Nom local |
(en) Bletchley Park |
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Pays | |
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Région | |
Comté cérémonial | |
Borough |
Milton Keynes (borough) |
Ville | |
Coordonnées |
51° 59′ 47″ N, 0° 44′ 33″ O |
Statut | |
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Équipement |
Toilette handicapé (en) |
Fondation |
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Site web |
(en) bletchleypark.org.uk |
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Bletchley Park est un domaine situé dans la ville de Bletchley (faisant partie depuis 1967 de l'agglomération de Milton Keynes), dans le Buckinghamshire, dans le centre de l'Angleterre, et géré par le Bletchley Park Trust, en tant que site historique. Le site abrite actuellement le « National Museum of Computing » (musée national de l'informatique), des bureaux d'entreprises et plusieurs attractions.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Bletchley Park fut le principal site de décryptage du Royaume-Uni, le Government Code and Cypher School (GC&CS), où les chiffres et les codes de plusieurs pays de l'Axe étaient déchiffrés, dont ceux de la machine allemande Enigma et de la machine de Lorenz.
Les initiés surnomment le site « BP »[1],[2]. L'affectation navale des Wrens (Women's Royal Naval Service) embarquées à Bletchley Park est HMS Pembroke V.
Bletchley Park héberge une station secrète d'interception radio, mais aussi une station d'émission. L'interception est rapidement déplacée vers d'autres lieux dont la réception est considérée comme meilleure. La plupart des récepteurs sont donc réinstallés ailleurs. Le nom de guerre de la station est Station X ; London Signals Intelligence Centre et Communications Headquarters. Après la guerre, le GC&CS est rebaptisé GCHQ, Government Communications Headquarters (quartier général des transmissions d'État), nom qu'il porte encore à ce jour[3].
Le renseignement de haut vol obtenu à Bletchley Park, baptisé Ultra, est une composante cruciale de l'effort de guerre des Alliés. Sir Harry Hinsley, vétéran de Bletchley et historien officiel du renseignement britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, déclare qu’Ultra aurait raccourci la guerre de deux à quatre ans et que, sans Ultra, l'issue de la guerre aurait été incertaine[4].
Le site est maintenant administré par le Bletchley Park Trust. L'un des locataires est une entreprise, le BPSIC (Bletchley Park Science and Innovation Centre), qui fournit un revenu de location à la fiducie en échange de bureaux et de services aux jeunes entreprises innovantes[5]. Le BPSIC occupe une partie des anciens bâtiments des casseurs de codes et a contribué à les rénover. Organisation indépendante et bénévole, le Musée national de l'informatique loue un espace à la fiducie pour abriter sa collection d'ordinateurs historiques. Ouvert au public, le musée est géré par le Codes and Ciphers Heritage Trust (fiducie historique des codes et chiffres), organisme indépendant de bienfaisance qui ne reçoit aucun financement gouvernemental ou régional.
Avant la Seconde Guerre mondiale
Les terres du domaine de Bletchley Park faisaient partie de la seigneurie d’Eaton, inclus dans le Domesday Book en 1086. Browne Willis construit un manoir en 1711, mais le manoir est démoli par Thomas Harrison, qui acquiert la propriété en 1793. Le domaine est pour la première fois connu sous le nom de Bletchley Park lorsque Samuel Lipscomb Seckham en devient propriétaire en 1877[6]. La propriété est vendue, le 4 juin 1883, à Sir Herbert Samuel Leon (1850-1926), financier et député libéral. Leon transforme la ferme qui devient le manoir actuel[7].
Le style architectural, qui mélange le gothique victorien, le Tudor et le baroque néerlandais, a fait l'objet de beaucoup de commentaires perplexes et parfois négatifs des travailleurs et des visiteurs au cours de la Seconde Guerre mondiale. La propriété de Leon couvre 235 ha, dont Bletchley Park représente environ 22 ha. L'épouse de Leon, Fanny, est décédée dix ans après lui en 1937[8].
En 1938, le site est vendu à un promoteur qui prévoit de démolir la maison et de reconstruire un domaine. Avant destruction, l'amiral Sir Hugh Sinclair, directeur du renseignement naval et chef du MI6, achète le site. Pour dissimuler la véritable destination du site, les premiers visiteurs officiels se font passer pour « la partie de chasse du capitaine Ridley »[9].
Le domaine situé à quelques minutes à pied de la gare de Bletchley, où la ligne « Varsity » entre les villes d'Oxford et de Cambridge, dont les universités fournissent la plupart des décrypteurs, rencontre la West Coast Main Line (principale ligne ferroviaire de la côte Ouest) (puis LMS) entre Londres, Birmingham, Manchester et Glasgow. À partir de 1938, les services du General Post Office installent les câbles dédiés aux nombreux circuits téléphoniques et télégraphiques, à partir de la station-relais de Fenny Stratford (sur Watling Street, route principale reliant Londres au Nord-Ouest, qui sera, plus tard, désignée A5).
Seconde Guerre mondiale
La première vague du déménagement du Government Code and Cypher School (GC&CS) à Bletchley Park date du 15 août 1939. Le gros du GC&CS, avec ses sections Terre-Air-Mer, est au rez-de-chaussée de la maison composé d'un central téléphonique, une salle téléscripteur, une cuisine et une salle à manger. L'étage du dessus est attribué au MI6.
Les huttes de bois préfabriquées sont toujours en construction. Au grand complet, la « partie de chasse » s'entasse dans la maison, les écuries et les cottages. Ces derniers sont trop petits, si bien que les sections commerciales et diplomatiques s'installent à Elmers School, un internat pour garçons voisin[10].
Les deux machines à rotor électromécaniques allemandes, Enigma et la machine de Lorenz, dont les signaux sont décryptés à Bletchley Park[11], auraient été inviolables, à condition d'être correctement mises en œuvre. Des fautes de procédure permirent aux cryptanalystes du GC&CS de lire une partie des messages chiffrés de ces deux machines[12].
Sous le nom de code « Ultra », le renseignement obtenu à partir des décryptages de Bletchley contribue à la victoire alliée de la bataille de l'Atlantique, ainsi qu'aux victoires navales des batailles du cap Matapan et du cap Nord. En 1941, Ultra a un impact sur la campagne du désert en Afrique du Nord, contre l'Afrika Korps. Le général Claude Auchinleck dit que, sans Ultra, « Rommel serait certainement allé jusqu‘au Caire ». Avant le débarquement en Normandie, le 6 juin 1944, les Alliés connaissent les positions de toutes les divisions allemandes du front occidental (soit 58), sauf deux. Churchill dit des gens de Bletchley « Ces oies qui pondaient des œufs d'or et jamais ne caquetaient »[13].
Lorsque les États-Unis entrent en guerre, Churchill et Roosevelt s'accordent pour mettre leurs moyens en commun. Des cryptographes américains sont affectés à Bletchley Park afin d'être mis au courant. Intégrés à la structure Ultra, ils sont affectés à la Hutte 3. À partir de mai 1943, une coopération prudente est établie entre services britanniques et américains[14]. Les secrets de Bletchley Park ne sont jamais partagés avec l'Union soviétique, qui recevra cependant des informations Ultra, soit officiellement, soit par l'intermédiaire d'une taupe au MI6.
Une seule frappe allemande dans le secteur est recensée : trois bombes, qui visent sans doute la gare de Bletchley, sont larguées dans la nuit du 20-21 novembre 1940. Une bombe éclate à côté de l'entrée des coursiers. L'arrière de la Hutte 4 (renseignements naval) est soufflé d’une soixantaine de centimètres. Comme la hutte repose sur des fondations de briques, des ouvriers la remettent en place en la soulevant au treuil, tandis que le travail continue à l'intérieur[15].
