AccueilFrChercher

Une page du Livre du Grand Khan (ms. A2) racontant la bataille contre les éléphants du roi de Birmanie (en ligne).
Autre enluminure du ms. A2 : débarquement au port d'Hormos, ch. 36
(extrait ; en ligne)).

Le Livre de Marco Polo, que l'on trouve aussi sous d'autres titres comme le Devisement du monde ou Le Livre des merveilles, et en italien Il Milione, décrit l'empire mongol et chinois de Kubilai Khan, pour lequel Marco Polo a travaillé de 1275 à 1290 en qualité de « messager » ou émissaire impérial.

Rédigé d'abord en 1298 puis mis en bon français à partir de 1307, ce livre comporte un prologue racontant comment ses père et oncle ont d'abord été en Chine, et comment Marco les y a raccompagnés ensuite. Ce prologue est suivi de quatre itinéraires : depuis Acre vers la Chine – depuis Pékin vers le Yunnan et les États au sud de la Chine – depuis Pékin vers Hangzhou et le port de Quanzhou – enfin l'espace entre le Japon et Madagascar en passant par Sumatra et l'Inde.

Sur la trame de ces itinéraires, le livre rapporte une multitude d'historiettes, historiques ou miraculeuses ou piquantes. Surtout, il raconte l'histoire des Mongols et de Gengis Khan, et décrit les institutions de la Chine de Kubilai Khan ainsi que ses fastes, durant ses chasses ou lors de ses fêtes dans sa ville de Pékin (Khanbalik).

Il a donné lieu à de nombreuses éditions et à d'innombrables études qui confirment dans l'ensemble la véracité des faits consignés.

L'Œuvre

Première impression à Venise : Delle meravigliose cose del mondo, 1496 (en ligne)

Le livre qui a rendu Marco Polo mondialement célèbre est le premier récit de voyage écrit en français qui donne une vision d'ensemble de la Perse, de l'Asie centrale et de l'Extrême-Orient. Antérieurement, Jean de Plan Carpin (1182-1252) et Guillaume de Rubrouck avaient décrit leur voyage au pays des Tartares, mais ils l'avaient écrit en latin et ils n'avaient pas pénétré aussi loin en Extrême-Asie[1]. Il est aussi le plus ancien des livres en langue européenne, non en latin, qui soit resté populaire[n 1].

Cependant ce livre est surtout centré sur le grand pouvoir du Grand Khan mongol et empereur de Chine Kubilai, ses immenses possessions, le faste de ses cérémonies, son mode de gouvernement. Il n'évoque que de façon discrète l'expérience vécue par son auteur[2] – sauf peut-être quand il s'agit du charme des femmes de Hangzhou.

À la fois récit de belles histoires comportant parfois des éléments légendaires présentés comme tels, description de villes et d'institutions de pays lointains, ce livre était aussi un guide utile pour les marchands en route vers l'Asie, quoique son auteur n'ait pas été en Chine un commerçant[3],[4], mais un officiel employé par le palais impérial[5].

Sources du Livre de Marco Polo

Le Livre de Marco Polo est actuellement connu par quatre sources.

  • Manuscrit no 1116 de la BnF, dit F. — Manuscrit unique donnant le texte de la compilation initiale faite à Gênes en prison par Marco Polo et Rusticien de Pise[6]. Daté de 1298, il est écrit en français rapide, dit “franco-italien”. A été édité pour la première fois en 1824[7].
  • Manuscrits Cepoy, dits A, B, C, D[n 2]. — Ensemble de 13 manuscrits complets et concordants issus de Thibaut de Cepoy[n 3]. Ces manuscrits constituent la plus nombreuse collection de manuscrits concordants et, selon Luigi Foscolo Benedetto (it), « la plus belle famille de manuscrits marcopoliens que nous possédions aujourd’hui[8] ». Ils ont été rédigés à partir d'une rédaction corrigée avec l'auteur à partir de 1307. Leur texte est le même que le précédent (sauf 27 derniers chapitres supprimés), mais mis en français correct, et incluant des corrections de fond apportées par M. Polo (dont deux importantes : les premiers mots et, dans les mss. A et C, la suppression du prénom Marco au ch. 145) ; plusieurs de ces manuscrits sont pourvus d'instruments d'authentification (certificat d'origine contenant une dédicace à “puissant seigneur”[n 4], cachets royaux). Ce texte a été édité pour la première fois en 1865[9].
    Ces manuscrits sont classés en quatre catégories selon leur fiabilité : A, B, C et D. La série B a fait l'objet de publications au début du XXIe siècle, par Philippe Ménard et son équipe (ms. B1 de Londres)[10] et par Yves Badel (ms. B4 de Paris)[11].
  • Traductions italiennes. — Ces versions en florentin (dites T, toscan, 5 manuscrits), en vénitien (dites V, 6 manuscrits) et en latin (dites L, P ou Z) sont toutes traduites à partir de la compilation initiale et toutes sont abrégées.
  • Ramusio. — Cette réécriture du Livre en italien standard, deux siècles après la mort de M. Polo, par Giovanni Battista Ramusio, géographe vénitien et ancien secrétaire du Conseil des Dix, comporte des additions (dont deux importantes : l'histoire du meurtre d'Ahmad Fanakati (en) et une description beaucoup plus complète de Hangzhou ; elle retranche aussi le prénom Marco au chapitre sur Xiangyang).
    Ce texte a été imprimé pour la première fois en 1559 à Venise et a été traduit en anglais par William Marsden en 1818. Une importante édition électronique en a été réalisée par les universités de Venise et de Padoue en 2013, qui inclut une comparaison avec le ms. F (BnF n° 1116) et plusieurs anciennes traductions en lombard ou vénitien et en latin[12].

en latin

La traduction en latin par le frère dominicain Francesco Pipino (it) a été faite à partir d'une traduction du français en lombard et a pour titre : Liber Marci Pauli de Veneciis de consuetudinibus et condicionibus orientalium regionum (code : P, écrit après 1310[13]). Ce texte[14] est celui a été le plus recopiée[15] et qui a donc le plus contribué à la permanence de la connaissance du Livre et de son auteur jusqu'au XVIIIe siècle. Il a été la source de Christophe Colomb pour justifier auprès de la reine d'Espagne son projet de voyage maritime vers l'Ouest[16]. Pourtant ce texte de Pipino a cessé d'être référentiel parce qu'il est très abrégé, censuré et chargé de commentaires moralisateurs ou critiques sur « l'aveuglement des païens »[17], commentaires dont le Livre de Marco Polo est dépourvu.

Une autre traduction en latin, dite Codex Z, a acquis une importance à partir de 1928. L. F. Benedetto en avait trouvé une copie à Milan, puis le manuscrit a été découvert en 1932 à la bibliothèque de l'archevêché de Tolède (cote Zelada 49.20). Ce “Codex Z” a été publié en latin dans le 2e volume de l'édition Moule & Pelliot, puis en latin avec traduction en italien par Alvaro Barbieri[18]. Dans son étude de la “tradition manuscrite”, Benedetto affirmait que ce document est essentiel pour « reconstituer » le Livre de Marco Polo, parce qu'il contient des additions qu'on pouvait croire être la source des additions du texte de Ramusio, quoique ce dernier comporte d'importants passages qui ne se trouvent pas dans Z[19],[n 5].

De plus, dans ce Codex Z, les trois premiers quarts du Livre sont extraordinairement abrégés : le Prologue (ch. 1 à 18[n 6]) est réduit à quelques mots, ne dit rien des deux voyages, mais prétend que Marco a vécu en Asie depuis son enfance (“ab infancia sua”) et qu'il serait allé en Chine en partant de Boukhara (ce qui est faux) ; fait disparaître l'histoire de Gengis Khan et des Mongols, leurs conquêtes, leurs coutumes, leur ville (Karakorum), la Sibérie jusqu'à l'océan Arctique ; efface les développement sur le Grand Khan et empereur de Chine Kubilai, sa guerre, son portrait, ses femmes, ses fils, ses villes (dont Pékin), ses fêtes et chasses somptueuses, ses charités, son gouvernement et ses ministères, son papier-monnaie ; oublie la bataille contre les éléphants du roi de Birmanie, la remontée vers Pékin et la descente par le Shandong, ainsi que l'important ch. 138 sur l'empire Song et sa conquête[20] ; quant aux missions des Polo en Chine, il omet l'ambassade au pape des parents et leur rôle dans l'importation des perrières (ch. 7 et 145), omet aussi le succès et la titularisation de Marco (ch. 15-16), mentionne seulement sa mission à Yangzhou (ch. 143).

Les familles de manuscrits

À cause de l'intérêt exceptionnel du Livre de Marco Polo, chacun des manuscrits parvenus jusqu'à nous a donné lieu à un examen philologique minutieux. Il en est résulté une classification en six familles, avec sous-classes. Principalement initié par L. F. Benedetto en 1928, l'effort d'analyse des manuscrits a été poursuivi par de nombreux philologues italiens (dont l'édition digitale Ca'Foscari représente un des achèvements) et aussi français, comme Ph. Ménard – lequel récuse le sigle FG[n 7] et supprime les deux branches primordiales de la classification de Benedetto[n 8].

