Règne | Fungi |
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Division | Ascomycota |
Sous-embr. | Saccharomycotina |
Classe | Saccharomycetes |
Sous-classe | Saccharomycetidae |
Ordre | Saccharomycetales |
Famille | Saccharomycetaceae |
Genre | Saccharomyces |
- Candida robusta, Diddens and Lodder
- Saccharomyces ellipsoideus, E. C. Hansen, 1883
Saccharomyces cerevisiae est une espèce de levures employée notamment dans la fermentation de la bière. Elle occupe une place particulière parmi les ferments, levains et levures utilisés depuis la Haute Antiquité : de nombreux peuples, tels que les Égyptiens, Babyloniens ou Celtes, l’utilisaient pour la fabrication de boissons fermentées, du pain, du kéfir, du vin et de la bière de fermentation haute. Cette espèce a été découverte, isolée et identifiée au milieu du XIXe siècle par des brasseurs hollandais à la demande de la corporation des boulangers parisiens qui commençaient à industrialiser leur production et cherchaient pour leur pain un procédé de fermentation plus fiable et plus rapide que leur levain traditionnel. Ainsi dans ces domaines, certains mélanges de ses différentes souches sont appelées « levure de boulanger » et « levure de bière ».
Par analogie avec son mode de reproduction, elle est également nommée « levure à bourgeon » (ou « levure bourgeonnante », budding yeast en anglais). L'addition de Saccharomyces cerevisiae est admise comme levure de panification par le décret no 93-1074 en France[1].
Étymologie
Saccharomyces cerevisiae est construit sur les racines grecques σάκχαρις, saccharo (sucre), μύκης, myces (champignon) et le mot latin cerevisia -ae, cervoise (mot d'origine gauloise désignant la bière)[2].
Histoire
Au XIXe siècle, les boulangers obtenaient leur levure auprès des brasseurs de bière, et cela leur permettaient de faire leur pain grâce à la « fermentation sucrée » comme pour le Kaisersemmel[3], aussi nommé le petit pain de l’empereur, qui ne possède généralement pas l’aigreur produite par l’acidification typique des lactobacilles. Cependant, les brasseurs de bière sont progressivement passés de la levure de fermentation haute (S. cerevisiae) à la levure de fermentation basse (S. pastorianus), ce qui a entraîné une pénurie de levures boulangères. L’innovation du procédé de Vienne, créé en 1846[4], est souvent présentée comme l’utilisation de vapeur dans les fours de cuissons, ce qui a donné de nouvelles croûtes. Il convient également de noter l'inclusion de procédés permettant une mouture fine des grains (voir le gruau de Vienne)[3]. La fissuration progressive des grains remplaçant un écrasement en un seul passage, ainsi que l'amélioration des procédés de culture et de récolte des levures à fermentation haute (appelées levures de pression) sont alors mis en place.
Les progrès de la microbiologie à la suite des travaux de Louis Pasteur ont conduit à améliorer la culture de souches pures. En effet, en 1879, la Grande-Bretagne a introduit des cuves spécialisées pour la production de S. cerevisiae et les États-Unis, au tournant du siècle, utilisaient des centrifugeuses pour la production de levures[5], rendant ainsi possible la commercialisation de la levure moderne, et faisant de la production de levure une branche industrielle majeure. Les levures en suspension créées par les petits boulangers ou épiciers sont devenues de la levure de crème, une suspension de cellules de levure vivante en milieu de croissance. Puis les levures compressées sont devenues de la levure fraîche à gâteau qui est devenue le levain standard des boulangers dans une grande partie du monde occidental au début du 20e siècle.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Fleischmann a développé pour les forces américaines une levure sèche active sous forme de granules, qui ne nécessitait pas de réfrigération et possédait une plus longue conservation et une meilleure tolérance à la température que la levure fraîche. C’est encore aujourd’hui la levure standard pour la cuisine militaire américaine.
Une entreprise a créé une levure qui montait deux fois plus vite et réduisait le temps de cuisson. Plus tard, dans les années 1970, le Groupe Lesaffre créa la levure instantanée, qui a gagné en utilisation et pris une part de marché considérable au détriment des levures fraîche ou sèche pour diverses applications.
Description
Saccharomyces cerevisiae est un eucaryote unicellulaire, se présentant sous forme de cellules isolées, ovoïdes à arrondies, longues de 6 à 12 µm et larges de 6 à 8 µm. À l'état naturel, on retrouve Saccharomyces cerevisiae principalement sur les fruits comme les raisins et sur la grande majorité des écorces d'arbres (par exemple sur le chêne).
