North American X-15
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Le X-15 no 2 en vol après avoir été largué depuis un B-52. | ||
Constructeur | North American | |
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Rôle | Avion expérimental | |
Statut | Retiré | |
Premier vol | ||
Date de retrait | ||
Nombre construits | 3 | |
Équipage | ||
1 pilote | ||
Motorisation | ||
Moteur | Reaction Motors XLR99-RM-2 | |
Nombre | 1 | |
Type | Moteur-fusée | |
Poussée unitaire | 313 kN | |
Dimensions | ||
Envergure | 6,8 m | |
Longueur | 15,45 m | |
Hauteur | 4,12 m | |
Surface alaire | 18,58 m2 | |
Masses | ||
À vide | 6 623 kg | |
Maximale | 15 422 kg | |
Performances | ||
Vitesse maximale | 7 273[1] km/h (Mach 6,7) | |
Plafond | 95 900 m | |
Vitesse ascensionnelle | 18 000 m/min | |
Rayon d'action | 275 milles[2], soit environ 450 km | |
Le North American X-15 est un avion-fusée hypersonique expérimental de vol suborbital américain, construit dans le cadre d'un programme de recherche sur les vols à très haute vitesse et très haute altitude. De 1960 à 1968, les trois exemplaires construits ont effectué environ 200 vols d'essais pour le compte de la NASA et de l'US Air Force, pulvérisant tous les records de vitesse et d'altitude détenus par un aéronef piloté à aile fixe.
Le X-15 a établi des records définitifs de 7 272,68 km/h pour la vitesse (le ) et de 107,96 km pour l'altitude (le ). Il a permis aux Américains de récolter de très nombreuses données sur le comportement des flux d'air, le frottement aérodynamique, le contrôle et la stabilité d'un aéronef à grande vitesse et hors de l'atmosphère, ainsi que sur les techniques de rentrée dans l'atmosphère.
Conception
Le X-15
En , le National Advisory Committee for Aeronautics (NACA, ancêtre de la NASA) établit le besoin d'un nouvel avion expérimental pour explorer les vols à très haute vitesse et très haute altitude. Une équipe de chercheurs est chargée de trouver des solutions aux nombreux problèmes posés (échauffement cinétique, contrôle de l'appareil dans une atmosphère raréfiée, configuration aérodynamique optimale, etc.) et rend un rapport au mois d', indiquant qu'il n'y a pas d'obstacle majeur au vu des techniques de l'époque.
Le lancement du projet est validé en , avec un financement de 95 % par l'US Air Force et 5 % par l'US Navy, et un appel d'offres est lancé dans la foulée. La proposition de North American est retenue et une commande pour la construction de trois exemplaires signée en . En , le développement du moteur-fusée est confié à Reaction Motors, qui propose un propulseur dérivé de celui des fusées Viking.
Une maquette est présentée par North American en . La construction des avions commence mi-1957 et le premier X-15 sort d'usine le . Le moteur XLR99 est cependant très en retard, puisque le premier n'est livré qu'en et qu'il faut encore attendre presque un an de plus pour qu'il soit enfin qualifié. Pendant ce temps, deux Boeing B-52 Stratofortress sont modifiés pour pouvoir emporter le X-15 en altitude (NB-52A et NB-52B). Les futurs pilotes sont sélectionnés et un simulateur construit pour les entraîner.
Les premiers vols d'essais se déroulent de la façon suivante :
- , premier vol « captif » du X-15 no 1, qui reste accroché sous l'aile du B-52 d'emport ;
- , premier vol sans utilisation des moteurs du X-15 no 1 ;
- , premier vol du X-15 no 2 propulsé par deux moteurs XLR11 provisoires ;
- , premier vol du X-15 no 2 propulsé par le moteur XLR99 définitif.
Ces premiers essais sont parsemés de nombreux problèmes techniques entraînant soit le report des vols prévus, soit l'interruption d'un vol en cours. Les essais continuent malgré tout et, fin 1960, le X-15 a dépassé Mach 3 et 30 000 m d'altitude. L'avion est alors transféré à la NASA pour les vols de recherche.
Le X-15A-2
Après l'accident de (voir ci-dessous), il est décidé de reconstruire le X-15 no 2 en le modifiant d'une part pour le rendre capable d'atteindre une vitesse de Mach 8 et, d'autre part, pour qu'il puisse servir de banc d'essai volant pour un statoréacteur. L'avion reçoit alors la désignation de X-15A-2.
La vitesse accrue doit être obtenue en augmentant la durée de fonctionnement du moteur-fusée, ce qui nécessite simplement a priori d'augmenter la capacité en carburant/comburant. Pour cela, le fuselage est allongé et deux réservoirs supplémentaires externes installés (un de chaque côté du fuselage) : ces réservoirs sont vidés en premier puis largués en vol et récupérés.