Six familles de manuscrits sont retenues :

  • La rédaction dite franco-italienne est représentée par un unique manuscrit, le ms. F BnF no 1116 décrit ci-dessus, considéré comme présentant la compilation initiale. S'y ajoute un fragment découvert au XXIe siècle de quatre folios, difficilement lisibles mais qui s'avère proche du précédent[21],[22],[23].
  • La rédaction de Cepoy dite française est représentée par 18 manuscrits dont 13 complets[n 2]. Elle se divise en quatre sous-classes A, B, C, D. Les manuscrits de la série A (A1 et A2 avec B4) ont été édités par Gauillaume Pauthier en 1865. Ceux de la série B ont été édités par Yves Badel (B4) et surtout Ph. Ménard avec son équipe (B1). La série C représente des mss. abrégés.
    La différence entre les sous-classes A et B est objet de débats ; B paraît comporter moins de corrections de fond par l'auteur (ne retranche pas par exemple le prénom Marco au ch. 145 sur la bataille de Xiangyang).
    L. F. Benedetto avait proposé de considérer cette famille comme issue d'un « remaniement » non autorisé dû à un copiste nommé Grégoire[n 7]. Cette hypothèse est vivement combattue[24].
  • La version toscane (traduction de F en dialecte de Florence ou de Pise) conserve une copie TA1, dite "Ottimo" ms. Florence BN n° II IV 88), qui remonte à 1309 au plus tard et qui a servi à Baldelli Boni pour identifier la langue originelle (ms. réédité par Ruggieri[25]). Cette famille toscane comporte quatre mss., dont TA2 actuellement préféré en Italie[26]. Cette famille est celle qui introduit le titre Il Milione[27] apprécié en Italie.
  • La version vénitienne (traduction de F en dialecte de Venise ou d'Émilie ou de Lombardie) est transmise par 6 manuscrits, certains fragmentaires, tous abrégés[28]. Ces documents sont classés en trois sous-classes : VA, VB et V[29]. L'un d'eux, VA3 (Padoue, Bibl. Civica, CM 211), possède le record du nombre de traductions dans d'autres langues ; son ch. 2 suggère que les parents Polo ont été recrutés comme marchands ortogh (en) associés à Berké Khan de la Horde d'Or[30].
  • Deux familles de versions latines sont retenues : les nombreux manuscrits issus de la traduction du franciscain Pipino, et le Codex Z (voir ci-dessus) qui est unique.

La rédaction de Ramusio (R) est de loin la meilleure rédaction italienne, mais elle n'est pas considérée comme une source manuscrite, car imprimée.

Manuscrits les plus importants

Le grand succès de ce Livre depuis sa première compilation en 1298 l'a rendu particulièrement recherché pour orner les bibliothèques des rois et des grands seigneurs. Le roi de France Charles V en avait cinq dans sa bibliothèque et son frère, le duc de Berry en possédait trois[31]. Voici les documents les plus importants pour l'édition contemporaine.

Pour la connaissance de la compilation initiale, un seul manuscrit : F BnF ms. no 1116. Multiples éditions : Société de géographie 1824, Benedetto 1928 (retouché), Ronchi 1982 (retouché), Eusebi-Burgio 2018[n 9], Blanchard, Quereuil et Tanase 2019.

Pour le texte issu de De Cepoy mis en français correct avec corrections de l'auteur : le manuscrit A1 BnF no 5631, est le meilleur[32] mais doit être complété pour ses lacunes avec A2 BnF ms. 2810. Édition de référence : Pauthier 1865 (à corriger avec les remarques de Benedetto 1928, p. LXII et LXIII).
B1 British Lib. ms. 19 DI est le meilleur pour la série B qui, comprenant moins de corrections, est un peu plus proche de F BnF ms. 1116 ; édité par Ménard 2001-2008.
B3 Berne n° 125 et B4 BnF n° 5649 ont le mérite de posséder le certificat d'origine[n 4] et d'utiliser un vocabulaire plus proche du moyen français que de l'ancien français.

Pour les additions ultérieures émanant de M. Polo : Ramusio 1559 ; c'est un imprimé mais il intègre des éléments de mss. dont certains ont disparus. Le codex Z est moins pertinent, car en latin, trop abrégé, et dépourvu des additions de Ramusio dans le chapitre capital sur l'assassinat d'un ministre et sur Hangzhou ; quand à ses additions qui ne se trouvent pas dans Ramusio, elles sont d'importance minime voire douteuses[n 10].

Pour les enluminures, parfois très belles (quoique le pinceau des enlumineurs illustrait ce qu'ils n'avaient jamais vu et avaient peine à imaginer[31]) : les manuscrits français issus de Thibaut de Cepoy sont pratiquement les seuls à avoir des enluminures[33]. Le ms. A2 BnF no 2810 a 83 magnifiques enluminures pour le Livre de Marco Polo[n 11] qui lui font mériter son titre de Livre des merveilles ; c'est l'un des plus beaux livres du Moyen-Âge, réalisé vers 1411 à la demande de Jean sans Peur pour son oncle le duc de Berry.
Le ms. C3 BnF no 5649 possède le plus grand nombre d'enluminures, 197 pour le Livre de Marco Polo, une par chapitre[34].
On cite encore le manuscrit d'Oxford B2 Bodleian no 264 qui a 38 peintures intéressantes[35], et celui de Londres, B1, Brit Lib no 19 DI, orné de 36 peintures gothiques[36].
À New York, le manuscrit A4, Morgan ms. 723, est orné de 34 petits dessins, assez décevants[37].

Manuscrits visibles sur l'internet

Titres du Livre

Le Livre de Marco Polo porte différents titres, repris des premiers mots (incipit) des différents manuscrits[n 12].

  • Le Devisement du monde est le titre des mss. F et A1. – Ce titre a le défaut d'utiliser un mot devenu obscur (devisement[n 13]), et d'être formellement inexact : le sujet du Livre n'est pas ‘le monde’ mais le monde de Kubilai, depuis la Corée jusqu'à l'actuelle Turquie.
  • Le Livre de Marco Polo est le titre des mss. A2, A4 et D (titre retenu par les deux plus grands commentateurs du livre, Guillaume Pauthier et le colonel Yule).
  • Le Livre du Grand Khan est celui des mss. B.
  • Le Livre des Merveilles est tiré d'un complément des incipits des mss. A2, A4 et B. – Ce titre a le défaut d'utiliser le mot 'merveille' qui est ambigu[n 14], mais il est fréquent en français.
  • Les Voyages de Marco Polo est le titre de l'édition de Ramusio (1559), adopté ensuite par la plupart des traductions anglaises depuis Frampton (1579)[38], ainsi que par l'édition de la Société de géographie. – Ce titre a le défaut de donner l'impression que Marco Polo est un 'voyageur' alors qu'il est un officiel en mission.
  • Il Milione est le titre courant en Italie. – En fait, Milione était le surnom de l'auteur et non de son Livre[27].

Des divers titres trouvés dans les incipits des manuscrits, à vrai dire seuls conviennent : Le Livre de Marco Polo, ou Le Livre du Grand Khan parce que Kubilai est le sujet central du Livre.

Langue de la rédaction initiale

Le Livre a d'abord été rédigé en prison à Gênes en 1298 par Marco Polo avec Rustichello de Pise, un Italien écrivant en français[39], célèbre pour sa compilation vers 1271 des romans de la Table ronde. Cette première rédaction a peu circulé, mais elle a rapidement été traduite en florentin ou toscan, en vénitien ou lombard, et en latin.

Rustichello de Pise a donné une compilation initiale dont le français est très fautif quant à l'orthographe et à la syntaxe. Son texte comporte des italianismes[40] mais il dit explicitement être en français[39]. Ce que Jean le Long d'Ypres confirme en 1350 : « ce livre a été écrit en français (librum in vulgari gallico composuit) », et que Jean Lebeuf répète en 1741 : « Un nommé Marc, qui avait été envoyé en Tartarie et aux Indes, fit en français un livre des merveilles de ce pays-là ».

La preuve que la langue initiale était le français a été apportée en 1827 par le comte Baldelli Boni[41], lorsqu'il étudiait les plus anciens manuscrits en dialectes italiens[42],[43]. Les nombreux gallicismes trouvés dans ces textes italiens le prouvaient : « ce document est traduit du français (la presente opera è versione dal francese)[44] ».

Les erreurs de syntaxe et orthographe de la compilation initiale ont été corrigées à partir de 1307, donnant naissance à la rédaction corrigée dédiée à Charles de Valois[n 4], dont la langue est intermédiaire entre l'ancien français et le moyen français[45] (et pour le ms. B1 « avec, ici et là, une coloration dialectale picarde, surtout sensible dans les faits de graphie et de phonétique[46] »). Le texte de cette rédaction corrigée à été remis par M. Polo à Thibaut de Cepoy qui était en Italie entre 1306 et 1308[47] — avant de partir sur des bateaux vénitiens pour tenter de reconquérir l'empire de Constantinople, officiellement pour le compte de Charles de Valois, en fait financé principalement par le gouvernement de Paris et partiellement par l'évêché de Chartres[47].

L'exemple des poules noires du chapitre 154 montre comment la langue de la compilation initiale se calque sur l'italien, et comment la correction subséquente en fait du français correct :

compilation initiale, ms. F : galine qe ne ont pennes mes ont peaus come gate et sont toute noire ;
première traduction italienne[48] : galline che non hanno penne, ma peli come gatte, e tutte nere ;
rédaction corrigée, ms. A1 : gelines qui n'ont nulles plumes mais ont poil et si sont toutes noires.

Le « franco-italien »

Quoique tous les auteurs étaient convenus que la rédaction initiale avait été faite en français[42], un professeur de Bologne a introduit en 1866 la locution « franco-italien » pour caractériser le texte de la compilation initiale[49], et cette expression « franco-italien » est couramment employée depuis l'édition de L. F. Benedetto en 1928[50]. Cette formulation, excellente pour rappeler que l'œuvre est italienne, est cependant mal adaptée, car le texte n'est pas écrit en italien avec des tournures françaises, mais au contraire en français avec des tournures italiennes ; il aurait fallu plutôt dire ‘italo-français’.