Écologie
Il a été démontré que les princesses des guêpes sociales (le Frelon européen et les Polistes notamment) constituaient un réservoir naturel de Saccharomyces cerevisiae. En effet, celles-ci abritent des cellules de levure dans leur intestin pendant l’hivernation (de l'automne au printemps) et les transmettent à leur progéniture lors de la fondation de leur nid. Ces guêpes permettent alors la survie des souches de levures pendant les saisons défavorables et servent de vecteurs disséminant les levures vers des cibles appropriées telles que des fruits mûrs à la fin de l’été[6].
Cycle de vie
Saccharomyces cerevisiae est capable de se multiplier sous deux formes : une forme diploïde (2n = 32 chromosomes) et une forme haploïde (n = 16 chromosomes).
Le cycle cellulaire de Saccharomyces cerevisiae est très stéréotypé et peut s’accomplir de deux manières : par reproduction asexuée ou par reproduction sexuée. Les cellules haploïdes se multiplient en bourgeonnant : la cellule mère bourgeonne une cellule fille plus petite (mitose), mais possédant la même information génétique. Il existe des cellules haploïdes « a » et des cellules haploïdes « α » qui correspondent à des signes sexuels distincts[7]. Ces deux types de cellules ne se distinguent pas morphologiquement mais par la phéromone qu'elles produisent : MATa ou MATα. Les phéromones libérées permettent l'amorce du processus de fécondation en se liant à un récepteur spécifique. Ensuite c'est la fusion entre une cellule « a » et une « α » qui donne naissance à une cellule diploïde « a/α ». Tant que l'environnement est favorable, le diploïde se multiplie par bourgeonnement. Si les nutriments viennent à manquer, la cellule repasse en phase haploïde par un processus de méiose. On obtient finalement quatre noyaux haploïdes qui sont inclus dans les spores (ascospores) contenues dans un sac appelé asque. L'enveloppe de l'asque se rompt à maturité et libère alors deux cellules « a » et deux cellules « α » qui peuvent recommencer le cycle.
Les souches industrielles sont souvent polyploïdes (3, 4, 5n chromosomes) et donc possèdent plusieurs gènes pour un même caractère. Elles sont donc plus stables génétiquement car difficiles à faire muter. La plupart de ces souches sont incapables de sporuler dans les conditions de culture industrielle et se reproduisent par bourgeonnement.
Métabolisme
Saccharomyces peut produire l'énergie nécessaire à sa survie et à sa reproduction de deux manières différentes, en fonction du milieu ambiant. Ces deux modes de production d'énergie sont :
- la voie aérobie : respiration, transformation du glucose en dioxyde de carbone et ATP à l'aide de l'oxygène ou utilisation de l'éthanol avec consommation d'O2 (transition diauxique) ;
- la voie anaérobie : la fermentation alcoolique du glucose.
Le premier est utilisé en cuisine, tandis que la fermentation est privilégiée pour la production d'alcool tel que le vin, la bière, le cidre et bien d'autres.
Une température de 30-35 degrés est optimale pour sa reproduction.
Génome
Saccharomyces cerevisiae est également très utilisée comme organisme modèle en biologie cellulaire et en génétique car il présente plusieurs avantages :
- il est facile à manipuler en laboratoire (pousse sur des boîtes d'agar-agar ou en culture) ;
- son temps de génération est rapide (1 à 2 h dans un environnement optimal) ;
- il est non pathogène : on trouve Saccharomyces cerevisiae dans notre microbiote, sur la peau, les cavités orales, l'oropharinx, le vagin et le tube digestif[8] ;
- il peut vivre sous forme diploïde et haploïde : croisements faciles et manifestation directe des phénotypes ;
- conservation des processus de biologie cellulaire fondamentaux qui permet des études sur les fonctions ancestrales ;
- son génome est petit.
En 1996, ce fut le premier eucaryote dont le génome d'une de ses souches, S288C[9] a été séquencé[10]. Entreprise considérable pour l'époque, le séquençage du génome de la levure nécessita la collaboration de 641 scientifiques répartis dans 96 laboratoires dans le monde[11]. Leur travail fut coordonné par seize généticiens sous la supervision d’André Goffeau, alors professeur à la Faculté d’ingénierie biologique, agronomique et environnementale de l'université Catholique de Louvain. Son génome nucléaire, composé de 16 chromosomes linéaires, fait 12 millions de paires de bases et contient de 5 800 à 6 572 gènes[12]. On estime que l'Homme partage 23 % de ses gènes avec cette levure.