Recrutement et fonctionnement
De sa création en 1919 jusqu'en 1942, le capitaine de frégate Alastair Denniston commande le GC&CS depuis de la salle 40 de l'Amirauté (NID25) et la salle MI1b du War Office[16]. Le , Denniston écrit au ministère des Affaires étrangères afin de recommander le recrutement d'hommes « du genre professeur »[17]. Les réseaux personnels sont utilisés, en particulier aux universités de Cambridge, Oxford et Aberdeen. Par contacts personnels, des femmes de confiance sont recrutées pour les tâches administratives[18]. C'est un recrutement de « binoclards et de débutantes »[19]. Ce sont les « Dilly's Fillies (Pouliches de Dilly ; Dilly Knox). Les archives où sont affectées la plupart des femmes sont « The Deb's Delight (Délice des Débutantes) ». Churchill est réputé avoir dit à Denniston : « À propos de ce recrutement, je sais que je vous avais dit de ne pas laisser une pierre non retournée, mais je ne pensais pas que vous me prendriez au mot[20]. »
Les cryptanalystes sont sélectionnés pour leur intellect, qu'ils soient linguistes, champions d'échecs, experts en mots croisés, polyglottes ou mathématiciens. Le GC&CS est surnommé la « Golf, Cheese and Chess Society (Club Golf, Fromage et Échecs) »[21]. En un cas précis, le test consiste à faire les mots croisés du Daily Telegraph en moins de 12 minutes. Le journal est prié d'organiser le concours, après quoi on demande à chacun des lauréats s'il est prêt à s'engager dans « un type particulier de travail contribuant à l'effort de guerre ». Le grand gagnant est F. H. W. Hawes, de Dagenham, (Essex), qui finit en moins de huit minutes[22].
Les nouveaux venus font leurs classes de briseurs de codes à l'Inter-Service Special Intelligence School (école spéciale de renseignements interarmées) créée par John Tiltman. D'abord située dans un dépôt de la RAF à Buckingham, l'école est déplacée dans une ex-salle d'exposition de la compagnie du gaz à Ardour House, au 1 Albany Road, Bedford, localement célèbre en tant qu'école d'espions[23].
Inauguré par la Section Air de la Hutte 10, sous la direction de Josh Cooper, le travail en trois tiers (ou bordées), devient rapidement la norme dans le site entier. Les bordées alternent de 16 h à minuit, minuit à 8 h (quart le moins apprécié), et 8 h à 16 h. Le personnel, qui travaille six jours par semaine, tourne sur les trois horaires. Trente minutes sont accordées pour le repas repas, au milieu du quart. Au bout de trois semaines, le nombre d'heures travaillées atteignent parfois jusqu'à 16 heures par jour. L'irrégularité des horaires affecte la santé et la vie sociale. La plupart des employés sont logés à proximité, dans des maisons particulières. Les missions, de par leur exigence et leur intensité, impactent la santé de plusieurs membres du personnel, qui sont alors contraints de prendre un congé. Chaque employé a droit à une semaine de vacances, quatre fois par an[24].
En , Denniston est muté à Londres où il prend la direction d'une division civile et diplomatique tout en gardant le titre théorique de directeur-adjoint de BP. Il est remplacé par Edward Travis.
En , quelque 9 000 militaires et civils travaillent à Bletchley Park[25]. Plus de 12 000 (dont plus de 80 % de femmes) y ont fait des apparitions, à un moment ou à un autre de la guerre. Un nombre plutôt faible est employé à temps partiel, des hommes qui montent un quart par semaine (par exemple en tant qu'employés des bureaux de poste, experts en morse ou en allemand). Parmi les mathématiciens et cryptanalystes, le plus influent et le plus connu est Alan Turing, unanimement reconnu en tant que « père de l'informatique ».
Sécurité
Le décryptage de chiffres ennemis est une activité très sensible. Les Allemands améliorent la sécurité d'Enigma, ce qui exige du GC&CS des efforts supplémentaires. La Kriegsmarine provoque un trou noir, de février à décembre 1942, lorsqu’elle embarque des Enigma à quatre rotors à bord des U-boot[26].
La moindre amélioration des politiques ou des procédures de mise en œuvre aurait pu mettre en échec le déchiffrement pendant des mois, voire de façon définitive. Sachant que le moindre soupçon aurait pu conduire à un tel tournant, les autorités de BP sont très soucieuses de sécurité[27]. En tant que membres de services spéciaux, tous les gens impliqués signent la loi sur le secret (1939). Ils reçoivent l'injonction de ne jamais parler de leur travail, hors de leur section et s'engagent par écrit. Un bulletin de sécurité de mai 1942 énumère :
« Ne parlez pas pendant les repas ...
Ne parlez pas dans les transports ...
Ne parlez pas en voyageant ...
Ne parlez pas dans votre cantonnement ...
Ne parlez pas au coin de votre feu ...
Soyez prudent, même dans votre hutte [28]... »
Le strict respect de ces contraintes et l'obligation de ne jamais poser des questions sont bien acceptés, dans un pays où fleurissent les affiches de propagande Careless Talk Costs Lives (les discussions imprudentes coûtent des vies)[29]. Les gens de BP craignent d'être blâmés en tant que planqués[30]. Le secret dure jusqu’à la publication (1974) du livre de Winterbotham, The Ultra Secret[31]. Plusieurs anciens se sentent alors libres de révéler quel fut leur travail du temps de la guerre. Même 70 ans plus tard, d'autres s’estiment encore tenus au silence[32].
Bulletins de renseignement
Une menace permanente : que des opérations militaires irréfléchies ou toute autre action des Alliés n'alertent l'ennemi de la possibilité que ses chiffres sont brisés. En tel cas, l'ennemi aurait sans doute introduit des modifications de politique et de procédure, voire du matériel. De telles modifications auraient rendu insuffisantes les méthodes de crypto analyse, avec les plus graves implications dans la conduite de la guerre.
Le cloisonnement entre le déchiffrement des messages et la diffusion des renseignements obtenus implique une réécriture afin que les messages interceptés retombant sous le regard de l'ennemi ne puissent livrer d'indication sur sa provenance. Dans le cas de la Heer et de la Luftwaffe, le déchiffrement est effectué par la Hutte 6, l'archivage de la traduction et le recoupement, en Hutte 3. C'est seulement alors que les renseignements sont expédiés au Secret Intelligence Service (MI6), aux chefs du renseignement des ministères concernés, et plus tard, aux commandants en chef devant l'ennemi[35].
Les trafics de l'Enigma navale sont traités de façon comparable. Le décryptage est fait par la Hutte 8 et la traduction par la Hutte 4. Les traductions brutes sont envoyées uniquement à la NID, Naval Intelligence Division (division renseignements marine) de l'OIC, Admiralty's Operational Intelligence Centre (centre de renseignement opérationnel de l’Amirauté), complétées par des indications sur la signification des termes techniques et des abréviations, et d'informations recoupées en provenance d'une banque de données de technologie navale allemande[36].
La Hutte 4 lit le chiffre manuel des chantiers navals, ce qui permet à la Hutte 8 d'attaquer au texte clair connu les clefs du jour de l’Enigma navale[37].
Stations d'écoute
Au début, une salle de TSF, nom de code Station X, est mise en place à BP, sur le château d'eau de la maison[38], Ce nom de code est parfois employé pour désigner le GC&CS entier. En fait, ce "X" est le chiffre romain «dix», car c'est la dixième station ouverte par le Secret Intelligence Service. Les grandes antennes sont peu discrètes. La station X déménage près de Hall Whaddon[39],[40].
Par la suite, d'autres stations Y, (celles de Chicksands (Bedfordshire), de Beaumanor Hall (Leicestershire), siège du quartier général du groupe "Y" du War Office) et la station Y de Beeston Hill (Norfolk), envoient leurs signaux bruts à BP pour traitement. Transcrits sur papier, à la main, les messages chiffrés sont expédiés à BP par courriers à moto, plus tard par téléscripteur. BP est surtout connu pour avoir cassé des messages chiffrés sur la machine de chiffrement allemande Enigma, mais sa plus grande réussite cryptographique fut peut-être le décryptage du téléscripteur allemand en ligne Lorenz (nom de code anglais Tunny).
Transmissions allemandes
La majorité des messages chiffrés mécaniquement soumis à la cryptanalyse à Bletchley Park est le produit d'une des variantes de la machine de chiffrement Enigma. Cinq semaines avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, à Varsovie, le Biuro Szyfrów dévoile le décryptage partiel de l’Enigma allemande à des agents de services français et britannique[12]. Les Britanniques utilisent les tuyaux et les techniques des Polonais. La copie d’Enigma envoyée en août 1939 permet d'améliorer leur capacité jusqu'alors très limitée de décryptage d'Enigma[41].
La bombe est un engin électromécanique dont la fonction est de trouver les réglages quotidiens des machines Enigma des différents réseaux de télécommunication militaires allemands[42],[43],[44]. La spécification est d'Alan Turing avec une importante contribution de Gordon Welchman. L'ingénierie est le fruit du travail d’Harold 'Doc' Keen de la British Tabulating Machine Company à Letchworth Garden City. Chaque machine, qui fait environ 2,1 m (7 pieds) de large, 1,98 m (6 pieds 6 pouces) de hauteur, 0,61 m (2 pieds) de profondeur, pèse environ une tonne[45].