Alvise Andreose a étudié le ms. F BnF no 1116 pour y rechercher les expressions et graphies pouvant être caractérisées comme italiennes (vénitiennes ou lombardes, florentines ou pisanes). Il conclut que « En tout cas, ce qu'on peut dire avec certitude est que la qualification ‘franco-italien’ apparaît inappropriée[51] ». Simon Gaunt en 2013 paraît du même avis[52]. — L. F. Benedetto lui-même reconnaissait qu'il est impossible de confondre le texte de la compilation initiale avec les autres produits de la littérature italienne écrits en français à la même époque, parce que le ms. F, en dépit de ses « traces d'italianité » démontre une connaissance considérable de la langue française[53].

Au début du XXIe siècle une école a tenté d'introduire l'idée que la compilation initiale avait été écrite, non en « franco-italien » mais « en franco-vénitien »[54]. Il est pourtant établi que dans la compilation initiale représenté par le ms. F BnF no 1116, les formes vénitiennes ou d'Italie du Nord sont moins fréquentes que les formes toscanes de Florence ou de Pise[55]. En outre Chiara Concina, qui dans une première étude avait adopté l'expression “franco-vénitien” pour caractériser la langue de deux folios d'un fragment (dit f) de la compilation initiale, a par la suite cosigné avec Alvise Andreose un article qui conclut au contraire que ce fragment révèle une base grafico-linguistique essentiellement toscane, sur laquelle ne se greffe que quelques éléments d'Italie du Nord[56]. Ce que confirme Ph. Ménard[57].

La genèse du Livre

Deux théories sont en concurrence pour expliquer les modalités des premières rédactions du Livre de Marco Polo.

La première théorie a été exposée par Paulin Paris en 1850 dans un célèbre discours devant les cinq chambres réunies de l'Institut de France[58]. C'est la théorie du work in progress. Elle repose sur l'avant-propos du ms. F Bnf no 1116, et sur le certificat d'origine[n 4] attaché aux mss. B3, B4, B5 de la rédaction corrigée. Elle considère qu'il y eut une compilation en français rapide faite dans la prison de Gênes en 1298, suivie d'une mise en bon français effectuée par des mains françaises, qui ont intégré des corrections de fond apportées par l'auteur à partir de 1307[59]. Les différences entre les sous-classes A et B des manuscrits de cette famille suggèrent qu'il y eut au moins deux sessions de corrections à partir de 1307. En tout cas, ces corrections n'ont pas pu être effectuées loin de l'auteur, car beaucoup comportent des précisions que lui seul pouvait connaître. La conception work in progress était déjà celle de Julius Klaproth en 1833 : « Un examen, même léger, des manuscrits et des éditions imprimées de la relation de Marco Polo, démontre qu'il existe diverses rédactions de l'ouvrage de ce voyageur célèbre, rédactions qui paraissent avoir été faites ou dictées à différentes époques de sa vie[60] ».

La seconde théorie est due à L. F. Benedetto en 1928. Elle est exposée en italien dans la première partie de son édition du ms. F BnF n° 1116, et dans l'introduction par Denison Ross de son édition anglaise. Dans cette théorie, il y aurait eu un manuscrit premier, dit l'original perdu, réputé complet, qui aurait contenu tous les récits, même ceux qui n'apparaîtront qu'au XVe siècle. Car de cet original perdu auraient découlé deux manuscrits différents, également perdus, d'où proviendraient d'une part les mss. ressemblant au ms. F BnF n° 1116, et d'autre part les mss. comportant des innovations apparentées à la rédaction de Ramusio publiées en 1559[n 8]. Cette théorie a été acceptée par beaucoup de commentateurs depuis 1928, quoiqu'elle postule des sources inexistantes dont on tire argument.

Du point de vue de la théorie de l'original perdu, le ms. F Bnf no 1116 est réputé meilleur, car “plus proche” de l'original perdu. Au contraire, du point de vue de la théorie work in progress, la rédaction issue de Thibault de Cepoy est réputée meilleure, car intégrant des corrections d'auteur, et qu'étant dédiée à un prince de France, elle bénéficie d'une authentification. De même la rédaction de Ramusio par rapport aux traductions initiales en dialectes italiens et en latin, parce qu'elle contient des informations ajoutées après 1307 par Marco Polo.

En 2019, une découverte donne un nouvel essor à la conception work in progress. Elle suggère que M. Polo a travaillé avec des dominicains de Venise pour étoffer la traduction succincte en latin de Pipino ; de là viendrait la source des additions trouvées dans Ramusio ; le codex Z en serait un produit[61] ; il y aurait eu tentative de révision en langue latine sous les auspices des dominicains faisant pendant à la révision en langue française sous les auspices des Cepoy.

Réception au moyen-âge

La compilation initiale a été fréquemment traduite et recopiée, Ramusio dit qu'en peu de mois toute l'Italie en fut pleine[62], et ce succès a été durable. Encore en 1430, un voyageur raconte que la ville de Venise en avait installé un exemplaire attaché par une chaîne dans un lieu public pour que chacun puisse le lire[63].

Mais beaucoup de commentateurs ont affirmé que M. Polo n'avait pas été cru de son vivant. C. Dutschke et C. Gadrat ont étudié la réception du livre aux XIVe et XVe siècle et démentent cette supposée incrédulité de ses contemporains. Dutschke donne de nombreuses citations positives[64] et Gadrat a cette conclusion : « Loin d'avoir été rejeté ou d'avoir suscité la méfiance, le récit de Marco Polo a au contraire été considéré non seulement comme fiable, mais encore comme une source remarquablement riche d'informations. Il acquiert même rapidement, aux yeux de nombreux auteurs, un statut d'autorité »[65].

En 1375, l'Atlas catalan inclut une carte de la Chine avec une trentaine de toponymes du Livre de Marco Polo. En 1450, le cartographe Fra Mauro inclut tous ses toponymes dans sa carte du monde, qui servira de référence durant trois siècles. Au XIVe siècle, le Livre ouvre la voie à des marchands voyageurs, comme Pegolotti dont le livre dit La mercatura consigne les règles du commerce en Asie (et dont le titre semble emprunté à celui de M. Polo : Libro di divisamenti di paesi), Andalò da Savignone qui effectue plusieurs voyages en Asie (dont une ambassade d'un Grand Khan vers le pape en 1336 comme les frères Polo en 1266)[66], Galeotto Adorno[67], Gabriele Basso[68] et d'autres ; aux XVe et XVIe siècles : Vasco de Gama et Christophe Colomb[16].

Des contemporains de M. Polo louent sa véracité. Ainsi le frère Pipino, autorisé par sa hiérarchie, se porte garant de la vérité du Livre dans sa préface : « que tous ceux qui le liront sachent que le susdit messire Marco, le narrateur de ces choses extraordinaires, est un homme prudent, fidèle et pieux, et que sa relation est digne de confiance. Son père, messire Nicolo, homme prudent, raconte toutes ces choses de la même manière. Son oncle messire Matteo ... à l'article de la mort confirma fermement à son confesseur que le livre contient la vérité partout[69] ».

Pietro d'Abano, l'un des plus grands esprits de son temps, a laissé ce fort compliment : « Marc le Vénitien est de tous ceux que j'ai connus, celui qui a le plus parcouru le globe et a été l'observateur le plus attentif[70] ». Peu de temps après, le premier légat du pape envoyé à Pékin en 1343, Jean de Marignolli est catégorique en parlant de M. Polo et d'Odoric : « Ces auteurs ne mentent pas ».

Contenu du Livre

Récit de Marco Polo sur le pétrole et l'amiante :

Pétrole (huile) : « Et en cette fin vers Géorgie, sachez qu'il y a une source qui sourde huile en moult grande quantité ; si que bien 100 navires y pourraient bien charger à la fois. Mais elle n'est pas bonne à manger, mais elle est bonne à brûler et à enduire les chameaux contre la gale. Et y viennent gens de moult loin pour cette huile. Car en toute la contrée ou environ ne brûlent autre huile[71]. »

Amiante (salamandre) : « Et sachez bien qu'en cette dite montagne se trouve une veine de laquelle se fait la salamandre. Car sachez de vrai que salamandre n'est pas une bête si comme on dit en nos pays mais est d'une veine de terre, et entendrez comment ... l'on fait creuser en cette montagne, et on trouve une veine (de terre); et se prend cette veine et s'amenuise, et l'on trouve dedans comme fils de laine, et puis on les met sécher. Et quand elle est sèche si se réduit dans de grands {mortiers} de fer , puis la font laver et toute la terre s'en va et demeure si comme fils qui semblent de laine; et on les fait filer, et on en fait toiles. Et quand elles sont faites si ne sont pas bien blanches, mais ils les mettent dedans le feu. Et quand une en est retirée si est blanche comme neige, et chaque fois qu'elle devient sale on la met dedans le feu, si devient blanche. Ainsi est la vérité de la salamandre non autrement : car qui le dirait autrement ce serait bourde et fable[72]. »

Le livre comporte un prologue et quatre parties, avec un nombre de chapitres variable selon les chapitres, entre 192 et 232[n 15].