En 2011 est initié le programme Fungal Genomes Project, afin de séquencer le génome d'espèces plus ou moins proches de la levure (800 génomes décryptés en 2018). À partir de 2013, plusieurs équipes de recherche se concentrent sur Saccharomyces cerevisiae, avec l'objectif de séquencer le génome de 1 011 levures de toutes origines. Leurs travaux permettent de construire un arbre phylogénétique, dans lequel 813 des 1 011 souches se regroupent en 26 lignées. Cet arbre indique que l'espèce la plus proche de S. cerevisiae est S. paradoxus (une levure des arbres décidus) et que les souches de S. cerevisiae les plus proches de S. paradoxus viennent de Chine : S. cerevisiae a très certainement son origine en Chine[13],[14].
L'ensemble des données génomiques concernant Saccharomyces cerevisiae sont rassemblées sur Saccharomyces Genome Database
Médecine
Certaines études ont montré la possibilité d'utiliser une souche appelée Saccharomyces cerevisiae var. boulardii comme médicament pour plusieurs maladies gastro-intestinales [15]ou encore pour réduire le risque de diarrhées associé aux antibiotiques[16].
Les anticorps anti-Saccharomyces cerevisiae sont un outil de diagnostic en médecine pour déterminer le type d'une maladie gastro-intestinale.
Autres usages
Recherche
En laboratoire de Recherche, cette levure est utilisée pour induire une fièvre (pyrexie) chez le rat ou la souris de laboratoire[17].
Valorisation économique d'un sous-produit brassicole
Dans le cadre de l'économie circulaire et de la valorisation des sous-produits agro-industriels, cette levure qui était un déchet industriel brassicole produit sous forme de suspension humide (85-97%), peu coûteuse, abondante (1,7 à 2,3 g par litre de bière produit) et riche en vitamine (avec même un peu de vitamine B12 : 0.12 à 0.33 mg pour 100 g de levure sèche) et en nombreux nutriments intéresse diverses filière.
Peu d'études semblent publiées sur ce sujet, mais la levure de bière contient toutefois souvent des résidus indésirables en quantité importantes, comme :
- le plomb (Pb)[18] ; L'orge qui sert à produire le malt est une graminée hyperaccumulatrice des métaux lourds et en particulier du plomb[19]. Et par ailleurs, la levure de bière a d'ailleurs été étudiée et proposée (2021) comme un puissant agent de fongoremédiation : elle peut être utilisée pour décontaminer des eaux polluées par certaine encres (basiques) et par certains métaux lourds (plomb notamment, source de saturnisme) par exemple pour des eaux acides de drainage minier (source majeure de pollution de l’eau dans les régions minières) ; « un seul gramme de cellules de levure inactives et séchées peut éliminer jusqu'à 12 milligrammes de plomb dans des solutions aqueuses dont la concentration initiale en plomb est inférieure à 1 partie par million. Ils ont également montré que le processus est très rapide, puisqu'il prend moins de cinq minutes. ». Une étude (2020) a analysé 15 échantillons de levure de bière venant de différents pays (teneur moyenne : 0,24 microgramme/gramme de levure)[20]. Une autre (2018) en vait trouvé (pour 10 échantillons) en moyenne 0,16 microgramme/g par gramme pour la levure de bière, et 0,12 pour la levure nutritionnelle[21].Une troisième (2017) sur neuf échantillons traités à différentes températures en avait trouvé en moyenne 0,18 microgramme/gramme, et cette teneur n’était pas affectée par le traitement thermique[22].
- le nickel (Ni)[18] ;
- le lithium (Li) [18].
- des résidus de pesticides issus des cultures d'orge et/ou de houblon.
Par exemple, des résidus de glyphosate (désherbant) était retrouvé en Allemagne dan 6 bières sur 14 en 2020[23] alors qu'en 2007, 9,5 % des céréales testées en Europe par l'EFSA en contenaient[24] et dans l'étude EAT 2 l'ANSES en a retrouvé dans tous les échantillons de céréales infantiles analysés[25].
À condition de gérer ces indésirables, la levure de bière peut devenir une source « verte » de peptides bioactifs[26].
Une suspension de levure résiduelle de bière contient pour plus de 50 % de sa composition (en matière sèche) des protéines, ainsi que des polysaccharides et moindrement des acides ribonucléiques (ARN), des minéraux et fibres et des lipides[26].