Pour que le X-15 supporte les températures plus élevées que prévu, il est décidé de le revêtir d'une couche d'isolant supplémentaire qui se désagrège au fur et à mesure en vol. De son côté, la dérive ventrale est modifiée pour pouvoir recevoir un statoréacteur de 91 cm de diamètre. Comme il n'est alors plus question d'éjecter en vol la partie inférieure, la garde au sol doit être augmentée.
Enfin, de nouveaux compartiments sont installés pour embarquer les équipements de mesure. Le X-15A-2 pèse finalement 10 tonnes de plus que le X-15, ce qui impose également de renforcer sérieusement le train d'atterrissage.
Le nouvel avion subit alors un cycle d'essais :
- , premier vol « captif » accroché sous l'aile du B-52 d'emport ;
- , premier vol réel sans les réservoirs ni le statoréacteur ;
- , premier vol avec les nouveaux équipements de mesure ;
- , premier vol avec les réservoirs externes vides ;
- , premier vol avec les réservoirs externes remplis ;
- , premier vol avec la couche d'isolant supplémentaire.
Les premiers vols sont marqués par plusieurs incidents dus au train d'atterrissage, qui a tendance à se déployer en plein vol.
C'est le X-15A-2 qui établit le record de vitesse en atteignant 7 272,68 km/h le . Cependant, lors de ce vol, la température en surface dépasse les 1 300 °C prévus et provoque des dégâts importants sur une partie de la cellule. Bien que North American remette l'avion en état, il ne reprend finalement jamais l'air.
Vols de recherche
Les vols de recherche menés par la NASA consistent d'abord à augmenter progressivement la vitesse et l'altitude :
- premier vol à plus de Mach 4 le ;
- premier vol à plus de Mach 5 le ;
- premier vol au-dessus de 60 960 mètres le ;
- premier vol à plus de Mach 6 le ;
- premier vol au-dessus de 91 440 mètres le .
En , la NASA engage le X-15 dans un programme de recherche incluant des expériences scientifiques, en plus des expériences et mesures menées sur l'avion lui-même. En 1963-1964, le X-15 participe également à la mise au point des systèmes de reconnaissance destinés au Lockheed A-12 Oxcart. En fonction des besoins, différents capteurs supplémentaires sont ajoutés pour obtenir les mesures souhaitées : spectre de la lumière solaire, rayonnement ultraviolet, densité des micrométéorites, etc. À partir de , les nouveaux équipements de mesure du X-15A-2 sont utilisés pour les diverses expériences scientifiques prévues.
L'arrêt du programme est décidé en 1968, principalement à la suite de la perte du X-15 no 3 et à une ré-orientation des budgets de la NASA. Le dernier vol d'un X-15 a lieu le .
Accidents
Le , le X-15 no 2 se plie soudain en deux lors de l'atterrissage, par suite d'un touché un peu brutal dû à une masse plus importante que prévu. Le pilote s'en sort sain et sauf. Le vol avait été interrompu à cause d'un incendie sur l'un des deux moteurs XLR11.
du X-15 de Michael J. Adams,
le 15 novembre 1967.
Le , un essai au sol du moteur XLR99 définitif se termine par la destruction de tout l'arrière du X-15 no 3 à cause d'une explosion. Le pilote Albert Scott Crossfield s'en sort indemne.
Le , le X-15 no 2 est très sérieusement endommagé et son pilote John B. McKay gravement blessé lors d'un atterrissage : par suite d'une défaillance des gouvernes, l'avion touche le sol beaucoup trop vite (à 480 km/h) et le patin gauche plie sous le choc. Le X-15 fait alors un tonneau avant de retomber sur le dos.
Le , le X-15 no 3, devenu incontrôlable, est soumis à de trop forts facteurs de charge lors de la descente et se désintègre en vol. Le pilote, Michael J. Adams, est tué.
Pilotes
Les pilotes de X-15 reçoivent de nombreuses médailles et distinctions pour leur travail et les résultats obtenus. Huit d'entre eux dépassent l'altitude de 80 km et gagnent ainsi le titre d'astronaute selon les critères de l'USAF.