  • Le Prologue raconte en dix-huit courts chapitres le premier voyage de Nicolo et Matteo Polo, les père et oncle de Marco, entre 1255 et 1269, puis leur second voyage avec Marco de 1271 à 1295 avec leur retour à Venise : c'est la partie de l'œuvre la plus personnelle, qui valorise les parents Polo comme ambassadeurs du Grand Khan auprès du Pape[73] et Marco comme « messager » de l'empereur.
  • La Première partie décrit le second voyage depuis le port d'Ayas en Petite Arménie jusqu'à Shangdu, qui était la capitale d'été du Grand Khan où Marco Polo lui est présenté. Elle commence par la traversée de l'Anatolie vers l'Iran et évoque les pays avoisinants : Arménie, Géorgie, Mossoul où se produisait la mousseline, Bagdad et le califat détruit par les Mongols, jusqu'à Tabriz avec ses populations mélangées, ses soieries, son orfèvrerie (ch. 19 à 29[n 6]). Ensuite, l'Iran : Saveh d'où sont venus les Rois mages, Yazd, Kerman, Ormuz (qui était alors sur le continent), l'est de l'Iran où est racontée l'histoire des Ismaéliens assassins (ch. 30 à 42). Puis la traversée de l'Afghanistan avec excursion au Kafiristan avec ses irréductibles buveurs de vin et au Cachemire, le Pamir qui est le toit du monde, et l'entrée dans le Sinkiang (ch. 43 à 50). Excursion à Samarcande avec le miracle du pilier hors sol, puis on s'avance vers la Chine en par les oasis au sud du désert du Taklamakan avec ses sables mouvants, et le désert de Gobi jusqu'à Dunhuang avec ses grand Bouddha (ch. 52 à 57), d'où le récit évoque le nord des pays Ouïgour puis Karakorum, avec l'histoire des Mongols, leurs mœurs de guerriers nomades et la redoutable ascension de Gengis Khan (ch. 58 à 73). Enfin, Mongolie Intérieure et arrivée à Shangdu en 1274 après trois ans de voyage (ch. 74).
  • La Deuxième partie est d'abord consacrée à Kubilai Khan : comment il a pris et affermi son pouvoir (ch. 75 à 80), ses quatre femmes et ses favorites (ch. 81), ses fils (ch. 82), ses palais (ch. 83-84), sa salle à manger et ses gardes (ch. 85), ses fêtes et la couleur des vêtements (ch. 86), les cadeaux qu'on lui fait (ch. 87), les grandes expéditions de chasse qu'il organise (ch. 88-92), la ville de Cambaluc (Pékin) (ch. 94), l'instauration du papier-monnaie comme seule monnaie légale (ch. 95), l'administration du pays (ch. 96), les relais de poste (ch. 97), les dégrèvements d'impôts en cas de calamité naturelle (ch. 98), le réseau de routes bordées d'arbres (ch. 99) (toutes choses encore dans l'enfance en Europe[2]), le vin de riz (ch. 100), l'usage du charbon « pierre noire qui maintient mieux le feu que ne fait la buche » (ch. 101), le développement de l'agriculture et la pratique du stockage des céréales dans d'immenses silos pour réguler les cours et prévenir les disettes (ch. 102), le système d'aide aux démunis (ch. 103).
    Les chapitres suivants présentent deux itinéraires en Chine, l'un vers le sud-ouest de Pékin, l'autre vers le sud-est, que Marco Polo a parcourus lors de ses missions comme « messager » de l'empereur de Chine[74]. Le premier décrit la route de Pékin vers le Yunnan en passant par le Sichuan, l'est du Tibet, suivi d'un survol de la Birmanie, du nord de la Thaïlande et du Tonkin (ch. 104-129). Le second itinéraire va de Pékin vers la Chine du Sud conquise à l'empire Song, longe le Grand Canal, décrit Hangzhou, qui était la plus grande ville du monde (ch. 151), puis analyse les immenses recettes fiscales de Kubilai Khan qui étaient la base de sa puissance (ch. 152), pour atteindre Quanzhou, qui était le plus grand port du monde (ch. 156).
  • La Troisième partie, qui s'intitule le Livre d'Inde, décrit la mer de Chine et l'océan Indien : du Japon gorgé d'or aux anthropophages de Sumatra (ch. 157-165) ; puis Sri Lanka et l'Inde (ch. 166-182) ; enfin l'ouest de l'océan Indien : Socotra, Madagascar, Zanzibar et le continent africain, l'Éthiopie, pour finir par Aden jusqu'à Ormuz (ch. 183-192). Le récit comporte, avec de belles histoires, beaucoup d'informations vérifiées exactes, qui témoignent d'une expérience réelle, notamment lors de l'escale de cinq mois à Sumatra en raison de la mousson d'hiver. Marco décrit les jonques chinoises, les hauts fonds du détroit de Johor, l'arbre à vin de Sumatra, la disparition de l'étoile Polaire sous l'équateur. Il décrit le bois de brésil qu'il a tenté d'introduire en Europe mais sans succès[75], les rubis de Ceylan et les diamants de Golconde, le poivre, l'indigo, le gingembre, les cuirs rouges du Gujarat, les moutons dépourvus de pavillon d'oreilles à Ash Shihr. Il s'intéresse aux croyances religieuses, à l'aspect des brahmanes et à la nudité des ascètes[76]. Dans l'ouest de l'océan Indien (où il n'est pas allé), le récit rapporte des traditions orales : les deux îles « Masle et Femelle » habitées par des hommes et des femmes qui ne se rencontrent qu'au printemps (ch. 183), l'oiseau rokh capable de soulever des éléphants (ch. 183), la guerre des chrétiens d'Éthiopie contre les musulmans de la Côte (ch. 187), etc.
  • Une Quatrième partie, souvent absente des manuscrits, contient des fragments historiques, au long de 34 chapitres dans la compilation initiale (8 ch. seulement dans les ms. A ; 2 ch. seulement dans les mss. B). Elle raconte la « Province d'obscurité » russe, et surtout les guerres fratricides entre Mongols qui font comprendre la cause de leur dislocation. La plupart des faits rapportés sont historiques : les expéditions répétées de Qaidu contre les troupes du Grand Khan en Asie centrale et en Mongolie, les combats de la Horde d'Or contre l'Ilkhanat de Perse, le combat d'Arghoun contre son oncle Ahmad Teküder pour le pouvoir en Iran, et (ce dernier probablement raconté à Marco Polo après sa captivité à Gênes[77][78]), la bataille en 1297 d'un puissant général, Nogaï, contre Toqtaï, le khan de la Horde d’Or.

Chapitres saillants

La caravane de Marco Polo voyageant vers les Indes (miniature d'Abraham Cresques dans l'Atlas catalan).
Miniature illustrant « l'arbre à vin » (ch. 165) « Ils ont une manière d'arbre et quand ils veulent du vin, si en taillent une branche [et ce vin] est moult bon à boire ».

Le Livre se présente comme un recueil de « merveilles » (au sens ancien : étonnant, surprenant, voire effrayant) et de belles histoires. Mais sa trame est une base continue d'informations précises, plus nombreuses, exactes et puissantes que la légèreté des récits et la simplicité de la langue ne laissent supposer. Dont :

  • Chapitres 97 et 99[n 6] sur les relais impériaux, leur luxe, leurs nombreux chevaux, et la rapidité des courriers impériaux (lors de ses missions, M. Polo les a souvent utilisés).
  • Chapitre 145 sur la bataille de Xiangyang, qui révèle l'implication des parents Polo dans un transfert de technologie militaire : l'introduction de grandes perrières qui furent décisives pour la conquête par les Mongols du très riche empire des Song. L'affaire est contestée (voir ci-dessus), mais sa véracité justifie que Kubilai ait favorisé les Polo et contribué à la promotion de leur fils Marco.
  • Chapitre 151 sur la ville qui était à l'époque la plus grande ville du monde, Hangzhou, décrite à partir d'une lettre de l'impératrice Song comme le joyau de cette dynastie et un apogée de la civilité humaine (un sommet de l'art de M. Polo aussi, surtout dans la rédaction de Ramusio qui est deux fois plus étendue).
  • Chapitre 152 sur l'évaluation des recettes fiscales de la province de Hangzhou, avec le chiffre le plus astronomique du livre : pour le seul impôt sur le sel dans une seule province et annuellement, l'équivalent de 8 000 000 taels-argent ou 300 tonnes métriques d'argent, soit environ douze fois le budget du royaume de France[79] (mais payé en papier-monnaie) ; montant incroyable, mais qui a pu être vérifié grâce à une statistique des annales chinoises, et prouve que M. Polo n'affabule pas[80].
  • Chapitres décrivant l'économie : intervention sur le marché des grains (ch. 102) et fonds sociaux (ch. 98 et 103) ; appareil de production proche de l'industrie à Hangzhou (ch. 151) ; introduction du papier-monnaie obligatoire sous peine de mort (ch. 95), que M. Polo décrit comme un détournement de l'économie au profit de l'État : grâce à ce papier d'écorce « qui rien ne lui coûte … l'empereur achète tant chaque année que c'est sans fin son trésor … il a de cette façon tout le trésor de ses terres … la manière et la raison pourquoi il doit avoir et a plus de trésor que tous ceux du monde » ; bateaux et commerce naval (ch. 156, 157, 177).
  • Chapitre posthume racontant l'histoire de l'assassinat d'un puissant ministre des finances en 1282 (ch. II.8 de Ramusio), qui prouve que Marco Polo eut connaissance de nombreux détails tenus secrets d'un des évènements les plus graves du règne de Kubilai.
  • Tyrannie enfin : massacre de dizaines de milliers de personnes à l'enterrement de chaque Grand Khan avant Kubilai (ch. 68)[81] ; répressions terribles (ch. 133 et 149) ; appareil militaro-policier omniprésent dans les villes, couvre-feu permanent à Pékin (ch. 84, 85), soldats sur chacun des innombrables ponts de Hangzhou (ch. 151).

Exagérations dans les récits ?

De nombreux chercheurs ont depuis le XVIIe siècle confirmé un nombre incommensurable d'informations contenues dans le Livre de Marco Polo. Mais trois chapitres cristallisent un soupçon d'exagération :

Le chapitre 143[n 6] sur Yangzhou, où il est reproché à M. Polo d'avoir prétendu y avoir été gouverneur, alors qu'aucun document chinois ne l'atteste.
Le chapitre 145 sur la bataille de Xiangyang, où il est reproché à Marco Polo de s'y être mis en scène.
Et le chapitre 152 sur l'impôt prélevé à Hangzhou, où l'évaluation de la recette pour le sel paraît exorbitante.