À son apogée, le GC&CS lit environ 4 000 messages par jour[46]. En raison des risques de bombardement aérien[47], les bombes sont dispersées à Adstock, Gayhurst, et Wavendon[48]. Plus tard, les bombes de Wavendon et Adstock sont déplacées à Stanmore et Eastcote, bien que le site Gayhurst ait été retenu. Les quelques bombes laissées à BP servent seulement à des fins de démonstration et de formation[49].
Les trafics de la Luftwaffe sont les premiers à être lus en nombre. La Kriegsmarine avait des procédures beaucoup plus strictes, il a fallu capturer des livres de codes. Lorsque, en février 1942, la Kriegsmarine introduit un quatrième rotor dans l'Enigma des U-Boots de l’Atlantique, le trafic devient illisible pendant dix mois[50]. La Grande-Bretagne produit des bombes modifiées. Dès la mi-1943, la bombe de l’US Navy produite à des centaines d'exemplaires permet de lire l'Enigma des U-Boots jusqu'à la fin de la guerre.
La téléscripteur de chiffrement en ligne Lorenz (SZ40/42), nom de code à BP « Tunny (thon) », est bien plus complexe qu'Enigma. Mise en service à la mi-1942, elle sert aux trafics entre l'état-major général et les commandements d'armées. Grâce aux erreurs des chiffreurs, l'équipe de Testery (d'après Ralph Tester, son chef) travaille sur la structure logique de cette machine dont nul ne connait l'architecture. Elle conçoit des automates dont l'aboutissement est Colossus, premier ordinateur électronique numérique programmable au monde, conçu et construit par Tommy Flowers et son équipe du centre de recherche des Postes de Dollis Hill. Livré à BP en décembre 1943, le premier est mis en service au mois de février suivant. Des améliorations sont développées pour le Colossus Mark 2, dont le premier exemplaire démarre à BP, le matin du 6 juin 1944. Flowers produit ensuite un Colossus par mois jusqu'à la fin de la guerre, soit un total de dix avec un onzième partiellement construit. Les machines sont armées par des Wrens, dans la section Newmanry (du nom de l'inventeur Max Newman).
Transmissions italiennes
Les transmissions italiennes sont écoutées depuis l'agression de l'Abyssinie (1935). Pendant la guerre civile espagnole, la marine italienne utilise le modèle K de l'Enigma commerciale sans tableau de connexions, cassé par Dilly Knox en 1937. Quand l'Italie entre en guerre, en 1940, une version améliorée de la machine est utilisée, mais peu de trafic transite par elle, tandis qu'il y a "de gros changements" dans les codes et chiffres italiens. Knox fonde une nouvelle section afin de travailler sur les variantes d’Enigma. La section comprend des femmes, « les chouchoutes de Dilly », dont Mavis Lever, 19 ans, qui décrypte les plans opérationnels de la Marine italienne avant la bataille du cap Matapan en 1941. Bien que les employés de BP ne soient normalement pas tenus au courant des résultats de leurs travaux, l'amiral Cunningham visite Bletchley Park en personne quelques semaines plus tard pour les féliciter[51].
En juin 1940, les Italiens utilisent des codes manuels pour la plupart de leurs messages militaires. Seule exception, la marine italienne, qui, après la bataille du cap Matapan commence à utiliser la version C-38 de la machine de chiffrement à rotor Hagelin, notamment pour transmettre aux convois de la marine marchande à destination du théâtre d’Afrique du Nord[4]. En conséquence, JRM Butler recrute et affecte son ancien élève Bernard Willson à une équipe de la Hutte 3, avec deux autres personnes[52],[53]. En juin 1941, Willson parvient le premier à percer le système Hagelin, permettant ainsi à la Royal Navy et à la Royal Air Force de couler les convois de ravitaillement de l'Afrika Korps. À la lecture du trafic intercepté, l'équipe apprit que, entre mai et septembre 1941, les stocks de carburant de la Luftwaffe en Afrique du Nord avaient été réduits de 90 %[54]. Après un cours intensif de langue, en mars 1944, Willson se pencha sur les codes basés sur la langue japonaise[55].
Le MEIC, Middle East Intelligence Centre (centre de renseignement du Moyen-Orient), est créé au Caire, en 1939. Quand l'Italie entre en guerre (juin 1940), des retards du transfert des interceptions à Bletchley Park, dus à l'encombrement des fréquences, exigent l’envoi au Caire de cryptanalystes, en juillet et août. Le CBME, Combined Bureau Middle East (bureau combiné du Moyen-Orient) est créé en novembre, quand les autorités du Moyen-Orient émettent des «plaintes de plus en plus acerbes» à l'égard du GC&CS qui, selon elles, donne trop peu de priorité aux chiffres italiens. Toutefois, on persiste, par principe, à concentrer les meilleurs cryptanalystes à Bletchley Park[56]. John Chadwick commença ses travaux de cryptanalyse, en 1942, sur les transmissions italiennes, à la base navale HMS Nile d'Alexandrie. Plus tard, il est au GC&CS du Musée Héliopolis du Caire, puis à la Villa Laurens d'Alexandrie.
Transmissions soviétiques
Les transmissions soviétiques sont épiées depuis les années 1920. En 1939-40, John Tiltman (qui travaillait le trafic de l'armée de terre soviétique depuis 1930) met en place deux sections russes à Wavendon (maison de campagne près de Bletchley Park) et à Sarafand, Liban. Deux systèmes de cryptage haute qualité sont brisés, ceux de l’armée de terre soviétique et de la marine. Tiltman passe deux semaines en Finlande, et il obtient le trafic soviétique depuis la Finlande et l'Estonie, en échange de matériel radio. En juin 1941, l'Union soviétique devient une alliée. Churchill ordonne l'arrêt des opérations de renseignement contre elle. En décembre 1941, la section russe est fermée, mais, à la fin de l’été 1943 ou à la fin de 1944, une petite section russe du GC&CS est mise en place à Londres sur Park Lane, puis à Sloane Square[57].
Transmissions japonaises
Un avant-poste du GC&CS est installé à Hong Kong dès 1935, le FECB, Far East Combined Bureau (bureau combiné d'Extrême-Orient). En 1940, les marins du FECB déménagent à Singapour, puis à Colombo, à Ceylan, puis à Kilindini, à Mombasa, au Kenya, où ils déchiffrent les codes japonais, grâce à un mélange d'habileté et de chance[58]. Les terriens et les aviateurs vont à Singapour, au Wireless Experimental Centre (Centre expérimental sans fil) à Delhi, en Inde. Au début de 1942, un stage intensif de six mois en langue japonaise, pour 20 étudiants d'Oxford et de Cambridge, est lancé par l’Inter-Services Special Intelligence School (école du renseignement spécial inter-armées) de Bedford, dans un immeuble, face à la poste principale. Ce stage est répété tous les six mois, jusqu'à la fin de la guerre.
La plupart de ceux qui réussissent le stage sont mis aux trafics navals japonais, dans la Hutte 7, sous la direction du colonel John Tiltman. À la mi-1945, plus de 100 personnes avaient participé à cette opération, en coopération étroite avec la CFSB et le US Army Signals Intelligence Service (service du renseignement transmissions de l'armée de terre) d'Arlington Hall, Virginie. Conséquence de ces efforts inter-alliés, en août 1945, la marine marchande japonaise accuse 90 % de pertes en mer.
En 1999, Michael Smith écrit « C'est seulement maintenant que les cryptographes britanniques (tels John Tiltman, Hugh Foss, et Eric Nave) commencent à être reconnus pour avoir cassé les codes et chiffres japonais »[59].
Bâtiments supplémentaires
Une grande partie des travaux était conduite à l'intérieur du manoir et de ses dépendances, écuries, cottages des domestiques. D'autres bâtiments sont élevés à mesure du développement du centre. Outre les célèbres « huttes » construites en bois, plusieurs bâtiments de briques, les « blocs» furent construits. Les murs étaient doublés de parapets anti souffle, tandis que les toits étaient couverts de revêtements de protection contre les retombées d'éclats d'obus antiaériens. Les bâtiments étaient reliés par des couloirs.