Pilote | Organisation | Nombre de vols |
Vol spatial USAF |
Vol spatial FAI |
Mach maxi |
Vitesse maxi (km/h) |
Altitude maxi (km) |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Michael Adams | US Air Force | 7 | 1 | 0 | 5,59 | 6 150,9 | 90,0 |
Neil Armstrong | NASA | 7 | 0 | 0 | 5,74 | 6 419,7 | 63,1 |
Scott Crossfield | North American Aviation | 14 | 0 | 0 | 2,97 | 3 152,7 | 24,6 |
Bill Dana | NASA | 16 | 2 | 0 | 5,53 | 6 271,6 | 93,5 |
Joseph H. Engle | US Air Force | 16 | 3 | 0 | 5,71 | 6 255,5 | 85,5 |
Pete Knight | US Air Force | 16 | 1 | 0 | 6,70 | 7 272,6 | 85,5 |
John B. McKay | NASA | 29 | 1 | 0 | 5,65 | 6 216,9 | 90,0 |
Forrest S. Petersen | U.S. Navy | 5 | 0 | 0 | 5,3 | 5 793,6 | 30,9 |
Robert A. Rushworth | US Air Force | 34 | 1 | 0 | 5,75 | 6 464,7 | 86,7 |
Milt Thompson | NASA | 14 | 0 | 0 | 5,48 | 5 991,6 | 65,2 |
Joe Walker | US Air Force | 25 | 3 | 2 | 5,92 | 6 604,7 | 107,8 |
Robert Michael White¹ | US Air Force | 16 | 1 | 0 | 6,04 | 6 585,4 | 95,9 |
¹White était le remplaçant du Capt. Iven Kincheloe.
La limite officielle internationale de l'espace étant fixée à la ligne de Kármán, soit à l'altitude de 100 km, ce titre d'astronaute n'est en fait reconnu que par l'US Air Force, sauf pour Joseph Albert Walker, qui l'a dépassée à deux reprises.
Vols records
Record d'altitude
Vol | Date | Vitesse maxi | Altitude | Pilote |
---|---|---|---|---|
Vol 62 | 6 165 km/h | 95,9 km | Robert M. White | |
Vol 77 | 5 918 km/h | 82,7 km | Joe Walker | |
Vol 87 | 5 512 km/h | 86,7 km | Robert Rushworth | |
Vol 90¹ | 5 971 km/h | 105,9 km | Joe Walker | |
Vol 91¹ | 6 106 km/h | 107,8 km | Joe Walker | |
Vol 138 | 5 522 km/h | 85,5 km | Joseph H. Engle | |
Vol 143 | 5 712 km/h | 82,6 km | Joseph H. Engle | |
Vol 150 | 6 004 km/h | 90,0 km | John B. McKay | |
Vol 153 | 5 720 km/h | 81,1 km | Joseph H. Engle | |
Vol 174 | 6 035 km/h | 93,5 km | Bill Dana | |
Vol 190 | 6 206 km/h | 85,5 km | Pete Knight | |
Vol 191² | 5 744 km/h | 81,0 km | Michael J. Adams | |
Vol 197 | 5 541 km/h | 81,4 km | Bill Dana |
¹Vol spatial ; ²Vol mortel.
Record de vitesse
Vol | Date | Vitesse maxi | Altitude | Pilote |
---|---|---|---|---|
Vol 45 | 6 585 km/h | 30,9 km | Robert M. White | |
Vol 59 | 6 605 km/h | 37,7 km | Joe Walker | |
Vol 64 | 6 420 km/h | 30,1 km | Neil Armstrong | |
Vol 86 | 6 293 km/h | 34,9 km | Joe Walker | |
Vol 89 | 6 317 km/h | 31,9 km | Robert Rushworth | |
Vol 97 | 6 465 km/h | 30,7 km | Robert Rushworth | |
Vol 105 | 6 284 km/h | 30,9 km | Robert Rushworth | |
Vol 137 | 6 338 km/h | 47,5 km | John B. McKay | |
Vol 175 | 6 840 km/h | 30,1 km | Pete Knight | |
Vol 188 | 7 273 km/h | 58,4 km | Pete Knight |
Autres caractéristiques
Incapable de décoller par ses propres moyens, le X-15 est accroché sous l'aile d'un Boeing B-52 Stratofortress puis largué à plus de 15 000 mètres d'altitude (45 000 pieds). Le moteur fusée est alors allumé pour propulser l'avion vers la haute atmosphère, puis le X-15 suit une trajectoire balistique avant de redescendre en vol libre comme un planeur.
L'avion atterrit sur deux patins escamotables à l'arrière et une roulette à l'avant. Au préalable, la partie inférieure de la dérive ventrale doit être éjectée car elle est trop grande par rapport à la garde au sol du X-15.
Le X-15 est construit avec divers alliages spéciaux, dont l'Inconel, capable de supporter des températures de 800 °C.
La majeure partie du fuselage contient un réservoir de 3 914 litres d'oxygène liquide (comburant) et un autre de 5 470 litres d'éthanol ou d'ammoniac (carburant).
À très haute altitude, le contrôle directionnel n'est plus assuré par des gouvernes classiques, mais par douze petites fusées au peroxyde d'hydrogène placées dans le nez et en bout d'ailes.
