La terraformation (de l'anglais « terraforming ») d'une planète, d'un satellite naturel ou d'un autre corps céleste est le processus consistant à transformer l'environnement naturel de ce corps céleste afin de le rendre habitable par l'homme en réunissant les conditions nécessaires à la vie de type terrestre. En pratique, il s'agit généralement de modifier la composition de son atmosphère, sa température et éventuellement sa biosphère en les rapprochant des caractéristiques terrestres.
Le concept relève aujourd'hui de la science-fiction car, si des solutions techniques ont été esquissées, celles-ci nécessitent des moyens hors de portée de nos sociétés, sans garantie de parvenir au résultat souhaité. La terraformation de la planète Mars, dont les caractéristiques ont été proches de notre Terre au Noachien, est le cas le plus souvent étudié. Les techniques permettant d'enclencher le processus de terraformation les plus souvent évoquées sont celles détaillées par Robert Zubrin et Christopher Mc Kay : installation de miroirs géants en orbite (125 kilomètres de rayon et 200 000 tonnes) pour faire fondre les calottes glaciaires et créer une atmosphère dense activant l'effet de serre, injection dans l'atmosphère martienne de gaz à effet de serre, détournement d'une comète, par nature composée principalement d'eau, pour la précipiter à la surface de la planète afin d'atteindre le même objectif. Le processus de terraformation est un processus long dont l'aboutissement pourrait prendre des centaines d'années, voire des centaines de milliers d'années.
La terraformation : thème de science-fiction
La terraformation est un thème classique de la science-fiction, évoqué pour la première fois par William Olaf Stapledon, un poète et philosophe anglais surtout connu pour ses romans de science-fiction. Il décrit pour la première fois ce processus dans un roman de 1930, Last and First Men[1]. Le thème est popularisé par l'écrivain américain Jack Williamson[2]. C'est aujourd'hui un thème classique de la hard science-fiction.
De la fiction à la science
Progressivement, les scientifiques se sont intéressés à la terraformation, à commencer par l'Américain Carl Sagan qui proposa de terraformer Vénus en 1961, à l'aide d'algues injectées dans son atmosphère. L'environnement vénusien est cependant assez infernal, avec une température de l'ordre de 460 °C. Ces conditions sont liées à la présence de dioxyde de carbone (CO2) et à l'effet de serre qui en résulte. Les algues devaient générer du dioxygène par photosynthèse et du carbone minéral en se décomposant. La baisse du taux de CO2 entraînait alors le refroidissement et la condensation de la vapeur d'eau. Néanmoins, le carbone a tendance à reformer du CO2 sous forte température ; l'objectif ne semble donc pas accessible.
À la suite de cette première théorisation, la terraformation s'est petit à petit imposée comme une réelle possibilité et, aujourd'hui, la terraformation de Mars est un sujet sérieusement envisagé par de nombreux scientifiques.
Déroulement d'une terraformation
L'action primordiale pour y arriver est la modification ou la création d'une atmosphère de composition proche de celle de la Terre, composante essentielle au développement de la vie. On parle aussi d'ingénierie planétaire si l'objectif n'est pas de faire ressembler la planète en question à la Terre.
Chaque candidat à la terraformation présente des conditions qui lui sont propres, rendant le processus spécifique pour chacun d'eux. Les principales études menées concernent la planète Mars. D'autres concernent Vénus, Europe (satellite de Jupiter) et Titan (satellite de Saturne), voire d'autres corps, mais les conditions semblent beaucoup plus difficiles à modifier.
Mars
Les images évoquées par Mars sont celles d'une planète rouge, sèche, rocailleuse… et (du moins actuellement) surtout sans vie. Cependant, on y distingue parfois des vallées d'apparence érodée et les recherches in situ semblent indiquer la présence d'anciens fleuves et d'anciennes mers. Or, si l'eau, élément essentiel à la vie telle que nous la connaissons, a coulé sur Mars, où se trouve-t-elle aujourd'hui et peut-on la faire resurgir ? Ce sont les principales questions qui animent les débats autour de la terraformation de la planète. L'objectif est donc de redonner à Mars cet environnement qu'elle semble avoir perdu et y ajouter le nécessaire pour l'Homme.
État des lieux
Mars possède plusieurs points communs avec la Terre. Sa vitesse de rotation, l'inclinaison de son orbite ou l'aspect de sa surface laissent entrevoir des paysages modelés par des saisons proches de celles que connaît la Terre. Le sol (régolithe) martien est composé de nombreux oxydes (SiO2 à 45 % et Fe2O3 à 15 % environ). Cependant, le climat actuel n'est pas tout à fait favorable : du fait de son éloignement du Soleil, la température moyenne avoisine les −60 °C et la pression atmosphérique est 160 fois inférieure à celle que l'on trouve sur Terre.