Les huttes étaient désignés par des numéros, dans certains cas, le numéro des huttes fut associé au travail qui était réalisé à l'intérieur de ces bâtiments aussi bien qu’aux bâtiments eux-mêmes. Pour cette raison, quand une section était déplacée d'une hutte dans un bâtiment plus grand, elle était toujours désignés par leur nom de code de « Hutte »[60].
Quelques numéros de huttes, et le travail associé[61] :
- Hutte 1 – la première hutte, construite en 1939[62] servant à abriter la station TSF[38], puis plus tard des fonctions administratives telles que le transport, la dactylographie et la maintenance des bombes. La première bombe, «Victory» fut d'abord installée à l’intérieur[63]
- Hutte 2 – une hutte de loisirs pour la « bière, le thé et la détente », d'après la petite coursière Mimi Galilée[64].
- Hutte 3 – renseignements : traduction et analyse de décryptages, Luftwaffe et Heer (armée de terre allemande)[65]
- Hutte 4 – renseignement naval : analyse de décryptages (Enigma navale et machine C-36)[66]
- Hutte 5 – renseignement militaire (chiffres italiens, espagnols, portugais) et codes de la police allemande[67]
- Hutte 6 – cryptanalyse de l'Enigma de la Luftwaffe et la Heer[68]
- Hutte 7 – cryptanalyse des codes navals et des services de renseignements japonais[69],[70]
- Hutte 8 – cryptanalyse de l'Enigma navale[36]
- Hutte 10 – codes du Secret Intelligence Service (SIS ou MI6), départements Air et Météo[71]
- Hutte 11 – fabrication de bombes[72]
- Hutte 14 – centre de transmissions
- Hutte 15 – SIXTA (Hut Six Traffic Analysis): analyse du trafic décrypté dans la Hutte 6
- Hutte 16 – ISK (Intelligence Service Dilly Knox), trafic radio de l'Abwehr, chiffre Enigma
- Hutte 18 - ISOS (Intelligence Section Oliver Strachey), trafic radio de l'Abwehr, chiffres manuels.
Bâtiments de briques, ou « blocs » :
- Bloc A – renseignement naval
- Bloc B – décryptage de codes italiens (aviation et marine) et des codes japonais
- Bloc C – Stockage de l’essentiel de l’index à cartes perforées
- Bloc D – Travaux sur Enigma, extension des Huttes 3, 6 et 8
- Bloc E – émetteurs/récepteurs radio et machines Typex ;
- Bloc F - analyses (« Newmanry » et « Testery ») et aviation militaire japonaise. Il a depuis été démoli.
- Bloc G – analyse de trafic et opérations de déception
- Bloc H – machines Lorenz et Colossus (aujourd'hui National Museum of Computing).
Les circuits
Les messages cryptés interceptés par les stations d'écoute britanniques sont transmis à Bletchley Park. Le réseau émetteur est identifié par le discriminant (Kenngruppe), ex: JEU, mentionné par le préambule du message. À chaque discriminant, les Britanniques affectent un mot-code qui distingue le réseau émetteur. Quelques exemples : Red (trafic général de la Luftwaffe), Yellow (liaisons Heer/Lufwaffe en Norvège, 1940), Scorpion (liaisons Afrika Korps/Luftwaffe en Libye, mai 1942), Dolphin (Kriegsmarine), Shark (U-Boot), etc. La coopération inter-armées (terre-air-mer) en vigueur dans la Wehrmacht est telle que le trafic de certains des réseaux de l'une de ces armées fournit des renseignements sur les deux autres armées. Les réglages des codes changent à minuit. Dans de bonnes conditions, les cryptanalystes de service la nuit trouvent pendant leur veille les clefs qui seront exploitées par les équipes de jour.
Hutte 6
Des messages cryptés étiquetés Red arrivent à la Hutte 6 dirigée par Gordon Welchman et Dennis Babbage. Il s'agit de trouver la clé du réseau de trafic général de la Luftwaffe pour ce jour-là. Mais les messages d'une multitude d'autres réseaux pleuvent sur la Hutte 6 dont les cryptanalystes sont débordés.
Les premiers mois, les calculs sont effectués à la main. On essaie les trucs des cryptographes polonais, telle la méthode de l'horloge, la méthode du gril et les feuilles de Zygalski.
John Herivel, extrait de Cambridge où il étudiait les mathématiques, imagine une méthode de simplification, le "Herivel Tip (tuyau d'Herivel)". L'hypothèse de base est qu'un chiffreur Enigma négligent ou débordé ne suit pas la procédure de mise en œuvre, il ne brouille pas l'affichage des rotors en début de journée, la disposition reste à peu près la même que celle de la veille, à quelques lettres près. Si les chiffreurs indisciplinés sont nombreux, alors il n'y a plus une infinité de combinaisons d'affichage des trois rotors, mais une soixantaine seulement. Le lendemain, une trentaine, etc. Pendant plusieurs semaines, les cryptanalystes essaient en vain cette recette. L'enjeu est vital, car les bombes ne sont pas encore en service et les copies d'Enigma sont rares. Dès le début de l'offensive du 10 mai 1940, ça marche et ça dure. Le trafic Red est lu couramment. Herivel est présenté à Churchill.
Dès que les cryptanalystes ont trouvé la clef d'un message, c'est-à-dire dès qu'ils ont aligné une vingtaine de mots allemands lisibles au moyen de cette clef, ce message et tous les messages originaires du même réseau, le même jour, sont passés à la section de décryptage, avec la bonne clef.
Munis de la clef, les décrypteurs déchiffrent les messages, à l'aide de machines Tipex et de copies d'Enigma. En cas de difficulté, ils consultent les cryptanalystes. Les messages décryptés passent alors à la Hutte 3[73].
C'est au sein de la Hutte 6 que Jane Fawcett et ses collègues décryptent le 25 mai 1941 la localisation et la destination du cuirassé allemand le Bismarck, ce qui mène à l'attaque du navire allemand par la Royal Navy et à son naufrage le 27 mai 1941.
Hutte 3
Le job de la Hutte 3, dont le premier chef fut le capitaine de corvette Saunders, Royal Navy, est de traduire le sens du message décrypté, de lui affecter un degré d'importance et d'urgence, et de rendre compte à Londres, en fonction de ces paramètres.
La traduction est effectuée par des germanistes classiques parfois déroutés par l'allemand de chambrée et la terminologie technico-militaire, surtout au début de la guerre, avant la constitution de fichiers croisés et de bibliothèques de documents de référence, d'autant qu'il manque souvent des mots ou des bouts de phrase. Les traducteurs sont aidés par des conseillers militaires des trois armées (terre-air-mer) qui mettent à profit des renseignements d'autres sources (service topographique, stations de radiogoniométrie, analyse de trafic, etc.). Ces conseillers militaires décident des priorités.
En une occasion, le conseiller militaire est un jeune et brillant don de Cambridge, quatre mois de peloton d'officier de réserve, qui a appris l'allemand à Munich dont il a étudié l'histoire médiévale pendant un an. Il lui semble, dans un message particulièrement corrompu, que les mots « 21e Panzerdivision » sont associés à un charabia qui pourrait peut-être signifier « Auffrischung (repos et remise en condition) ». Faut-il ou non signaler de toute urgence que Rommel s'apprête invraisemblablement à retirer de Libye la moitié de sa force de frappe[74] ?
RAF Cheadle
À Cheadle, une annexe de la Hutte 3. RAF Cheadle traite les signaux tactiques de la Luftwaffe, dont les appareils à long rayon d'action émettent en morse, les autres en phonie. Un millier d'articles (phrases, mots, lettres) sont convertis en nombres de trois chiffres par un livre de code. Chaque groupe de trois chiffres est reconverti en un groupe aléatoire de trois lettres, au moyen d'un tableau imprimé sur une fiche. Le livre de code ne change pratiquement pas, mais les fiches sont remplacées de temps à autre. Presque tout ce trafic est facilement intercepté par des radios expérimentés. Au début, les interceptions sont transmises à BP où elles sont décodées par un binôme (un prof de Cambridge et un Russe à l'accent épouvantable) qui reconstitue les tables de substitutions ensuite utilisées par quatre traducteurs, jeunes diplômés de Cambridge dont l'allemand est parfait. Le système ne marche pas. Les traducteurs partent alors pour Cheadle où ils travaillent avec la RAF. Les messages reçus sont décodés aussi vite par les Anglais que par les Allemands. Les codes ennemis changent alors tous les jours.