Quant au premier, le texte ne dit pas qu'il ait été “gouverneur” de Yangzhou, mais qu'il y « eut seigneurie durant trois ans par le commandement du Grand Khan », ce qui n'est pas incompatible avec son emploi de « messager » ou émissaire impérial, qui transmet des ordres et fait rapport sur leur mise en œuvre, sans se mêler de l'exécution laissée à l'administration locale, laquelle doit impérativement obéir aux ordres de l'empereur transmis par son messager[n 16].

Quant au second, les meilleures rédactions (A, C et Ramusio) ont supprimé la mention “et messire Marc” ajoutée fautivement par un copiste, le récit ne concernant que le père et l'oncle de Marco durant leur premier voyage ; dès lors le récit devient crédible, puisqu'il n'est dit que ceci : qu'il « proposèrent » et « firent faire » des perrières, tandis que ces armes étaient très connues à l'arsenal de Venise, dont elles étaient une spécialité.

Quant au troisième, Guillaume Pauthier[82] et Hans Ulrich Vogel[83] ont démontré que la somme énoncée par M. Polo, quoique énorme, est compatible avec une statistique chinoise qui a été retrouvée. À cause du caractère mathématique de ces démonstrations, Pauthier dit qu'« aucune preuve plus frappante de la véracité scrupuleuse de Marc Pol ne pouvait être fournie[84] ».

Explorateur ?

Marco Polo est souvent représenté comme un ‘voyageur’ et un ‘explorateur’. Cependant son Livre nous le montre parcourant beaucoup de « journées » de cheval, mais à titre officiel : attaché d'ambassade à l'aller, messager de l'empereur en Chine, et chargé de messagerie au retour[85]. Il n'était pas un ‘voyageur’ qui voyage pour son agrément.

D'autre part, le Livre suit des itinéraires qui ne correspondent pas exactement à ses ‘voyages’, les itinéraires sont reconstruits. Aux chemins effectivement parcourus se greffent des pays adjacents, qu'il ne prétend pas avoir visités, mais qui appartenaient à l'empire mongol (ch. 21-28[n 6]: Bakou, Géorgie, Irak ; ch. 51: Samarcande ; ch. 58-70: nord du Tangout : Mongolie, Sibérie), ou qui lui étaient plus ou moins inféodés (ch. 120-127: Birmanie, nord de la Thaïlande et du Vietnam), ou avec lesquels la Chine entretenait des relations soit commerciales, soit en vue de leur soumission (ch. 47-48: Cachemire ; ch. 158, 162: Japon, Java ; ch. 183-190: Ouest de l'océan Indien). Car le sujet du Livre n'est pas le ‘voyageur’ Marco Polo mais l'empire de son maître, l'empereur mongol de Chine, Kubilai Khan.

Quant à ‘explorateur’, ce ne saurait être au sens du XIXe siècle. M. Polo ne découvre pas des pays inconnus, mais son Livre révèle à l'Europe des mœurs, des histoires, des pays connus des Chinois. Cependant lui-même s'avère être un vrai chercheur et un bon observateur, peut-être par goût personnel, en tout cas pour satisfaire son employeur, le Grand Khan, qui désirait connaître comment vivaient ses peuples. Le Livre le dit explicitement : Marco Polo « toujours allant et venant de çà et de là en messagerie par diverses contrées, là où le seigneur l'envoyait ... peinait moult pour savoir et pour entendre toute chose qu'il croyait plaire au Grand Kaan ... il mettait beaucoup d'attention à savoir et à espier et à s'enquérir de tout pour le raconter au grand seigneur[86] ».

Il ne faisait pas qu'observer par lui-même : il questionnait les fonctionnaires locaux et il prit vraisemblablement beaucoup d'informations dans des livres et documents chinois[87].

Bibliographie

Principales éditions du Livre

« Ceci est le célèbre chevalier, Marco Polo de Venise, le plus grand des voyageurs nous décrit les grandes merveilles du monde qu'il a vues de ses yeux. Du levant au couchant, on n'entendra plus jamais rien de semblable[n 17] » (frontispice de la 1e édition allemande, Nuremberg 1477).
  • 2018 : J. Blanchard, M. Querueil, Th. Tanase, Marco Polo : Le Devisement du monde, Genève, Droz, (présentation en ligne)
    Édition du manuscrit F BnF ms. fr. 1116, avec une transcription en français moderne.
    .
  • 2018 : Mario Eusebi et Eugenio Burgio, Marco Polo, Le Devisement dou Monde, Venise, Université Ca'Foscari, (lire en ligne)
    Édition du manuscrit F BnF ms. fr. 1116, comportant un tome 2 avec un important glossaire[88].
    .
  • 2015 (it) : Ca' Foscari, Édition critique digitale des universités de Venise et Bologne, Venise, Université Ca' Foscari, (lire en ligne)
    Édition du texte de Ramusio comparé à 7 autres rédactions : F, L, P, V, VA, VB et Z. Par Alvise Andreose, Alvaro Barbieri, Eugenio Burgo, Marina Buzzoni, Antonella Ghersetti, Giuseppe Mascherpa, Fabio Romanini et Samuela Simion.
    .
  • 2004 : René Kappler, Marco Polo, Le Devisement du Monde, Paris, Imprimerie nationale,
    Transcription en langue moderne du manuscrit F BnF ms. fr. 1116, ajoutant en italique les compléments fournis par le manuscrit Z. Édition de luxe comportant de nombreuses photographies en pleine page de Roland et Sabrina Michaud.
    .
  • 2001-2008 : Philippe Ménard et al., Marco Polo, Le Devisement du Monde, Genève, Droz, 6 volumes, 2001-2008 (présentation en ligne)
    Édition critique du manuscrit B1 British Lib. ms. 19 DI, avec une étude le comparant aux autres manuscrits et en annexe une liste des variantes. Avec la collaboration de t. 1 : Marie-Luce Chênerie, Michèle Guéret-Laferté ; t.2 : Jeanne-Marie Boivin, Laurence Harf-Lancner, Laurence Mathey-Maille , t. 3 : Jean-Claude Faucon, Danielle Quéruel, Monique Santucci ; t. 4 : Joël Blanchard, Michel Quereuil ; t. 5 : Jean-Claude Delclos, Claude Roussel ; t. 6 : Dominique Boutet, Thierry Delcourt, Daniel James-Raoul.
    .
  • 1998 : Pierre-Yves Badel, Marco Polo, La Description du Monde : Édition, traduction et présentation, Le livre de Poche, coll. « Lettres gothiques »,
    Édition du manuscrit B4 Bnf n° 5649.
    .
  • 1938 (en) : Arthur Christopher Moule et Paul Pelliot, Marco Polo : The Description of the world, Londres, Routledge, (lire en ligne)
    Traduction en anglais du manuscrit F BnF ms. 1116, intégrant une multitudes de variantes[89] prises dans d'autres rédactions (A1, B4, TA1, TA3, LT, VA3, P, VG3, Z, L1, V1, VB2, I, VL, S et R ; mss. décrits p. 509). Ne mentionne pas la variante de A, C et R supprimant le prénom Marco au chapitre sur Xiangyang. Utilise de façon critiquable le codex Z[90].
    .
  • 1931 (en) : Luigi Foscolo Benedetto (trad. Aldo Ricci), The Travels of Marco Polo, (présentation en ligne)
    Traduction en anglais de la traduction arrangée de Benedetto en italien[91] de son édition de 1928. Introduction par Edward Denison Ross expliquant la théorie de l'original perdu de Benedetto d'où découleraient toutes les rédactions, y compris les plus tardives.
    .
  • 1928 (it) : Luigi Foscolo Benedetto, Il Milione, Florence, Olschki,
    Édition du manuscrit F BnF ms. 1116, souvent corrigé[92], précédé d'une étude sur la « tradition manuscrite » analysant et classant les principaux manuscrits disponibles en Europe à son époque[93].
    .
  • 1871-1903 (en) : Henry Yule, The Book of Ser Marco Polo, Londres, John Murray, 1871, 1875, 1903, 2 volumes (lire en ligne)
    Traduction en anglais suivant principalement l'édition de Pauthier, aménagée avec celle de la Société de géographie, et des ajout de Ramusio, avec de nombreuses notes savantes. La troisième édition de 1903 comporte une actualisation et des commentaires par Henri Cordier.
    .
  • 1865 : Guillaume Pauthier, Le livre de Marco Polo, citoyen de Venise, conseiller privé et commissaire impérial de Khoubilaï-Khaân, rédigé en français sous sa dictée en 1298 par Rusticien de Pise, Paris, Firmin Didot, 1865 (slatkine reprints, genève, 1978), 2 volumes (en ligne: vol. 1, vol 2.
    Édition des mss. A1 BnF n° 5631, et A2 BnF n° 2810, et dans une moindre mesure B4 BnF n° 5649, avec de nombreuses notes savantes. Ajoute les chapitres historiques de l'édition de la Société de géographie qui sont absents des mss. A, B, C, D.
    .
  • 1827 (it) : Giovanni Battista Baldelli Boni, Il Milione di Marco Polo : Testo di lingua del secolo decimoterzo ora per la prima volta Batista Baldelli, Florence, Pagani, (lire en ligne)
    Édition historique du manuscrit TA1 "Ottimo" antérieur à 1310, qui permit d'établir que le Livre a été écrit initialement en français. (Édition plus récente de TA1 par Ruggero M. Ruggieri, Il Milione, Florence, Olschki, 1986.)
    .
  • 1824 : Roux de Rochelle et Dominique Martin Méon, Voyages de Marco Polo, t. 1 de Recueil de voyages et de mémoires, Paris, d'Éverat, (lire en ligne)
    Édition par la Société de géographie du ms F BnF n° 1116. A été la première édition d'un manuscrit du Livre de Marco Polo.
    .
  • 1818 (en) : William Marsden, The Travels of Marco Polo The Venitian, Londres, (lire en ligne)
    Traduction en anglais du texte de Ramusio avec de nombreuses notes savantes. Première édition scientifique du Livre de Marco Polo.
    .
  • 1559 Giovanni Battista Ramusio, De i viaggi di messer Marco Polo gentil'huomo venetiano, Venise, Second volume des Navigationi et viaggi, (lire en ligne)
    Réécriture du Livre en italien du XVIe siècle, vraisemblablement à partir d'une copie du latin de Pipino, mais complété d'autres sources. Abrégé par rapport au ms. F Bnf n° 1116, mais comprenant de nombreuses additions (notamment l'histoire de la tentative de coup d'État de 1284, et un chapitre sur Hangzhou deux fois plus long).
    .
  • 1556 Marc Paule gentilhomme Venetien, La description géographique des provinces & villes plus fameuses de l’Inde Orientale, meurs, loix, coustumes des habitans d’icelles, mesmement de ce qui est soubz la domination du grand Cham Empereur des Tartares : Nouvellement reduict en vulgaire François, Paris, Groulleau,
    Cette édition, disponible dans Wikisource, ne comporte que les 50 premiers chapitres. Elle est traduite du latin, sans doute depuis la version de Pipino, qui présente des « abrègements notables[17] ».