De plus, Mars a une gravité équivalente à environ un tiers seulement de celle de la Terre : une si faible gravité provoquerait à moyen terme un relâchement et une perte de contrôle musculaires. Seule une activité physique importante permettrait d'éviter cette atrophie.
En l'absence de champ magnétique et d'une atmosphère consistante, la surface de Mars est constamment bombardée par des rayons cosmiques et ultraviolets (rayonnement ionisant) qui ont un effet létal sur l'homme à court/moyen terme. Le régolithe martien, déjà irradié, très fin et abrasif aurait des effets particulièrement néfastes sur la physiologie humaine. Il faudrait une longue pédogenèse avant de voir les effets mécaniques du régolithe atténués (cela a pris des millions d'années avec une coévolution d'une biosphère complète en présence d'eau sous les trois états de matière, notamment liquide, sur Terre).
Vénus
Le principal obstacle à la Terraformation de Vénus est sa température de surface pouvant dépasser les 480 °C. La pression y est d'environ 90 fois celle de l'atmosphère de la Terre et elle est recouverte de nuages d'acide sulfurique. Vénus fait cependant à peu près le même diamètre que la Terre.
Diminuer la température
Deux pistes sont explorées pour diminuer la température à la surface de Vénus :
- diminuer le rayonnement solaire, soit en faisant de l'ombre[3], soit en augmentant l'albédo ;
- diminuer l'effet de serre.
Diminuer la pression atmosphérique
Expulser du gaz hors de la planète semble très difficile. La meilleure solution semble être de transformer le gaz en composés solides ou liquides. Plusieurs méthodes sont envisageables : soit en envoyant de la poussière de magnésium ou de calcium (que l'on pourrait prélever sur Mercure), ce qui conduirait à la formation de carbonates, soit en injectant de l'hydrogène, qui conduirait à la production de graphite et d'eau via la réaction de Bosch. Une autre solution serait d'introduire des organismes vivants, comme des bactéries extrêmophiles, mais si la température au sol reste la même, la matière organique redeviendrait immédiatement du gaz carbonique. Transformer une quantité importante de gaz carbonique en carbone et eau, comme expliqué plus haut, permettrait à ces organismes de survivre en haute atmosphère et de faire croître le taux d'oxygène à une vitesse honorable.
Des cités flottantes dans les nuages
Une idée originale pour permettre une colonisation rapide de Vénus, proposée par Geoffrey A. Landis, est de faire flotter d'immenses sacs de gaz à environ 50 km d'altitude, à condition de veiller à ce que lesdits sacs résistent aux pluies d'acide sulfurique courantes à cette altitude, là où la pression atmosphérique et la température sont proches des conditions terrestres. On pourrait construire des villes à l'intérieur des sacs, qui flotteraient sur l'atmosphère dense de Vénus comme des montgolfières dont l'habitacle serait à l'intérieur du ballon. Le gaz à l'intérieur serait un mélange respirable.
De telles cités pourraient former des têtes de pont, depuis lesquelles seraient assurées les interventions lourdes, dans la perspective d'une terraformation complète de Vénus.
Autres modifications envisageables
La rotation de Vénus est très lente, ce qui fait qu'un jour vénusien dure quasiment une année. Accélérer la rotation demanderait une énergie colossale, sans même préciser le moyen d'exercer un couple significatif à l'échelle de cette planète.
Lune
Au regard de sa proximité avec la Terre, la Lune serait plus facilement "terraformable" que tout autre astre connu. En effet, il serait possible d'y acheminer assez rapidement (environ 3 jours en fusée) les équipements nécessaires pour la rendre habitable.
La première étape consisterait à créer une atmosphère respirable pour l'homme. Pour ce faire, il s'agirait dans un premier temps d'injecter du dioxyde de carbone en quantité importante. Cependant, eu égard à la très faible gravité lunaire (6 fois plus faible que la gravité terrestre), il faudrait, pour empêcher le dioxyde de carbone de se disperser dans l'espace, mettre en place un système de couche de verre située à plusieurs kilomètres en altitude ou bien une installation permettant de renouveler rapidement le dioxyde de carbone. Dans un second temps, il faudrait transformer le dioxyde de carbone en dioxygène pour rendre l'atmosphère lunaire respirable. On aurait ainsi recours à l'introduction de végétaux photosynthétiques appelés "plantes lunaires", qui seraient capables de se développer malgré des cycles de lumières de 14 jours terrestres (sur la Lune, le jour dure environ 14 jours terrestres et la nuit dure également environ 14 jours). En réalisant la photosynthèse, ces plantes remplaceraient petit à petit le dioxyde de carbone atmosphérique. Mais pour se développer, ces végétaux auraient besoin d'un apport d'eau important que les réserves de glace contenues dans les cratères ponctuant la surface lunaire pourraient fournir[4]. Cette eau servirait également à établir une hydrosphère, nécessaire à l'hydratation des hommes, à la vie, à la production d'énergie renouvelable, la régulation climatique, la formation de nuages, ainsi qu'à l'absorption de chaleur[5]. On estime qu'environ 200 milliards de litres d'eau seraient stockés sur la Lune[6], ce qui permettrait, avec les moyens adéquats, de répondre aux besoins de la terraformation et à ceux des colons.