Les signaux tactiques donnent toutes sortes de renseignements. Le début des émissions signifie que des aéronefs vont prendre l'air. L'alerte est donnée aux services concernés, défense côtière, batteries anti-aériennes. À l'aller et au retour, les intrus signalent le passage des points de repère, les avaries. Tous les jours, Cheadle fait à BP un rapport complet, route et minutage des raids, trafics interceptés, changements d'indicatifs et de fréquences. Tout est mis à profit, signaux de détresse, fautes de procédure, interrogatoires de prisonniers, documents capturés. La liste des indicatifs (trois caractères alphanumériques) est reconstituée. Cheadle finit par identifier toutes les unités ennemies[75].
Hutte 7
La Hutte 7, dirigée par Hugh Foss, excentrique notoire, sous la férule de Frank Birch, chef de la Naval Section du GC&CS, est chargée des codes navals japonais (JN4, JN11, JN40, JN25, etc.). Elle fournit des cryptanalystes et des linguistes aux postes avancés du WEC (Wireless Experimental Centre) de Delhi et du FECB (Far East Combined Bureau) : Hong Kong, Singapour, Colombo, Kilindini (Kenya). Bletchley coopère avec l'US Navy Code and Signals Section ou OP-20-G de Washington, et avec FRUMEL (Fleet Radio Unit Melbourne), unité mixte GB/USA/Australie. La Hutte 7 apporte sa modeste contribution à l'effort massif de l'US Navy.
Dès la fin des années 1920, Eric Nave, trésorier de marine australien, lit les premiers codes navals japonais. En 1934, l'équipe de Hugh Foss casse un chiffre diplomatique nippon. En 1939, le fantassin John Tiltman, qui gagné la Military Cross dans les tranchées, lit le JN25. Au fil des ans, la marine japonaise alterne des dizaines de livres de code et de chiffres manuels, mais aussi des machines électriques de chiffrement, JADE, CORAL, de la même technologie que PURPLE.
Des linguistes et cryptographes potentiels sont contactés à Cambridge et Oxford, sur recommandation de leurs maîtres. Le candidat recherché est un brillant étudiant en langues rares ou disparues, musicien amateur, champion d'échecs et de mots croisés. Les recrues sont triées sur le volet par une commission qui comprend le colonel Tiltman. Les heureux élus ont à BP un entretien avec leur futur chef de section. En Angleterre, peu de spécialistes du japonais. Il est admis que la formation de linguistes prendrait au moins deux ans. En février 1942, un programme accéléré de six mois est lancé à Londres par le capitaine de vaisseau Oswald Tuck, Royal Navy. Les élèves n'apprennent que les termes et la syntaxe qu'ils trouveront dans les messages à décrypter. Ils ne sauront jamais demander l'heure en japonais. Le stage fournit des interprètes et des traducteurs aux trois armées (terre-air-mer) et au Foreign Office. Ceux qui sont affectés à l'armée de terre subissent un dressage soigné, avant d'être promus sergents-majors, puis officiers, après un peloton plus humain. Certains des lauréats sont affectés à BP, d'autres à Londres pour y travailler avec le capitaine de vaisseau Kennedy. Les décrypteurs sont formés sur le tas. Par la suite, on emploie des cryptanalystes sans qualification de japonais, puisqu'il s'agit essentiellement de manipuler des nombres de quatre ou cinq chiffres. Certains cryptanalystes toutefois recevront plus tard une formation sommaire de langue japonaise.
En août 1942, la « Japanese Naval Section » comprend quarante personnes. D'abord hébergée à Elmer School, près du GC&CS, elle entre à BP, fin 1942. En février 1943, elle est à la Hutte 7. Plus tard, elle s'étend au Bloc B[76].
Hutte 8
Le trafic Dolphin amerrit à la Hutte 8 qui traite les réseaux de l'Enigma navale, sous la direction d'Alan Turing, Hugh Alexander, Peter Twinn ou encore Joan Clarke (qui en est la responsable adjointe en 1944[77]). Les manuels allemands de messages courts permettent de résumer, en quelques lettres sibyllines, à peu près toutes les situations. Les textes de la Kriegsmarine sont laconiques, sans répétitions, sans « cillies ». La clef du message n'est pas choisie au hasard, mais codée à partir de tables de bigrammes. L'ordre des rubriques varie d'un message à l'autre. Les alphabets, les nombres, les carroyages cartographiques sont manipulés.
Les cryptanalystes reconstruisent les tables de bigrammes au moyen de « cribs » (antisèches) et d'une « bombe » qui déduit l'ordre des rotors et les permutations du tableau de connexions. La disposition des bagues des rotors, la position initiale des rotors ce jour-là et la clef de chaque message sont calculées à la main. Les rares messages décryptés par chance sont périmés.
Un « Catalogue de Eins » est édité. Exemple : avec les rotors disposés sur ABC, EINS (c'est le chiffre 1) crypté au clavier peut donner LDBF. Les 17 575 versions cryptées de EINS sont alphabétiquement classées dans le catalogue, vis-à-vis des réglages correspondants. Si les cryptanalystes trouvent LDBF dans un texte crypté, il se peut que les rotors aient été disposés sur ABC au moment où le chiffreur avait frappé EINS au clavier.
Le « Banburisme » est une technique manuelle utilisant des feuilles d'un carton fabriqué à Banbury qui permet d'écarter 333 des 336 ordres de rotors d'une Enigma, ce jour-là. Les trois solutions restantes sont triées par une bombe. La procédure permet de gagner un temps précieux, car les bombes sont partagées avec les cryptographes chargés de l'armée et de l'aviation allemandes. Mais cette attaque n'est possible que lorsque les tables de bigrammes sont connues. À l'été 1943, il y aura assez de bombes pour casser l'Enigma des eaux territoriales allemandes en testant les cribs sur les 336 ordres de rotors.
Le jardinage (gardening) consiste à larguer en mer du Nord des mines dont la position est exactement connue, dans l'espoir que le trafic des chasseurs de mines allemands fournira des cribs utilisables.
Les cryptanalystes exploitent d'autres sources, analyse de trafic, documents et matériels capturés. Trois des rotors de l'Enigma de l’U-33 coulé le ont été récupérés. À bord du faux chalutier Polares (), la Royal Navy saisit des textes en clair et leur version cryptée qui permettent à Turing de comprendre certaines particularités de l'Enigma navale. Le , saisie, à bord du chalutier Krebs, des clefs Enigma utilisées dans les eaux territoriales allemandes. Le , abordage du chalutier München où les Anglais dénichent une feuille de réglages internes pour juin 1941 et deux feuillets de réglages externes.
Le 9 mai 1941, les entrailles de l’U-110 abandonné après grenadage et sabordage livrent une Enigma navale, tous les réglages internes et externes, plus toutes les tables de bigrammes pour mai et juin, le manuel de double cryptage « officiers », le manuel de messages courts et celui de messages météo. Non seulement les décrypteurs peuvent lire tout le trafic de mai-juin 1941, mais encore les cryptanalystes sont désormais en mesure de paramétrer leurs bombes dont le nombre et la capacité restent encore insuffisants. À partir du , trou noir inexpliqué. En , capture de l'U-570. On y trouve le boîtier d'une Enigma à quatre rotors. Ce trafic illisible est baptisé Shark.
Le trafic des sous-marins n'est réellement lu que pendant les périodes couvertes par les documents capturés. Finalement, la radiogoniométrie est le seul moyen de localisation. Il faudra patienter jusqu'à la mi-1943, quand la capacité combinée des centaines de bombes produites aux États-Unis et au Royaume-Uni permettra de lire Shark. À cette date, les U-Boot ont déjà été chassés de l'Atlantique-Nord par la seule puissance militaire des marines alliées[78].
Hutte 4
La Hutte 8 fait passer ses décryptages à la Hutte 4 ou Naval Section ou "Z-Watch (Bordée Z)" dirigée par Frank Birch, pour traduction et évaluation des priorités. L'équipe de traduction, animée par Walter Eytan, dit Ettinghausen, germaniste d'Oxford mobilisé dans le Royal Tank Corps, futur ambassadeur d'Israël en France, est divisée en trois groupes qui montent le quart par tiers. L'un des chefs de groupe est un homme d'affaires célèbre pour son sens pratique. Sous sa houlette, un spécialiste des langues modernes et un égyptologue d'Oxford spécialiste de langues mortes. Dans un autre groupe, le chef est un universitaire passionné de papyrologie grecque qui supervise une Wren (marinette) germaniste d'Oxford et un professeur d'allemand de Cambridge.
