerclé, histoire véridique d’un symbole, Éditions alternatives, 2009, notice éditeur.
- ↑ Louis Mesplé, L'histoire véridique d'un symbole anarchiste, le A cerclé, Rue89, 8 janvier 2010, lire en ligne.
- ↑ Guillaume Davranche, « Le A cerclé. Histoire véridique d’un symbole », sur Alternative libertaire, .
- ↑ Mai 68 Nantes de Sarah Guilbaud, éditeur Coiffard libraire
- ↑ « I.W.W et le symbole du chat (logo de la CNT) », CNT SR87
- ↑ Tancrède Ramonet, « Ni Dieu ni maître, une histoire de l'anarchisme de Tancrède Ramonet - version longue - Livre 1 (time stamp: 57.45) », sur Youtube, (consulté le )
- ↑ « L'origine du symbole du chat noir anarchiste», sur le site de la CNT-AIT
- ↑ Hêla Jalel, « La figure du chat dans l'imaginaire en général et dans l'imagerie anarchiste en particulier », document inédit, université de Toulouse le Mirail, février 1998, cité par « Le chat noir, porte-drapeau des anarchistes », Sciences humaines, 15 juin 2011, consulté le 15 avril 2018.
- ↑ Union communiste libertaire, « L’UCL adopte son logo, orné d’un merle », sur Union communiste libertaire, .
- ↑ Miguel Chueca et Guillaume Davranche, « Sur les origines du drapeau rouge et noir », Alternative libertaire, (lire en ligne)
- ↑
Voir aussi
Articles connexes
- Anarchisme
- Anarcho-punk
- Anarchisme chrétien
- Drapeau noir