On peut, après maturation et via des traitements de rupture de la paroi cellulaire tels que l'autolyse, broyage par billes de verre, l'hydrolyse enzymatique produire un hydrolysat et en extraire des protéines antioxydantes et autres (le fractionnement de l’hydrolysat protéique, via l'ultrafiltration sur membranes, membranes céramiques éventuellement, permet de récupérer des molécules d'intérêt pour l'Industrie (agroalimentaire, biotechnologique et pharmaceutique)[26].
Notes et références
- ↑ (en) « Décret n°93-1074 du 13 septembre 1993 pris pour l'application de la loi du 1er août 1905 en ce qui concerne certaines catégories de pains » (consulté le ).
- ↑ Alix Lefief-Delcourt, La levure de bière, Leduc.s Editions, , p. 22.
- 1 2 Pat Munday, Horsford, Eben Norton (1818-1893), chemist, Oxford University Press, coll. « American National Biography Online », (lire en ligne).
- ↑ Ratledge, Colin. et Kristiansen, B. (Bjørn), Basic biotechnology, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-77917-0, 0-521-77074-2 et 978-0-521-77074-3, OCLC 45326123, lire en ligne).
- ↑ Marx, Jean L. (Jean Landgraf), A Revolution in biotechnology, Cambridge University Press, (ISBN 0-521-32749-0 et 978-0-521-32749-7, OCLC 17731775, lire en ligne)
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» manquant, (ISSN 2068-4215, lire en ligne, consulté le ). - ↑ (en) Gabriela Vollet Marson, Ruann Janser Soares de Castro, Marie-Pierre Belleville et Miriam Dupas Hubinger, « Spent brewer’s yeast as a source of high added value molecules: a systematic review on its characteristics, processing and potential applications », World Journal of Microbiology and Biotechnology, vol. 36, no 7, (ISSN 0959-3993 et 1573-0972, DOI 10.1007/s11274-020-02866-7, lire en ligne, consulté le ).
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- ↑ IARC Monograps Volume 112 - evaluation of five organophosphate insecticides and herbicides [Internet]. 2015 [cité 13 mars 2021] p. 92. (IARC Monographs on the evaluation on carcinogenic risk on huma,). Report No.: 112. Disponible sur: https://monographs.iarc.who.int/wp-content/uploads/2018/06/mono112-10.pdf
- ↑ Étude de l’alimentation totale infantile Tome 2 – Partie 4 Résultats relatifs aux résidus de pesticides [Internet]. ANSES; 2016 sept [cité 8 mars 2021]. Report No.: Tome 2 – Partie 4 Résultats relatifs aux résidus de pesticides. Disponible sur : https://www.anses.fr/fr/system/files/ERCA2010SA0317Ra-Tome2-Part4.pdf.
- 1 2 3 Gabriela Vollet Marson. Concentration and fractionation by membranes of spent brewer’s yeast protein hydrolysate. Chemical and Process Engineering. Université Montpellier; Universidade estadual de Campinas (Brésil), 2020. English. NNT : 2020MONTG015. tel-03847839 |url=https://theses.hal.science/tel-03847839/preview/2020_VOLLET_MARSON_archivage.pdf.
- Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Levure » (voir la liste des auteurs).
Voir aussi
Bibliographie
- Brian D. Slaughter, Sarah E. Smith et Rong Li, « Cell polarity in the budding yeast Saccharomyces cerevisiae », dans Symmetry Breaking in Biology, Cold Spring Harbor Laboratory Press, 1er avril 2010.
Articles connexes
- Saccharomyces Genome Database
- Nomenclature des gènes de levure
- Syndrome d'auto-brasserie
- Levure de bière
- Levure de boulanger
- Rad53, protéine contrôlant la réplication de la levure bourgeonnante
- Levures à bière :
- Dekkera bruxellensis (fermentation spontanée ~ lambic)
- Saccharomyces cerevisiae (fermentation haute)
- Saccharomyces uvarum (fermentation basse)
- Saccharomyces carlsbergensis (fermentation basse)
- Torulaspora delbrueckii (fermentation haute ~ Weizenbier)
- Fermentation de la bière
- fermentation haute
- fermentation basse
- fermentation mixte
- fermentation spontanée
- béta-glucan
- Mannane
- hétérocaryon
- Mannoprotéine
Liens externes
- (en) Référence Index Fungorum : Saccharomyces cerevisiae (+ MycoBank)
- (fr+en) Référence ITIS : Saccharomyces cerevisiae Hansen, 1883
- (en) Référence NCBI : Saccharomyces cerevisiae (taxons inclus)