Les textes allemands décryptés ont été dactylographiés par groupes de cinq lettres (comme les interceptions) sur des rubans collés sur des feuilles de papier. Le no 2 du groupe de quart trie rapidement les messages. Quelquefois, le message porte le degré d'urgence de la Kriegsmarine : soit SSD pour « sehr sehr dringend (très très urgent) », soit KR ou KRKR pour « ich habe ein Kriegstelegram (j'ai un télégramme de guerre) ». Les plus importants pour l'amirauté britannique sont remis au no 3 qui traduit rapidement en anglais cursif, agrafe la feuille au décryptage, donne un coup de tampon (ex : ZTPG/4793) et fait passer à une WAAF qui faxe à l'amirauté, après avoir ajouté les initiales du no 1.
Quand, pour une raison quelconque, le message a été corrompu entre l'émission et le décryptage, il incombe au traducteur de faire de son mieux, en fonction de sa maîtrise de l'allemand, du contexte et de la situation opérationnelle connue, afin de reconstituer un texte allemand lisible qui sera traduit en anglais clair et simple.
Or nul traducteur n'est marin de métier. La terminologie technique est inconnue dans toutes les langues. Comment traduire le parler matelot allemand, les mots qui se rapportent aux coques, aux machines, à l'armement ? Au fil des ans, un bureau spécialisé (Naval Section VI) de la Hutte 4 compile un dictionnaire allemand-anglais des termes de marine. Une équipe de renseignements crée une bibliothèque d'ouvrages spécialisés, cartes, instructions aux pilotes, dans toutes les langues, manuels anglais, allemands, italiens, français et, plus tard, japonais. Les bibliothécaires enrichissent des fichiers de références croisées au profit d'un petit groupe de chercheurs, universitaires distingués. Les documents techniques ennemis capturés sont décortiqués et expliqués par des réfugiés politiques germanophones, scientifiques et ingénieurs[79].
Hutte 15
La Hutte 15 abrite la SIXTA (Hut 6 Traffic Analysis). L'analyse de trafic permet de localiser et de suivre à la trace les unités ennemies, d'établir leurs relations, en vue de reconstituer l'ordre de bataille ennemi, sans qu'il soit pour autant nécessaire d'écouter, décrypter ou traduire les transmissions ennemies. C'est une source de renseignements quant aux intentions de l'adversaire. Le simple silence radio peut signifier que l'ennemi prépare quelque chose. Exemple : la Wehrmacht avant l'offensive du 10 mai 1940. Qui parle à qui ? On reconstitue l'architecture des réseaux, donc l'ordre de bataille. Qui parle quand ? On établit une relation entre la station et l'événement. Les mutations d'opérateurs (identifiés grâce à leur touche) peuvent trahir la peur d'être localisé. L'analyste de trafic est un parent du cryptanalyste qu'il aide à décrypter les indicatifs radio, les termes de topographie, à identifier les unités, les chefs, etc.
Les débuts ont été ingrats. Alors que le porte-avions HMS Glorious rentre de Norvège, l'analyse du trafic de la Kriegsmarine établit que les croiseurs Scharnhorst et Gneisenau ont mis le cap sur la mer du Nord. Homme de liaison du GC&CS, Harry Hinsley téléphone à l'OIC (Admiralty Operational Intelligence Centre) qui fait la sourde oreille. Brillant mais crasseux médiéviste de Cambridge, fils d'un journalier agricole, Hinsley n'est qu'un gamin de 20 ans, cheveux trop longs, pantalon de velours en guenilles. Le porte-avions est coulé. Promu chouchou de l'amirauté, Hinsley se métamorphose en dandy[80].
Hutte 16
Dilly Knox est un fleuron d'Eton et de Cambridge, éminent érudit, spécialiste du poète grec Hérondas. Très savant et très distrait, excentrique de la classe d'un Turing, il alimente comme lui les potins de BP. Impliqué dans le décryptage depuis la Grande Guerre, il a lu les Enigma commerciales fournies à Franco avant de participer aux réunions des services du chiffre polonais et français.
Pour lire les Enigma dépourvues de tableaux de connexions, Knox alors installé au « Cottage », écuries désaffectées de BP, s'appuie sur les recherches de Hugh Foss afin de développer un système, le "rodding", approche alphabétique plutôt que mathématique du décryptage. Grâce à cette technique, Mavis Lever, 19 ans, pêchée à London University où elle étudiait les mathématiques, fait la découverte qui permet de lire l'Enigma de la marine italienne, juste avant la victoire du Cap Matapan.
En octobre 1941, Knox perce l'Enigma de l'Abwehr. Une section ISK (Intelligence Services Knox) est mise sur pied dans la Hutte 16 afin de décrypter les trafics de l'Abwehr. Début 1942, Knox très malade est remplacé par Peter Twinn. À la fin de la guerre, l'ISK a décrypté 140 800 messages. Les renseignements obtenus confirment, paraît il, le succès des opérations de Double-Cross (retournement des agents de l'Axe infiltrés au Royaume-Uni et intoxication du contre-espionnage allemand par des agents alliés sacrifiés en Europe occupée) entreprises par le MI5 et le MI6, et de l'Opération Fortitude, qui visait à persuader le commandement allemand que le débarquement n'aurait pas lieu en Normandie mais dans le Pas de Calais.
Hutte 18
La Hutte 18 abrite l'ISOS, "Intelligence Service Oliver Strachey" (les mauvaises langues murmurent que le « I » signifie Illicite) qui traite le trafic phonie et les chiffres manuels de l'Abwehr. Strachey a fait la Grande Guerre comme officier de renseignement de l'armée de terre (MI1), avant d'entrer au GC&CS. En 1934, Strachey et Hugh Foss ont brisé un des nombreux codes japonais, celui des attachés navals. À BP, Strachey est à la tête de sa propre section, décryptant les chiffres manuels de l'Abwehr liés à l'opération « Double Cross ». Le premier décryptage remonte au 14 avril 1940.
Début 1942, Strachey, remplacé par Denys Page, part pour Ottawa, comme chef cryptographe de l'Examination Unit, équivalent canadien du GC&CS. Dans ses bagages, des codes diplomatiques français et japonais, offrande propitiatoire qui lance la coopération anglo-américaine. Strachey ne connait rien au japonais, mais il contribue au décryptage des codes nippons basés sur des manipulations de nombres de quatre ou cinq chiffres.
Hutte 5
La Hutte 5 traite les chiffres manuels des polices allemandes. Dans les trafics interceptés, six messages émis entre le 18 juillet et le 12 septembre 1941, décryptés sans difficulté. Leur contenu est tel qu'ils sont envoyés à Menzies qui les montre à Churchill. Ces textes, échangés entre Erich von dem Bach-Zelewski, Kurt Daluege et Friedrich Jeckeln, rendent compte du nettoyage des arrières des lignes allemandes en URSS. Il apparaît nettement que les SS, mais aussi les unités de police ordinaire, massacrent, non seulement les soldats isolés et les partisans, mais encore les « pillards juifs » et « bolchéviques juifs ». En juillet, quelques dizaines de meurtres. En août, des milliers. De plus en plus nombreux, ces juifs sont tués parce qu'ils sont juifs. Le ton des rapports implique qu'il ne s'agit pas d'excès de zèle, mais de l'exécution d'ordres reçus.
Le 24 août 1941, Churchill dénonce à la BBC « les très effroyables cruautés perpétrées en URSS occupée », mais il s'en tient aux généralités, de peur de trahir ses sources : « Des districts entiers sont exterminés. Des milliers d'exécutions de sang-froid sont perpétrées par les troupes de police allemande contre les patriotes qui défendent leur sol. Depuis les invasions mongoles de l'Europe, jamais il n'y avait eu de boucherie méthodique, impitoyable, à une telle échelle. Nous sommes en présence d'un crime sans nom. » Peu de temps après, Daluege donne quand même l'ordre d'expédier tous les rapports par courrier[81].