Ouvrages

  • Anonyme, Encyclopédie des gens du monde. Tome XVII, (lire en ligne).
  • Pierre Racine, Marco Polo et ses voyages, Perrin, (ISBN 9782262031329)
  • Giovanni Battista Ramusio, Secondo Volume delle Navigationi et viaggi, Venise, (lire en ligne)
  • (en) Simon Gaunt, Marco Polo’s Le Devisement du Monde : Narrative Voice, Language and Diversity, Cambridge, Brewer, (présentation en ligne)
  • (en) Hans Ulrich Vogel, Marco Polo Was in China: New Evidence from Currencies, Salts and Revenues, Leiden; Boston, Brill, (lire en ligne)
  • (es) Michael Yamashita, La ruta de Marco Polo : Viaje de Venecia a Pekìn, Barcelone, Art Blume,

Articles cités

  • Christine Gadrat, « Le Livre de Marco Polo et les géographes de l’Europe du nord au xve siècle », dans Henri Bresc et Emmanuelle Tixier du Mesnil, Géographes et voyageurs au Moyen Âge, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, (ISBN 9782840160663, lire en ligne), p. 147-162.
  • Christine Gadrat, « Le rôle de Venise dans la diffusion du livre de Marco Polo (XIVe -début XVe siècle », Médiévales, no 58, (lire en ligne).
  • Julius Klaproth, « Observations ajoutées (à la première notice de Paulin Paris sur la relation originale de Marc Pol) », dans Nouveau journal asiatique: ou recueil de mémoires, d'extraits et de notices relatifs aux études orientales, Volume 12, (lire en ligne), p. 252-254.
  • Jean-François Kosta-Théfaine, « Du récit de voyage et de sa mise en image : l'exemple du manuscrit de New York (Pierpont Morgan Library, M.723) du Devisement du Monde de Marco Polo », dans Jean-Loup Korzilius, Art et littérature: le voyage entre texte et image, Rodopi, (lire en ligne), p. 31-59.
  • Robert Lopez, « Nouveaux documents sur les marchands italiens en Chine à l'époque mongole », Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 121, no 2, , p. 445-458
  • Philippe Ménard, « Le prétendu “remaniement” du Devisement du monde de Marco Polo attribué à Grégoire », Medioevo romanzo, no 22, .
  • Philippe Ménard, « L'édition du Devisement du Monde de Marco Polo », Comptes rendus des séances de l'Académie des inscriptions et Belles-Lettres, nos 149-1, , p. 407-435.
  • Philippe Ménard, « Marco Polo à la découverte de l’Extrême-Orient », Académie Stanislas, Nancy, , p. 22-47 (lire en ligne [PDF]).
  • Paulin Paris, « Nouvelles recherches sur les premières rédactions du Voyage de Marco Polo », Nouvelles Annales des Voyages et des sciences géographiques, vol. 4, 1850, p. 129 (lire en ligne).
  • Joseph Petit, « Un capitaine du règne de Philippe le Bel : Thibaut de Chepoy », Le Moyen Âge, Paris: Bouillon, 1897, 2e série, t. 1 (lire en ligne).
  • (en) Alvise Andreose, « Marco Polo’s Devisement dou monde and Franco-Italian tradition », Francigena, vol. 1, (lire en ligne).
  • (it) Alvise Andreose, Chiara Concina, « A monte di F e f. Il Devisement dou monde e la scripta dei manoscritti francesi di origine pisano-genovese : Collana diretta da Antonio Pioletti, colloqui 14 », Medioevo Romanzo e Orientale, (lire en ligne).
  • (it) Chiara Concina, « Prime indagini su un nuovo frammento franco-veneto del Milione di Marco Polo », Romania, vol. 125, , p. 342-369 (lire en ligne).
  • (it) Luciano Petech, « Marco Polo e i dominatori mongoli della Cina », dans Sviluppi scientifici de L. Lanciotti, Florence, Olschki, .

Notes et références

Notes

  1. Ouvrages importants avant M. Polo :Villehardouin, La conquête de Constantinople, 1213 ; Latini, Le livre du trésor, 1265. La Vie de saint Louis de Joinville est postérieure : 1309, comme les Chroniques de Froissart, 1380. La Chronique de France tenue à l'abbaye de Saint-Denis n'est traduite en français qu'à partir des années 1270 et restera rédigée en latin jusqu'en 1340. Quant aux « romans » courtois, c'étaient des épopées en vers et non en prose.
  2. 1 2 3 Liste des 13 manuscrits français complets avec leur code et cote, et lien pour ceux qui sont visibles sur l'internet (marqués *) :
    6 à la Bibliothèque nationale de France : A1*: ms. 5631A2*: ms. 2810 – A3: Arsenal ms. 3511 – B4*: ms. 5649C2*: ms. 1880C3*: ms. 5219 ;
    2 en Angleterre, à Londres B1*: British Lib. ms. 19 DI et à Oxford B2: Bodleian ms. 264 ;
    2 en Suisse, à B3*: Berne ms.125 et à Genève B5: Bib. pub. universitaire, ms. fr. 154 ;
    1 à New York A4: Morgan ms. 723 ;
    1 en Suède C1*: Stockholm ms. M 304 ;
    1 en Belgique D*: Bruxelles ms. 9309.
  3. Sur ce brillant capitaine de Philippe le Bel, voir J. Petit, 1897.
  4. 1 2 3 4 Certificat d'origine avec dédicace figurant dans les copies A3, A4 et A5 :
    « Voici le livre que monseigneur Thiebault, chevalier, seigneur de Cepoy, que Dieu absolve, requit qu'il en eut la copie de sire Marco Polo ... pour honneur et révérence au très excellent et puissant prince Monseigneur Charles, fils du roi de France et comte de Valois ... laquelle copie que le dit messire Thiebault, sire de Cepoy, ci-dessus nommé, apporta en France, messire Jean, qui fut son fils aîné et qui est sire de Cepoy après son décès, remit la toute première copie de ce livre qui fut faite depuis qu'il fut apporté au royaume de France, à son très cher et très redouté seigneur monseigneur de Valois. ... Ce fut fait l'an mille trois cent et sept de l'incarnation notre Seigneur Jésus Christ au mois d'août. » – Publié par Pauthier, p. 1, et la première fois par Mardsen (p. lxvii) en 1818.
    N.B. Ce qui est “fait en 1307” est la première rédaction corrigée, probablement à l'origine des mss. B et écrite sur papier, et non « la toute première copie » sur parchemin officiellement remise à Charles de Valois en 1310 ou plus probablement en mars 1312 (voir J. Petit, p. 236 et 238).
  5. À cause des passages de Ramusio qui ne se trouvent pas dans Z, Benedetto : « Si la défiance de Moule était fondée [elle l'est], ce n'est pas seulement la question des apports de Ramusìo qui devrait être remise sur le chantier. S'effondrerait aussi tout l'édifice que j'ai construit à partir de Z. Le texte d'origine de Marco, auquel j'avais cru être en substance parvenu, s'avèrerait inaccessible » (Ancora qualche rilievo circa la scoperta dello Z toledano, Atti dell'Accademia delle Scienze di Torino, vol. 94, t. 2, 1959-1960, p. 53 ou 571).
  6. 1 2 3 4 5 Selon la numérotation de Pauthier, Ménard et, jusqu'au ch. 165, Eusebi.
  7. 1 2 Benedetto place devant les A, B, C, D classant les manuscrits français, le sigle disqualifiant FG signifiant “français remaniement de Grégoire”, à cause de sa lecture erronée d'un mot de l'incipit : contrescris (‘recopier’) qu'il lit contrefais (voir Ménard 2001-2008, vol. 1, p. 29, et Le prétendu remaniement attribué à Grégoire).
  8. 1 2 Dans la théorie de l'original complet mais perdu qui caractérise la genèse du Livre selon Benedetto, le groupe grand A rassemble les mss. ressemblant à F ms. n° 1116, le groupe grand B rassemble les mss. plus tardifs qui comprennent des additions apparentées à la rédaction de Ramusio ; additions que Benedetto suppose avoir été inclues dans le supposé original perdu.
  9. Contient un impressionnant Glossaire et retouche moins que les autres (sauf Madagascar compris comme désignant Mogadiscio suivant l'affirmation de Paul Pelliot).
  10. Notamment son histoire de 700 000 familles, chrétiennes depuis 700 ans… mais qui ignoraient qu'elles étaient chrétiennes ! (voir Simon Gaunt, p. 141 et 143 : « the detail and elaboration of the episodes concerning the unrecognized christian sect and the lost ring are suspect »). – L'évaluation par Z de la rente du sel (ch. 152) est fautive : 2,1 millions de saggio au lieu de l'évaluation vérifiée correcte de 5,6 ou 6,4 millions.
  11. Les enluminures se trouvent sur le manuscrit en ligne aux folios 1r, 2r, 2v, 3r, 3v, 4r, 4v, 5r, 6r, 7r, 8r, 9r, 10r, 10v, 11v, 12r, 12v, 13v, 14v, 15v, 16v, 18r, 18v, 20v, 21v, 23r, 80r, 82r, 83r, 84r, 85r, 86v, 87r, 88r, 89v, 91r, 92 ?r, 93v, 95v, 17r, 19v, 22v, 24r, 25v, 26r, 27r, 28r, 29v, 30v, 31v, 33r, 34r, 36r, 37r, 38r, 39r, 40r, 41r, 42r, 44r, 45r, 46v, 47v, 49r, 50r, 51r, 52v, 54r, 55v, 58r, 59r, 59v, 61r, 62v, 64r, 67r, 69r, 71r, 72r, 73v, 74v, 76v, 78r.
  12. Incipit des manuscrits[n 2] :
    F et A1 : Ci commence les rubriques de ce livre qui est appelé le devisement du monde.
    A2 : Ci commence le Livre de Marc Paule des merveilles d'Asie la grande et d'Inde la grande et mineure, et des divers régions du monde.
    A4 : Cy commence le Livre de Marc Paule des merveilles d'Aise la grant et de Ynde la majour et mineur.
    B1, B2 : Ci commence le Livre du Grand Kaan qui parole de la grande Arménie, de Perse et des Tartars et d'Ynde et des grandes merveilles qui sont par le monde.
    B3 : Cy commence le [livre du] Grand Kaan qui devise les grandes merveilles qui sont en la terre d'Ynde.
    B4 : Cy commence le Livre du Grand Kaan de Cathay qui devise des grandes merveilles qui sont en la terre d'Inde.
    C1, C2, C3 : Pas de titre, commence par Pour savoir la pure vérité.
    D : Cy commence par table toutes les rubriques de ce livre nommé le Livre Messire Marc Pol citoyen de Venise croyant en Jesucrist auquel livre sont déclarées et contenues plusieurs grandes merveilles de aucunes parties du monde.
  13. En ancien français, devisement signifie « Description, récit, narration » selon le DMF.
  14. Attention au mot merveille : il ne signifiait autrefois que 'étonnant' ou 'extra-ordinaire' et non surnaturel (ce qui est surnaturel est un « miracle »), et il n'était pas forcément positif : au ch. 107, le roi d'Or « moult se merveilla » quand ses écuyers le menacent en lui mettant l'épée sous la gorge. – Voir Blanchard et al, 2019, Introduction : « Même si le mot merveille et ses dérivés sont fréquents dans le texte [il n'a pas le] sens que lui assigne la critique littéraire : un surnaturel assumé comme tel ».
  15. Voir une table comparative des chapitres selon les éditions dans Moule & Pelliot, p. 504-507 (en ligne).
  16. Selon Petech 1975, les Envoyés (Chū shǐ, 出使) du Palais impérial avaient « qualité et prérogatives d'émissaire impérial, avec droit d'utiliser les relais impériaux et droit d'exiger l'obéissance de l'autorité locale ».
  17. « Das is der edel Ritter. Marcho Polo von Vendig der grost landfahrer, der uns beschreibt die grossen wunder der welt die er selber gesehen hat. Von dem aufgang bis zu dem nydergang der sonne der gleychen vor nicht meer gehort seyn»