On obtiendrait ainsi un environnement vivable pour l’espèce humaine. Cependant, il serait plus judicieux de n'occuper que la face visible, puisqu'elle est mieux protégée des éruptions solaire que la face cachée de la Lune. Enfin, il faudrait connaitre les effets à long terme d’une faible gravité sur la santé humaine.
De plus, la Lune présente certains avantages qui en feraient une candidate plus propice à la terraformation que Mars :
- Sur la Lune il n'y a pas d'atmosphère, pas de couverture nuageuse et donc pas d'absorption des rayons du Soleil. Ainsi, un panneau solaire installé à la surface de la Lune recevra la totalité de l'énergie solaire incidente. L'installation de panneaux solaires serait la technique la plus prometteuse pour fournir l'énergie électrique nécessaire aux activités humaines. Il faudrait cependant nettoyer les panneaux assez souvent, afin d'enlever la poussière qui s'y déposerait pour favoriser une réception optimale des rayons ultraviolets du Soleil.
- Le champ magnétique terrestre protège la Lune du vent solaire, ce qui réduirait considérablement les effets des radiations sur de potentiels colons humains et végétaux. La radioprotection de la Lune est notamment bien plus importante que celle de Mars.
Cependant, l'intérêt que présenterait la terraformation de la Lune est relativement faible compte tenu de la faible surface disponible sur la Lune, équivalant à environ 7% de la surface terrestre. En revanche, son utilisation en tant base de lancement à destination du reste du Système solaire serait pertinente, notamment en raison des faibles forces (gravitationnelles et de frottement) qui s'exerceraient sur les fusées au décollage.
Terminologie
Le terme officiel en France a été dans un premier temps « écogenèse », préconisé en 1995[7] puis en 2000[8]. En 2008, il a été remplacé par le terme « biosphérisation », défini comme la « transformation de tout ou partie d'une planète, consistant à créer des conditions de vie semblables à celles de la biosphère terrestre en vue de reconstituer un environnement où l'être humain puisse habiter durablement »[9].
Bibliographie
- Revue Bifrost no 35, La terraformation par Roland Lehoucq.
- Revue Aux frontières de la science #4.
- Marie-Ange et Olivier Sanguy, « Terraformer Mars-Dossier », Espace & Exploration n°46, , p. 52 à 55 et 58 à 61
- « Terraformer-Mars-Interview de Bruce Jakosky, professeur à l'Université du Colorado Boulder », Espace & Exploration n°46, , p. 56 à 57
- « Terraformer-Mars-Interview de Sylvain Bouley, planétologue spécialiste de Mars », Espace & Exploration n°46, , p. 62 à 65
Notes et références
- ↑ PHILIPPE LABROT, « Terraformer Mars », sur Nirgal.net, The Planetary Society (consulté le )
- ↑ Jack Williamson utilisa le premier ce terme dans sa nouvelle Collision Orbit publiée en 1942 dans la revue américaine Astounding Science Fiction.
- ↑ (en) Robert Zubrin, Entering Space : Creating a Spacefaring Civilization, (présentation en ligne), ?
- ↑ « De l'eau glacée découverte dans les cratères de la Lune », sur Les Echos, (consulté le )
- ↑ « Alloprof aide aux devoirs | Alloprof », sur www.alloprof.qc.ca (consulté le )
- ↑ Claire Domenech, « La Lune abriterait des milliards de litres d’eau selon une nouvelle étude », sur Capital.fr, (consulté le )
- ↑ Arrêté du 20 février 1995 relatif à la terminologie des sciences et techniques spatiales, JORF no 75 du 29 mars 1995, p. 5001, NOR INDD9500269A, sur Légifrance.
- ↑ Répertoire terminologique (révision des listes antérieurement publiées), JORF no 220 du 22 septembre 2000, p. 14932 et annexe p. 42001–42192 RT, NOR CNTX0004228X, sur Légifrance.
- ↑ Vocabulaire des sciences et techniques spatiales, JORF no 91 du 17 avril 2008, p. 6413, texte no 138, NOR CTNX0807781X, sur Légifrance.
Voir aussi
Articles connexes
- Colonisation de l'espace
- La pantropie, qui est le principe inverse de la terraformation : adapter l'être humain à l'environnement local.
- Panspermie dirigée