Bloc C
Le Bloc C (au début, la Hutte 7) est bien plus qu'un fichier central de cartes perforées (en anglais cartes Hollerith, du nom d'un inventeur, Herman Hollerith). C'est une usine qui emploie plus de trois cents personnes, Wrens (marinettes), plusieurs aviateurs, mais aussi des civils, surtout des femmes, sous la direction de Frederic Freeborn, assisté de Ronald et Norman Whelan, détachés par la Hollerith Company. Plus tard, des officiers de l'US Army. De toutes les huttes affluent les messages qui sont convertis sur des cartes perforées, triées et reliées en accordéon, puis expédiées aux huttes où leur exploitation fait gagner un temps précieux. Un atelier répare les machines Hollerith endommagées. D'autres ateliers fabriquent des carnets de clefs blocs (one-time pads) pour la Royal Navy et des livres de codes pour la RAF. Ces documents servent à la diffusion très contrôlée des renseignements Ultra.
Bloc F
Le Bloc F est chargé de décrypter les trafics du haut commandement allemand, nom de code anglais « Tunny ». Ces trafics sont cryptés au moyen de la machine de Lorenz. Dès octobre 1941, une équipe animée par le major Ralph Tester, chef comptable d'Unilever, composée du capitaine Jerry Roberts, 21 ans, diplômé en français et en allemand du London University College, du capitaine Peter Ericsson et du major Dennis Oswald (tous parlent un allemand courant). Ils adoptent une méthode de décryptage manuel, baptisée « Testery ». Au bout d'un an de Testery, un million et demi de textes ont été décryptés à la main. L'équipe reçoit le renfort de Max Newman, allemand d'origine, maître de conférences en mathématiques à Cambridge depuis 1924, et ami de Turing.
Dégoûté par cette corvée indigne de ses talents, Newman convainc la hiérarchie qu'il est capable de concevoir un décryptage assisté par des moyens mécaniques. La deuxième phase met en œuvre une étrange machine, la Heath Robinson, du nom d'un auteur de dessins animés fou d'engins bizarres. La méthode est baptisée « Newmanry ». Troisième phase, à compter de février 1944, l'ère du calculateur électronique Colossus, conçu par Newman et construit par Tommy Flowers, ingénieur du Post Office. En 1945, le bloc F héberge plus de cent personnels de toutes qualifications qui travaillent en 3/8, une variété de machines Robinson et dix Colossus.
Les bombes
Les premières bombes sont montées à BP, dans une hutte. Les suivantes, beaucoup trop nombreuses, sont délocalisées à Wavendon et à Gayhurst. Gardé par les Royal Marines, chaque centre héberge de 150 à 500 Wrens, grandes et solides filles douées d'une excellente vue. Ces marinettes travaillent par cycle de quatre semaines. La première, de 8 h à 16 h. De 16 h à minuit la seconde. De minuit à 8 h la troisième. La quatrième, huit heures de travail, huit de repos. Enfin, quatre jours de permission.
Les bombes sont des meubles de huit pieds de haut sur sept de large. La face avant porte des rangées de tambours de couleurs, cinq pouces de diamètre sur trois d'épaisseur. Dans chaque tambour, un fouillis de balais métalliques qu'il faut lisser à la pince afin d'empêcher les courts-circuits. La face arrière est une jungle de câbles et de fiches repérées par des lettres et des chiffres. Chaque engin est baptisé du nom d'une ville du royaume ou du Commonwealth. La maintenance est à la charge de la RAF.
Les fameux menus sont des schémas d'enfichage. Les tambours choisis sont désignés par des codes : Shark, Porpoise, Phoenix, etc. Minutieuse, la préparation est effectuée à toute allure. Un mauvais réglage et la machine plante. Les tambours tournent. Chaque rangée à une vitesse différente. Un bruit infernal tue les conversations. Tout d'un coup, une des bombes stoppe. Les combinaisons sont téléphonées à BP qui, parfois, rappelle : « Fin du job. Démonter machine. » Les opératrices de la machine gagnante frissonnent de contentement. Ces recluses savent juste qu'elles testent les clefs de cryptage de différents trafics. Elle ne verront jamais aucun message. Churchill rendra hommage à « ces poules qui pondent si bien sans jamais caqueter »[82].
Hutte 2
La Hutte 2 abrite un foyer d'autant plus populaire qu'en Albion assiégée, presque tout est rationné, particulièrement le lait, le thé, le sucre, le beurre. Le chocolat, les cigarettes sont particulièrement recherchés. Les plats et les boissons servis par la cantine ne satisfont personne. Gordon Welchman fait des sauts en ville où l'on trouve encore du Fish & Chips, mais il faut fournir le papier journal. Le buffet de la gare sert un café au goût de venin de serpent. Dans les pubs, plus de gin ni de whisky, juste du sherry.
Au manoir, un lounge où tout le monde peut faire la pause thé ou café. Le café n'est pas rationné, mais la potion magique des Britons est une denrée rare. Le lait en poudre fait des grumeaux. La porcelaine est rare. Chef de la section Air Force, Josh Cooper boit son café au parc en parlant tout seul et jette les tasses dans le lac. Tout disparaît, la vaisselle et les couverts. Les usagers sont priés d'apporter leur tasse. Turing enchaîne sa chope de thé à un radiateur[83], grâce à un cadenas à chiffre dont la combinaison est vite éventée par les décrypteurs. La chope de thé disparaît. Elle reviendra…
Le foyer de la Hutte 2 sert de la bière et de petites doses de gin et de whisky, roboratifs vitriols. Pendant les pauses, on discute de n'importe quoi, sauf du travail en cours. Au début, on pouvait y passer la pause thé ou café de l'après-midi. Mais le couloir d'accès est obstrué par les clients. Les chefs de hutte sont alors tenus de dépêcher à la cantine leurs jeunes qui ramènent des fontaines d'un thé bouilli, orange, capacité 70 tasses. Les fontaines à thé disparaissent. Turing met un baril de cidre en perce dans un coin de la Hutte 4[84]…
Après guerre
À la fin de la guerre, une grande partie de l'équipement est détruite. Les milliers de gens impliqués respectent le Secret Act. La légende de BP n'est pas dévoilée avant 1974. Le site est morcelé entre plusieurs propriétaires, British Telecom, Civil Aviation Authority, PACE (Property Advisors to the Civil Estate). En 1987, le GCHQ (Government Communications Headquarters) quitte BP.
Le siège local de la Poste et l'école de formation de l'Est étaient sis dans le parc. Plus tard une partie du collège national de gestion de British Telecom fut déplacée de Horwood House à BP. Il y eut aussi une école de formation d'enseignants.
En 1991, le site était presque désert. Les bâtiments du GC&CS risquaient la démolition.
Fiducie de Bletchley Park
Le 10 février 1992, le Conseil de l’arrondissement de Milton Keynes décrète zone de conservation la plus grande partie du parc. Trois jours plus tard, la fiducie de Bletchley Park (Bletchley Park Trust) est créée afin de conserver le site en tant que musée du GC&CS. Basée sur le bénévolat, la fiducie s'appuie sur le public pour poursuivre ses efforts.
En 1993, le site ouvre aux visiteurs. En juillet 1994, le musée est inauguré par Son Altesse Royale le Duc de Kent, président honoraire. En mars 1998, Christine Large est nommée directrice de la fiducie. Le 10 juin 1999, la fiducie conclut avec le propriétaire un accord qui donne le contrôle d'une grande partie du site à la fiducie[85].
En octobre 2005, le milliardaire américain Sidney Frank fait don de 500 000 £ au Bletchley Park Trust afin de financer un nouveau centre scientifique dédié à Alan Turing[86]. Le 1er mars 2006, la fiducie annonce que Simon Greenish travaillera aux côtés de Mrs Large[87]. Il la remplace, le 1er mai 2006.
En mai 2008, la fondation de Bill & Melinda Gates rejette une demande de fonds parce que BP ne finance pas de projets technologiques basés sur Internet. Comme BP ne reçoit aucun financement externe, il a besoin de soutiens financiers. Directeur du BP Trust, Simon Greenish déclare : « Nous survivons tout juste. L’argent - ou son absence - est notre gros problème. Je pense que nous aurons deux à trois années de survie, mais nous avons besoin de ce temps pour trouver une solution. »[88]
Le 24 juillet 2008, plus d'une centaine d'universitaires signent une lettre au Times condamnant l’indifférence dont est victime le site[89],[90]. En septembre 2008, PGP, IBM et d'autres entreprises technologiques annoncent une campagne de collecte de fonds afin d'entretenir les installations[91].