Le X-15 est truffé d'instruments de mesures destinés à collecter des données pendant les vols : température, pression, facteurs de charge, paramètres de vol, paramètres physiologiques du pilote, etc.
Le siège éjectable peut être utilisé jusqu'à la vitesse de Mach 4 et l'altitude de 36 600 mètres.
Les deux exemplaires restants du X-15 sont aujourd'hui exposés :
- au National Air and Space Museum de Washington ;
- au musée national de l'Air Force de Wright-Patterson AFB, près de Dayton, Ohio.
Culture populaire
Après avoir assisté à un vol de Neil Armstrong à bord du X-15, Jean-Michel Charlier, l'inventeur de la bande dessinée Buck Danny, est si impressionné qu'il décide de faire participer son héros aux vols d'essai du X-15. Cette aventure est publiée dans Le Journal de Spirou de 1963 à 1964, puis parait dans le 31e tome de la série intitulée X-15. Il y est fait mention de l'accident de John B. McKay : Bob Light, un des anciens pilotes d'essai, s'est brisé la jambe à la suite de la destruction à l'atterrissage de l'un des patins du X-15.
Le premier film de Richard Donner, célèbre notamment pour sa série de films L'Arme fatale, est X-15 (1961).
Le film First Man : Le Premier Homme sur la Lune débute avec le vol de Neil Armstrong à bord du X-15 le , vol durant lequel un incident se produit.
Notes et références
- ↑ (en) Caroline Haskins, Brian Anderson et Jason Koebler, « Why the Piloted Flight Speed Record Hasn't Been Broken in 50 Years », (consulté le ).
- ↑ (en) Le North American X-15, sur le site du Pima Air and Space Museum.
Voir aussi
Articles connexes
- Avions-X
- Balls 8, un des deux avions porteurs du X-15
- Catégorie:Pilote de X15
Bibliographie
- (en) Wendell H. Stillwell (préf. Paul F. Bikle), X-15 Research Results : With a Selected Bibliography, Washington (district de Columbia), National Aeronautics and Space Administration, , 135 p. (ISBN 1-49370-834-1 et 978-1-49370-834-5, OCLC 44275779, présentation en ligne, lire en ligne [PDF]).
- (en) Dennis R. Jenkins (préf. William H. Dana), X-15 : Extending the Frontiers of Flight, Washington (district de Columbia), National Aeronautics and Space Administration, , 681 p. (ISBN 0-16079-285-1 et 978-0-16079-285-4, OCLC 971626369, présentation en ligne, lire en ligne [PDF]).
- (en) A Scott Crossfield et Clay Blair (trad. Max Roth), X-15, premier avion-fusée du monde, Paris, Arthaud, , 279 p. (OCLC 32162389, BNF 32971832).
- (en) Dennis R. Jenkins et Tony R. Landis (préf. Scott Crossfield et William H. Dana), Hypersonic : The Story of the North American X-15 [« Hypersonique : l'histoire du North American X-15 »], North Branch (Minnesota), Speciality Press, (1re éd. 2002), 276 p., 23 × 23 cm (ISBN 978-1-58007-131-4 et 1-58007-131-7, présentation en ligne).
- (en) Melvin Smith, An Illustrated History of Space Shuttle : US winged spacecraft : X-15 to Orbiter, Haynes Publishing Group, , 246 p. (ISBN 0-85429-480-5), p. 28-88.
- (en) Irving Stone, « X-15 Capability Outstrips Speculation », Aviation Week, New York (États-Unis), McGraw-Hill, vol. 66, no 18, , p. 26-27 (ISSN 0005-2175, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Irving Stone, « X-15 Rolls Out; Capability for Mach 7 Is Visualized », Aviation Week, New York (États-Unis), McGraw-Hill, vol. 69, no 16, , p. 26-29 (ISSN 0005-2175, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Irving Stone, « X-15 Design Reflects Hypersonic Mission », Aviation Week, New York (États-Unis), McGraw-Hill, vol. 69, no 17, , p. 88-89, 91, 93, 97-98 (ISSN 0005-2175, lire en ligne, consulté le ).
- (en) William S. Reed, « Ground Bases Prepare for X-15's Flight », Aviation Week, New York (États-Unis), McGraw-Hill, vol. 70, no 8, , p. 28-30 (ISSN 0005-2175, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Milton O. Thompson (préf. Neil Armstrong), At the Edge of Space : The X-15 Flight Program, Smithsonian Books, , 392 p. (ISBN 978-1-58834-078-8, lire en ligne).
Liens externes
- North American X-15, site très complet sur le X-15, sur xplanes.free.fr
- (en) X-15 Hypersonic Research at the Edge of Space, NASA
- (en) X-15 Research Results, NASA
- « Le X 15 » [vidéo], sur ina.fr, reportage de Cinq colonnes à la une