Références

  1. Ménard 2001-2008, vol. 1, p. 89-90.
  2. 1 2 Ménard 2001-2008, vol. 1, p. 96.
  3. (en) Leonardo Olschki, Marco Polo's Asia, Berkeley: University of California, 1960, p. 97 (lire en ligne) : « Cette interprétation romanesque de Polo comme commerçant médiéval doit être réexaminée à la lumière des faits … il est très difficile de découvrir chez Marco Polo un commerçant au sens professionnel ou romanesque du mot. Il ne se présente jamais comme tel dans son livre ».
  4. (en) John Larner, Marco Polo and the Discovery of the World, New Haven: Yale University, 1999, pp. 68, 74 : « Qui chercherait dans ce livre la narration d'un explorateur héroïque serait sérieusement déçu … On peut conclure que son livre n'est pas l'œuvre d'un marchand vénitien sur le commerce en Orient ».
  5. Luciano Petech, Les marchands italiens dans l'emire mongole, Journal asiatique, t. 250, 1962, p. 552 : « sa carrière ne fut pas vraiment celle d'un marchand, mais plutôt d'un administrateur, ou si l'on veut, d'un gentilhomme au service de Qubilai. Il ne parle presque jamais de ses affaires ».
  6. Bibliothèque nationale de France, ms. fr. no 1116 (en ligne).
  7. Édition de la Société de géographie de Paris (en ligne).
  8. L. F. Benedetto, Note préliminaire sur le problème du texte, posthume, 2016, p. 175 (en ligne).
  9. Édition de Firmin Didot avec Guillaume Pauthier (en ligne).
  10. Ménard 2001-2008.
  11. Badel 1998.
  12. Édition digitale Ca'Foscari.
  13. Arlima.
  14. Lire en ligne.
  15. Voir en ligne la liste des manuscrits conservés.
  16. 1 2 Racine 2012, ch. De Marco Polo à Christophe Colomb, p. 48.
  17. 1 2 Ménard, Académie, 2005, pp. 412-413 : « recomposition du texte ... abrègements notables ... christianisation du texte ... juge sévèrement les croyances religieuses de l’Asie ».
  18. Alvaro Barbieri, Marco Polo, Milione. Redazione latina del manoscritto Z, ed. critica, Milano: Ugo Guanda, 1998 (lire en ligne).
  19. C. Moule dit que le ch. de Ramusio sur Hangzhou « est en fait un long et important chapitre dont Z, à part dans deux bref alinéas, n'a pas ou peu connaissance » (The Description, p. 499). – Voir aussi Benvenuto Terracini en 1933 (Ricerche ed appunti sulla più antica redazione del Milione, Rendiconti della Reale Accademia Nazionale dei Lincei, 9, 1933, p. 369-428).
    - Le “Codex Z” n'a pas non plus l'important ch. II.8 de Ramusio, qui raconte l'importante histoire de l'assassinat d'un puissant ministre des finances en 1282.
  20. L'édition digitale Ca'Foscari présente face à face le texte de Ramusio et celui du codex Z. On peut voir que dans Z manquent les chapitres de Ramusio suivant (numérotation de Ramusio) : Livre I, ch. 1, 2, 7, 10, 13, 15, 17, 19, 21, 24, 32, 34-37, 40, 42-51, 54-55 – Livre II, ch. 1-2, 6-8, 10-11, 20-21, 31, 34-42, 44-46, 49, 53-55, 62-64, 67-68.
  21. Andreose, Concina, 2015.
  22. Philippe Ménard, Deux nouveaux folios inédits d’un fragment franco-italien du Devisement du monde de Marco Polo, Medioevo romanzo : 2, 2012.
  23. Concina, fragments.
  24. Ph. Ménard, Le prétendu “remaniement” attribué à Grégoire.
  25. Ruggero M. Ruggieri, Il Milione, Florence: Olschki, 1986.
  26. Édité par Valeria Bertolucci Pizzorusso, Marco Polo, Il Milione (VA2), Milan: Adelphi, 1975.
  27. 1 2 Il Milione est l'abréviation de : Libro di messer Marco Polo da Vinegia che si chiama Melione (Livre de Marco Polo de Venise surnommé Million).
    - Apostolo Zeno, Biblioteca dell'eloquenza italiana di monsignore Giusto Fontanini, 1753 : « Le titre Milione a été donné improprement au Livre de Marco Polo. C'était un surnom appliqué à lui-même et qui passa ensuite aux descendants de sa Maison ».
  28. Ménard, Académie, 2005, p. 441 : « procède à des abrègements plus importants et systématiques, certains pour des raisons religieuses ».
  29. Édités par l'Édition digitale Ca'Foscari.
  30. (en) Enerelt Enkhbold, The role of the ortoq in the Mongol Empire in forming business partnerships, Central Asian Survey, 38 (4), p. 153.
    (it) VA3 : « lesquels biens (donnés par Berke pour prix de leurs joyaux) il les envoya vendre en lieux où ils le furent très bien ».
  31. 1 2 Marie-Thérèse Gousset, Le Livre des merveilles du monde, Paris, Bibliothèque de l'image, .
  32. Ménard, Académie, 2005, p. 407 : « le meilleur manuscrit de la famille A ».
  33. Ménard, Académie, 2005, p. 419 : « Les autres manuscrits ont, à titre exceptionnel, un nombre insignifiant de miniatures de très petit format. On peut citer trois manuscrits de la version latine de Pipino.
  34. XVIe siècle_(mais)_l’enlumineur_ne_manque_pas_de_talent_créateur_et_aussi_de_poésie_fantastique_»-45" class="mw-reference-text">Ménard, Académie, 2005, p. 419 : « les personnages sont peints dans les tenues et les attitudes du XVIe siècle (mais) l’enlumineur ne manque pas de talent créateur et aussi de poésie fantastique ».
  35. Philippe Ménard, L'illustration du Devisement du Monde de Marco Polo - Étude d'iconographie comparée, dans Métamorphoses du récit de voyage, Paris: Moureau, 1986, p. 17-31.
  36. Ménard, Académie, 2005, p. 43 : « dénuées de poésie et d'exotisme ».
  37. Ménard, Académie, 2005, p. 419 (miniatures en ligne, f° 71 à 263).
  38. ‘The most noble and famous travels of Marcus Paulus, one of the nobilitie of the state of Venice, into the east partes of the world, as Armenia, Persia, Arabia, Tartary, with many other kingdoms and provinces’ (lire en ligne).
  39. 1 2 En « françois », répété dix fois dans le ms. F : au ch. 23, 31, 47, 50, 64, 74, 86, 151, 152 et 200.
  40. « Le fond du texte est constitué par du français, mais l'œuvre est parsemée de traits italiens » (Ménard, Académie, 2005, p. 409).
  41. Baldelli Boni, 1827, p. XII-XVIII, CXXIIII, CXXV, CXXXI et passim.
  42. 1 2 Saint-Hilaire (1867) : « Le comte Baldelli Boni constata que son texte italien n'était qu'une traduction du texte français, encore plus ancien qu'elle. Les arguments qu'il fournissait étaient décisifs : les fautes trop visibles de la traduction italienne laissaient apercevoir la leçon originale … Tous ceux qui, depuis Baldelli Boni, ont pris part à la discussion, ont été unanimement de cet avis, qu'ils fussent eux-mêmes Français, ou Italiens ou Anglais. MM. Paulin Paris (1833, 1850) et d'Avezac (1839) sont d'accord avec MM. Hugh Murray (1844), Thomas Wright (1854) et Vicenzo Lazari (1847) » (Journal de savants, janvier 1967, p. 9, lire en ligne).
  43. Encyclopédie 1842, p. 315.
  44. _rend_«_David_melic,_qui_veut_dire_en_français_David_roi_»_par_«_David_Melic,_cioè_a_dire_'''''in_francesco'''''_David_re_»,_alors_qu'il_aurait_dû_traduire_''in_italiano''_;_répétition_de_la_même_bévue_aux_ch._30,_40,_46,_49,_63,_85,_150,_151_et_170-58" class="mw-reference-text">Baldelli Boni, 1827, p. 12, où est épinglé cette bévue amusante : le traducteur au ch. 22 rend « David melic, qui veut dire en français David roi » par « David Melic, cioè a dire in francesco David re », alors qu'il aurait dû traduire in italiano ; répétition de la même bévue aux ch. 30, 40, 46, 49, 63, 85, 150, 151 et 170.