Le 6 novembre 2008, on annonce que l'English Heritage fait don de 300 000 £ pour aider à l'entretien des bâtiments de BP, et qu'un autre don de 600 000 £ est en négociations[92].
Au début de 2009, le conseil municipal de Milton Keynes organise un vote public pour savoir s’il doit contribuer, la réponse des habitants est un "Yes" massif.
En juillet 2009, le gouvernement annonce que les anciens de BP seraient officiellement honorés par le port d'un insigne commémoratif[93].
En octobre 2009, l’Heritage Lottery Fund annonce un premier financement de la fiducie de Bletchley Park pour le développement des musées et accorde 460 000 £ d'étude détaillée. Les conclusions sont présentées à la mi-2011, afin de sécuriser les 4,1 millions de livres sterling nécessaires aux plans, et sous réserve que la Fiducie lève les 1 000 000 £ nécessaires au cofinancement de l'offre.
Sue Black et d'autres utilisent Twitter et d’autres médias sociaux pour accroître la transparence des financements de BP[94].
En octobre 2011, BP obtient une subvention de 4,6 millions de £ de l’Heritage Lottery Fund, « afin de terminer la restauration du site et de raconter son histoire, par les moyens les plus modernes », à la condition que 1,7 million de £ soient levés pat la fiducie de BP[95],[96]. En juin 2012, la fiducie a réussi à amasser 2,4 millions de £ afin de débloquer les subventions de restauration des Huttes 3 et 6, et pour développer le centre d'exposition du Bloc C[97].
Fin janvier 2012, le colonel Iain Standen, jeune retraité du Royal Corps of Signals, prend la direction de la fiducie[98].
Les attractions du musée
La principale collection, liée à l'effort de décryptage de la guerre, est dans la salle d'exposition du Bloc B. Notamment, une bombe reconstruite[99], et de la collection Enigma. Cette collection comprend une statue grandeur nature (1,5 t) d'Alan Turing par Stephen Kettle, dévoilée en 2007. Cette statue a été fabriquée à partir d'environ un demi-million de morceaux d'ardoise du Pays de Galles, sur commande du milliardaire américain Sidney Frank.
Le parc abrite un certain nombre d'autres expositions[100].
- Le manoir lui-même, ouvert aux visites le dimanche et les jours où il ne sert pas aux réceptions privées.
- La collection Churchill : souvenirs de Winston Churchill.
- Projection d’images de la fiducie : collection de matériel de cinéma d’époque et une petite salle projetant des courts métrages de la Seconde Guerre mondiale.
- La collection de jouets et de souvenirs : petits soldats, de trains miniatures, modèles réduits de véhicules des années 1930 et autres jouets, poupées et ours en peluche.
- Le garage de Bletchley Park : voitures dont deux autos Austin Motor Company des années 1930 montrées par le film The Eagle Has Landed.
- La poste de Bletchley Park : reconstitution du bureau de poste des années 1940, adresse fictive des employés de BP ; la boutique de cadeaux vend des timbres de collection.
- Le service TSF diplomatique ; authentique équipement fixe de transmission sans fil, tel qu'il était mis en œuvre à BP pendant la guerre.
- L'exposition du front de l'intérieur : très populaire auprès des groupes scolaires, cette exposition montre le rationnement, l'évacuation des villes, le Blitz, le jour de lessive en temps de guerre, et le « Make Do & Mend (Fais Avec & Ravaude) ».
- L'exposition maritime : exposition du Leighton Buzzard Model Boat Club qui propose de nombreux modèles réduits de navires de guerre et de commerce.
- L’American Garden Trail qui célèbre les liens noués à Bletchley Park pendant la guerre, entre le Royaume-Uni et les États-Unis, lesquels liens perdurent encore aujourd'hui.
- Prise de Pegasus Bridge (pont de Bénouville) par les aéroportés du Oxford & Bucks Light Infantry, nuit du 5-6 juin 1944 : exposition d'objets, documents, souvenirs, maquettes et cartes de cette journée historique.
- 65e Nachrichten Abteilung : bataillon allemand de transmissions de la Seconde Guerre mondiale, montrant une station d'émission/réception, avec de nombreux articles d'origine, dont une machine Enigma.
- Les pigeons et la guerre : rôle héroïque des pigeons en temps de guerre. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne en avait environ 250 000.
- Le coin des enfants.
Musée national de l'informatique
En 2008, le musée signe un bail de 25 ans pour la location du bloc H du parc afin de créer ce musée national de l'histoire de l'informatique. Les deux fiducies sont des entités juridiques distinctes.
Le musée comprend la reconstruction (en cours) d'un ordinateur Colossus par l'équipe de Tony Sale[101], ainsi que de nombreux exemples intéressants de machines de calcul britanniques[102].
Centre de la radio nationale de la RSGB
En avril 2008, le directeur général de la Radio Society of Great Britain annonce que la RSGB va déménager son quartier général public, y compris sa bibliothèque, sa station de radio, son musée et sa librairie, à Bletchley Park[103].
Le RSGB pensait ouvrir le Pavillon RSGB du parc entre la fin de l'été et le début de l’automne 2008. Mais la rénovation du bâtiment alloué aurait coûté trop cher. En avril 2010, il est donc décidé de construire un bâtiment neuf à un endroit différent. Le centre de la radio nationale fut officiellement inauguré le 11 juillet 2012[104],[105] par Ed Vaizey, ministre de la Culture, de la Communication et des Industries créatives.
Dans la culture populaire
- BP est la vedette du livre Enigma et son adaptation cinématographique de 2001; bien que le tournage ait eu lieu à Chicheley Hall.
- Le pilote du sitcom sur les décryptages de la Seconde Guerre mondiale, Satsuma & Pumpkin, a été enregistré à BP en 2003. En vedette, Bob Monkhouse, dans son dernier rôle à l'écran. La BBC a refusé de produire le spectacle et le développer davantage, avant de créer, quelques années plus tard, sur Radio 4, l'émission Hut 33 qui met en vedette certains des mêmes comédiens.
- Certaines parties non diffusées du pilote ont été montrées par des documentaires concernant Bob Monkhouse, sur ITV et la BBC, en 2010[106].
- Le sitcom de la station BBC Radio 4 « Hut 33 »[107] et le jeu Breaking the Code (Casser le code) se sont également déroulés à BP.
- La série Danger UXB de la télé ITV dont la vedette, Steven Mount, cryptanalyste de BP, a été acculée à la dépression nerveuse (peut-être au suicide), tant le rôle était stressant et répétitif.
- Dans la série Torchwood de la BBC, le personnage de Toshiko Sato révèle avoir un grand-père qui a travaillé à BP jusqu'au bombardement de Pearl Harbor par le Japon.
- BP est décrit dans le roman Cryptonomicon de Neal Stephenson.
- BP a été porté à l'attention du grand public par la série documentaire Station X en 1999
- BP joue un rôle important dans le livre de Connie Willis All Clear.
- Titrée Bletchley Park, une mission du jeu vidéo russe Death to Spies: Moment of Truth se déroule dans une reconstruction partielle du parc, avec des points de repère et des huttes soigneusement reproduits. Curieusement, le scénario ne cite pas Enigma, car dans une autre mission du jeu, le joueur est chargé de voler la machine Enigma d'un sous-marin allemand.
- Enquêtes codées (ITV), qui relate les enquêtes de quatre ex-casseuses de code de la hutte 4 de BP[108],[109].
- Une grande partie de l'action du film Imitation Game (2014) centré sur l'activité d'Alan Turing pendant la Seconde Guerre mondiale, se déroule à Bletchley Park.
- Dans la bande-dessinée Blake et Mortimer Le Bâton de Plutarque, une partie de la bande-dessinée se passe à Bletchley Park.
Notes et références
- Cet article contient tout ou une partie d’un document provenant du site Ars Cryptographica. L’auteur autorise Wikipédia à utiliser les textes présents sur son site si la source originale est mentionnée.
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Voir aussi
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Articles connexes
- Enigma (machine)
- Cryptographie
- Cryptanalyse d'Enigma
- Biuro Szyfrów
- Ultra
- Stations Y
- B-Dienst
- US Army Signal Intelligence Service
- OP-20-G
- Enquêtes codées (The Bletchley Circle)
- Femmes à Bletchley Park
Liens externes
- (en) Site officiel
- (en) Decrypt fragments,sur le site ilord.com, consulté le 30 décembre 2013.
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Ressources relatives aux beaux-arts :