Tracé de la fonction gamma le long de l'axe des réels.
En mathématiques, la fonction gamma (notée par Γ la lettre grecque majuscule gamma de l'alphabet grec) est une fonction utilisée communément, qui prolonge la fonction factorielle à l'ensemble des nombres complexes. En ce sens, il s'agit une fonction complexe. Elle est considérée également comme une fonction spéciale. La fonction gamma est définie pour tous les nombres complexes, à l'exception des entiers négatifs. On a pour tout entier strictement positif,
où est la factorielle de , c'est-à-dire le produit des entiers entre 1 et : .
Définition
Tracé du module de la fonction gamma dans le plan complexe.
On définit la fonction gamma, et notée par la lettre grecque Γ (gamma majuscule) de la façon suivante. Pour tout de partie réelle strictement positive, on pose
.
C'est une intégrale paramétrée par , l'intégration se faisant sur . Cette intégrale impropre converge absolument sur le demi-plan complexe où la partie réelle est strictement positive[1], et une intégration par parties[1] montre que
.
Cette fonction peut être prolongée analytiquement en une fonction méromorphe sur l'ensemble des nombres complexes, excepté pour z=0, −1, −2, −3… qui sont des pôles. C'est ce prolongement qu'on appelle généralement «fonction gamma». L'unicité du prolongement analytique permet de montrer que la fonction prolongée vérifie encore l'équation fonctionnelle précédente. Cela permet une définition plus simple, à partir de l'intégrale, et un calcul de proche en proche de Γ pour z – 1, z – 2, etc.
Autres définitions
Par changement de variable, l'intégrale précédente (pour Re(z) > 0) s'écrit aussi:
.
La définition suivante de la fonction gamma par produits infinis, due à Euler, a un sens pour les nombres complexes z qui ne sont pas des entiers négatifs ou nuls[2]:
.
Elle est équivalente à celle donnée par Schlömilch[3],[4],[5]:
où est la constante d'Euler-Mascheroni.
Propriétés
Lien avec la factorielle
De Γ(z+1) = zΓ(z) et Γ(1) = 1, on déduit:
.
On interprète donc la fonction gamma comme un prolongement de la factorielle à l'ensemble des nombres complexes (à l'exception des entiers négatifs ou nuls).
Une notation alternative est la fonction Π, introduite par Gauss:
(et donc ),
de telle façon que:
.
Caractérisations
Sur l'ensemble des réels
La fonction gamma est entièrement caractérisée sur par les trois propriétés suivantes (théorème de Bohr-Mollerup):
Pour tout , on a:
la fonction composée est convexe sur
Sur le demi-plan complexe Re(z)>0
La fonction gamma est entièrement caractérisée parmi les fonctions holomorphes du demi-plan complexe Re(z)>0 par les trois propriétés suivantes (théorème de Wielandt):
Pour tout z tel que Re(z) > 0,
est bornée dans la bande 1 ≤ Re(z) ≤ 2.
Autres propriétés
Formule des compléments
La fonction gamma vérifie la formule de réflexion d'Euler, ou formule des compléments
que l'on démontre en remarquant d'abord que Γ(1 – z)Γ(z) est 2-périodique et a les mêmes pôles et résidus que .
Formule de multiplication
La fonction gamma vérifie également la formule de duplication:
La formule de duplication est un cas particulier du théorème de multiplication:
La fonction gamma possède un pôle d'ordre 1 en z=−n pour tout entier natureln. Le résidu de la fonction en ce pôle est donné par:
Dérivées
La fonction gamma est infiniment dérivable sur (c’est-à-dire p fois dérivable pour tout entier p). Sa dérivée est exprimée à l'aide de la fonction digamma:
Plus généralement, sa dérivée p-ième possède sur l'expression intégrale suivante:
.
Lien avec les sommes de Gauss
La définition de la fonction gamma sous forme d'intégrale la fait apparaître comme une convolution entre un caractère additif (l'exponentielle) et un caractère multiplicatif ().
Dans la définition de la fonction gamma sous forme d'intégrale, les bornes de l'intégrale sont fixées; la fonction gamma incomplète est la fonction obtenue en modifiant la borne inférieure ou la borne supérieure.
La fonction gamma est reliée à la fonction bêta par la formule:
Le logarithme de la fonction gamma est parfois appelé lngamma. Il intervient notamment dans la résolution des problèmes de propagation d’ondes[7]: l'équation fonctionnelle de la fonction lngamma est:
.
Si l’on connaît les valeurs de la fonction sur une bande de largeur 1 en Re(z), on obtient par cette relation les valeurs dans une bande voisine de même largeur, et l’on peut répéter ce procédé. Partant d’un z avec Re(z) >> 1 pour lequel on connaît une bonne approximation, on peut ainsi atteindre la valeur pour un z quelconque.
Rocktaeschel (1922[8], suivant une indication de Gauss) propose l'approximation pour Re(z) grand:
.
On peut en déduire une approximation de ln Γ(z) pour Re(z) plus petit, en utilisant[9]:
.
La dérivée logarithmique de la fonction gamma est appelée fonction digamma. Les dérivées d'ordre supérieur sont les fonctions polygamma.
Un analogue de la fonction gamma sur un corps fini ou un anneau fini est fourni par les sommes de Gauss.
D'après l'expression d'Euler pour la fonction gamma (voir supra), son inverse (en) est une fonction entière.
Valeurs particulières
Cette section indique quelques valeurs particulières de la fonction gamma (en) et de ses dérivées.
La valeur de Γ(1/2) = √π est celle de l'intégrale de Gauss; elle peut aussi se déduire de la formule des compléments.
Cette valeur permet, par récurrence, de déterminer les autres valeurs de la fonction gamma pour les demi-entiers positifs:
mais aussi négatifs, par exemple:
.
En ce qui concerne ses dérivées, avec γ la constante d'Euler-Mascheroni:
;
;
.
On connaît quelques résultats de transcendance et même d'indépendance algébrique sur les valeurs de Γ en certains points rationnels.
Une conjecture de Rohrlich[10] prédit que toute relation multiplicative de la forme
La formule de Stirling donne un équivalent au voisinage de l'infini de la factorielle:
avec μ la fonction de Binet:
et Bi les nombres de Bernoulli.
Sachant que Γ(n+1)=n! sur ℕ, cet équivalent se généralise à la fonction gamma:
d’où:
En calculant les premiers termes de e μ grâce à la formule exponentielleformule exponentielle, on obtient le développement asymptotique:
De Γ(z+ ½)
L’équivalent en z+½ vaut:
avec:
d’où le développement asymptotique:
Cas général
De manière plus générale, pour |a| < |z|, l’équivalent en z + a ∉ ℤ- vaut:
où Bk sont les polynômes de Bernoulli.
Démonstration
Par généralisation sur les complexes de la formule de Stirling, on sait que, pour z ∉ ℤ- :
.
Les nombres de Bernoulli de rang impair supérieur ou égal à 3 étant nuls, on peut également écrire, par changement de variable i = 2k et en introduisant les termes (nuls) de rang impair :
,
d’où :
.
z étant non nul, on peut factoriser z+a en z×(1+a/z) :
Ayant posé |a| < |z|, on a |a/z| < 1, ce qui permet de développer d’une part la série de Taylor du logarithme ln(1 + x) (valable pour |x| < 1) et d’autre part le binôme négatif (1 + x)-n (valable pour |x| < 1 et n ∈ ℕ*) :
,
On a donc d’une part, par le développement du logarithme :
et :
,
d’où :
On a d’autre part, par le développement du binôme négatif, puis en procédant au changement de variable k=i+j :
Puisque pour k < i, et i valant au moins 2, on peut étendre la somme ci-dessus pour k allant de 2 (en deçà, on aurait la forme indéterminée 0/0) à i – 1 (somme de i – 2 termes, donc au pire une somme vide, valide, si i = 2) :
.
On rappelle que les polynômes de Bernoulli vérifient :
,
ainsi que :
,
d’où :
Donc, pour |a| < |z| :
.
En posant a valant respectivement 0, ½ et 1, et connaissant les valeurs particulières des polynômes de Bernoulli en ces points, on retrouve immédiatement les équivalents en z, z + ½ et z + 1 mentionnés plus hauts.
Histoire
La première occurrence d'un produit qui donnera naissance ultérieurement à la fonction gamma est due à Daniel Bernoulli[11] dans une lettre à Christian Goldbach.
↑ Pour le cas particulier où z est un réel strictement positif, voir l'article Théorème de Bohr-Mollerup. Pour le cas général, voircet exercice corrigé sur Wikiversité.
↑ (de) O. Schlömilch, «Einiges über die Eulerischen Integrale der zweiten Art», Archiv der Mathematik und Physik, vol.4, , p.171 (lire en ligne).
↑ (en) J. L. W. V. Jensen, «An elementary exposition of the theory of the Gamma function», Ann. of Math., 2e série, vol.17, no3, , p.124-166 (JSTOR2007272) (p.128).
↑ «En 1844, 32 ans avant le célèbre travail de Weierstrass sur les fonctions entières»: (en) S. S. Dragomir, R. P. AgarwalRavi Agarwal et N. S. Barnett, «Inequalities for Beta and Gamma functions via some classical and new integral inequalities», J. Inequal. Appl. (nl), vol.5, no2, , p.103-165 (lire en ligne) (p.107).
↑ (en) Jesús Guillera et Jonathan Sondow, «Double integrals and infinite products for some classical constants via analytic continuations of Lerch's transcendent», The Ramanujan Journal, vol.16, no3, , p.247-270 (DOI10.1007/s11139-007-9102-0, arXivmath/0506319).
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