  45. Philippe Ménard, vol. 1, p. 89.
  46. Ménard 2001-2008, vol. 1, XXXVIII.
  47. 1 2 Joseph Petit, Un capitaine du règne de Philippe le Bel : Thibaut de Chepoy, Le Moyen Âge, t. X ou 2e série t. 1, Paris: Bouillon, 1897 (lire en ligne).
  48. TA1 selon Ruggero M. Ruggieri, Il Milione, Florence: Olschki, 1986, p. 241.
  49. J. J. Bianconi, publié par P. Ch. Cahier, Études religieuses, historiques et religieuses, t. 8, Paris: Douniol, 1866, p. 396 (lire en ligne).
  50. Benedetto 1928, La “tradition manuscrite”, p. viii.
  51. Andreose, Franco-Italian tradition, 2015, p. 277 : « what we can say with certainty is that the label of ‘Franco-Italian’ appears to be unfit ».
  52. Simon Gaunt 2013, p. 15 : « ‘Franco-Italian’ is in some respects a misleading designation for the language of BnF fr. 1116 (though the text is in a form of French mixed with Italian, and the manuscript itself is from Italy) ».
  53. Benedetto 1928, p. XXX.
  54. Concina, fragments, « si erano originati un testimone franco-veneto (F) ».
  55. Andreose, Franco-Italian tradition, 2015.
  56. Andreose, Concina, 2015, p. 32.
  57. Philippe Ménard, Deux nouveaux folios inédits d’un fragment franco-italien du 'Devisement du monde' de Marco Polo, Medioevo romanzo : 2, 2012, p. 258 : « L’appellation “frammento franco-veneto” donnée sans justification par C. Concina paraît discutable. Il n’y a pas ici prolifération de traits de la scripta vénitienne. »
  58. Paulin Paris 1850.
  59. Paulin Paris 1850, p. 141 : « Les phrases obscures et les contradictions nées de la rapidité d’une première rédaction furent même soumises à la décision souveraine de Marco Polo ».
  60. Klaproth 1833, p. 252.
  61. (it) Federica Ferrarin, Un nuovo tassello della vita di Marco Polo: inedito ritrovato all'Archivio, Université Ca' Foscari de Venise, cfNEWS, 18/11/2019 : Cette découverte « offre un support documentaire à l'hypothèse séduisante qu'après son retour à Venise de sa captivité génoise, Marco Polo s'est consacré à la révision de l'œuvre en collaboration avec des dominicains de Saint-Jean-et-Saint-Paul de Venise ; révision dont serait le témoin la rédaction latine dite Z, que de nombreux témoignages suggèrent avoir été produite à Venise dans un cadre dominicain » (lire en ligne).
  62. Ramusio 1559, « tutta Italia in pochi mesi ne fu ripiena » (lire en ligne).
  63. Gadrat 2010.
  64. (en) Consuelo Wagner Dutschke, Francesco Pipino and the manuscripts of Marco Polo's "Travels", Dissertations and Theses, 1993, ch. 2 : Contemporary reaction: truth or tale ?
  65. Christine Gadrat-Ouerfelli, Traduction, diffusion et réception du Livre de Marco Polo, Thèse de doctorat, Paris: EPHE, 2010, t. 1, p. 439.
  66. Lopez 1977, p. 450.
  67. Lopez 1977, p. 453.
  68. Lopez 1977, p. 455.
  69. Lire en ligne § [4].
  70. Yule-Cordier 1903, p. 120.
  71. Le Livre de Marco Polo, ch. 21 (lire en ligne).
  72. Le Livre de Marco Polo, ch. 59 (lire en ligne).
  73. Ménard 2001-2008, vol. 1, p. 92.
  74. Ménard 2001-2008, vol. 4, p. 34.
  75. Pauthier, tome 2, p. 576.
  76. Ménard 2001-2008, vol. 6, p. VIII-IX.
  77. Ménard 2001-2008, vol. 6, p. CXVIII.
  78. Ménard 2001-2008, vol. 6, p. CXIX.
  79. Budget du royaume de France selon Natalis de Wailly : 235 285 livres parisis, équivalant à 23,8 T d'argent fin.
  80. Démonstration par Pauthier, p. 510 et par Vogel 2013, p. 365, ch. 6.
  81. Atrocité confirmée par d'Ohsson et Pétis de la Croix.
  82. Pauthier, p. 510.
  83. Vogel 2013, p. 365, ch. 6.
  84. Pauthier, p. 512.
  85. Chapitre 18 : Avant leur départ de Chine, le Grand Khan « les chargea de messagerie au pape et au roi de France et au roi d'Angleterre, et au roi d'Espagne, et aux autres rois de chrétienté ».
  86. Le Livre de Marco Polo, ch. 16 (lire en ligne).
  87. Constantin de Skatschkoff, Le Vénitien Marco Polo et les services qu'il a rendus en faisant connaître l'Asie, Journal asiatique, août-sept. 1874, p. 137 : « que Marco Polo ait fait une foule de descriptions d'après des écrits chinois, c'est ce dont je suis persuadé ; car, en Chine, jusqu'à présent, dans les très anciennes descriptions de l'Inde et des pays d'outre-mer, on ne trouve ni plus ni moins de renseignements que dans le livre de Marco Polo » (lire en ligne).
  88. Eusebi-Burgio 2018.
  89. Analyse critique par Ph. Ménard, 2008, qui affirme : « La traduction de Moule ne donne pas le texte de Marco Polo, je me permets de le contester fermement et absolument, elle offre un texte recomposé et imaginé, c'est un texte de Moule, c'est du Moule ».
  90. Alvaro Barbieri : « Le fait d'avoir traité F et Z comme des sources indépendantes, lui fait répéter Z quand il ne fait que traduire F, et donne une fausse impression de richesse et complétude. Mais il y a pire : il arrive que Moule intègre comme apport original de Z des leçons qui ne sont que des mésinterprétations de F (cf. Benedetto, 1939, pp. 637-638). Z est ainsi pressé jusqu'à l'os : rien n'est laissé, tout converge pour donner un texte hypertrophié qui devient une espèce de collection de variantes. Cette grave erreur rédactionnelle n'a pas empêché l'édition “Moule & Pelliot” de devenir Le Marco Polo intégral par excellence, du moins pour les orientalistes français et anglo-saxons. On comprend facilement que la griffe “Pelliot” dut représenter une sorte de marque de garantie pour les sinologues et les historiens de l'exploration de l'Extrême-Orient » (Studi sul Milione, Véronne: Fiorini, 2004, p. 87-88).
  91. Page xii : « Lorsque Benedetto traduisait en italien (son édition de 1928), il intégra souvent des variantes de la famille FG (Cepoy) des manuscrits. Le présent volume représente globalement la traduction anglaise de sa version en italien moderne ».
    Version en italien moderne de Benedetto : Il libro di messer Marco Polo ... ricostruito criticamente e per la prima volta integralmente tradotto in lingua italiana, Milan: Treves-Treccani, 1932.
  92. Subrepticement corrigé. Les fautes nombreuses du manuscrit « il semble les cacher à ses lecteurs » (Ph. Ménard). « À vrai dire une mauvaise édition : corrections multiples, en bonne part tacites » (Frankwalt Möhren).
  93. Cet ouvrage majeur de F. L Benedetto porte en tête la dédicace suivante : « À S. E. le Ministre de l'Éducation publique Pietro Fedele (en) qui a facilité la mise en œuvre de cette recherche, noblement sensible à la finalité scientifique et nationale qui l'a inspirée. »

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes