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Écritures hiéroglyphiques
Image illustrative de l’article Écriture hiéroglyphique égyptienne
Hiéroglyphes sur le temple de Kôm Ombo.
Caractéristiques
Type Logogrammes et phonogrammes
Langue(s) Ancien égyptien, moyen égyptien
Historique
Époque Du IVe millénaire avant notre ère au IVe siècle
Créateur Anciens Égyptiens
Système(s) dérivé(s) Hiératique, démotique
Codage
Unicode U+13000 – U+1342F
ISO 15924 Egyp

L’écriture hiéroglyphique égyptienne est un système d'écriture figurative : les caractères qui la composent représentent en effet des objets divers naturels ou produits par l'Homme tels que des plantes, des figures de dieux, d'humains et d'animaux, etc. (cf. classification des hiéroglyphes). Les égyptologues y distinguent traditionnellement trois catégories de signes :

  • les signes-mots (ou idéogrammes), qui représentent un objet ou, par métonymie, une action ;
  • les signes phonétiques (ou phonogrammes), qui notent un son (consonne, suite de consonnes ou voyelle[alpha 1]) ;
  • les déterminatifs, signes « muets » qui indiquent le champ lexical auquel appartient le mot.

Apparue à la fin du IVe millénaire avant notre ère en Haute-Égypte, l'écriture hiéroglyphique est utilisée jusqu’à l'époque romaine, soit pendant plus de trois mille ans. La connaissance des hiéroglyphes se perd avec la fermeture des lieux de culte dits « païens » par l’empereur Théodose Ier vers 380. Des Européens se sont aventurés dans des tentatives de traduction au début du XIXe siècle (Johan David Åkerblad, Thomas Young), avec des succès incertains, mais il faudra, après la découverte de la pierre de Rosette, le génie de Jean-François Champollion[1] pour briser, après quatorze siècles, ce qui paraissait être « un sceau mis sur les lèvres du désert »[2].

Étymologie

Le hiéroglyphe désigne d'abord le graveur des signes (Carte postale de 1898 par John White Alexander).

Le mot hiéroglyphe dérive du grec ἱερογλύφος / hieroglúphos, formé lui-même à partir de ἱερός / hierós, « sacré », et γλύφω / glúphô, « graver ».

À l'époque gréco-romaine, il désignait « celui qui trace les hiéroglyphes » et non les hiéroglyphes eux-mêmes, qui se disaient τὰ ἱερογλυφικά (γράμματα) / tà hierogluphiká (grámmata), c'est-à-dire « les (caractères) sacrés gravés » sur les monuments (stèles, temples et tombeaux). Ultérieurement, par un glissement de sens, le mot hiéroglyphes finit par désigner les caractères hiéroglyphiques eux-mêmes.

Les Égyptiens eux-mêmes nommaient leur écriture « /ˌmaːtʼaw ˈnaːcaɾ/ » (« parole divine ») soit, en

translittération, mdw nṯr :
R8S43Z3
et en transcription française « medou netjer ».

Par extension, on qualifie souvent de hiéroglyphique une écriture utilisant le même principe logographique que l'égyptien. Ainsi, on parle du hittite ou du maya hiéroglyphiques. Il n'est cependant pas admis de dire des caractères chinois qu'ils sont des hiéroglyphes. Hiéroglyphes comme sinogrammes appartiennent à l’ensemble plus vaste des logogrammes.

Histoire et évolution

Dernière inscription hiéroglyphique connue (394) sur la porte d'Hadrien à Philæ.

Les hiéroglyphes égyptiens, quoique très différents de l'écriture cunéiforme mésopotamienne, y trouvent peut-être leur origine, l'Égypte ayant été au minimum influencée par le système inventé en Mésopotamie[3]. Pourtant, James P. Allen[4] signale que l'écriture égyptienne « semble être apparue soudainement en 3250 avant notre ère, comme système complet » et que « bien qu'on ait pensé autrefois que l'idée de l’écriture fût arrivée en Égypte depuis la Mésopotamie, de récentes découvertes indiquent que l'écriture s’est développée de manière indépendante en Égypte ».

L'écriture hiéroglyphique est attestée dès le IVe millénaire : la plus ancienne inscription a été découverte en 1986 sur une tombe dans l'antique site d'Abydos et remonte aux années 3250/3200 avant notre ère[5],[6], c'est-à-dire simultanément à l'apparition des caractères cunéiformes en Mésopotamie. Elle fut employée pendant plus de 3 000 ans : la dernière inscription connue à ce jour est datée de [7], et se trouve dans le temple de Philæ[alpha 2].

Dès l'Ancien Empire[8], l’égyptien hiéroglyphique fut un système d’écriture où se mêlaient idéogrammes, signes consonantiques (unilitères, bilitères, et même trilitères) et déterminatifs (voir plus bas). À partir de la XVIIIe dynastie, les scribes utilisèrent un certain nombre de bilitères comme syllabaires (sȝ, bȝ, kȝ etc.) pour transcrire les noms sémitiques ou d’origine sémitique, mais l’écriture dite syllabique ne sortit jamais de ce domaine.

Quelle que soit leur fonction, les signes sont figuratifs : ils représentent quelque chose de tangible, souvent facilement reconnaissable, même pour quelqu'un qui ignore le sens du signe. En effet, pour le dessin des hiéroglyphes, les Égyptiens s'inspirèrent de leur environnement : objets de la vie quotidienne, animaux, plantes, parties du corps. À l'époque de l'Ancien, du Moyen et du Nouvel Empire, il existait environ sept cents signes hiéroglyphiques, alors qu'à l'époque gréco-romaine, on en dénombrait plus de six mille.

Les hiéroglyphes étaient gravés sur pierre ou bien, dans le cas de l'écriture hiératique, tracés au calame et à l'encre sur un support moins durable.

Apparue avant la civilisation pharaonique, l'utilisation des hiéroglyphes gravés n'est donc pas liée aux nécessités administratives d'un État en formation. Elle se limitait aux domaines où l'esthétique et/ou la valeur magique des mots avaient de l'importance : formules d'offrandes et fresques funéraires, textes religieux, inscriptions officielles. L'écriture consiste d'abord en de courtes inscriptions des « énoncés titres » désignant un souverain, une bataille, une quantité, puis, aux environs de 2700 avant notre ère, sous le règne du roi Djéser marqué par le développement des pratiques religieuses et des rites funéraires, s'élaborent des phrases construites que l'on retrouve essentiellement dans les pyramides.

Hiéroglyphes conservés au Musée du Louvre.

Après le temps consacré au développement du système d'écriture de type hiéroglyphique, quatre autres stades d'évolution (et de simplification progressive) de cette écriture peuvent être distingués : après le stade hiéroglyphique vient le stade des hiéroglyphes linéaires ; puis vient celui de l'écriture hiératique ; vient ensuite celui de l'écriture démotique ; enfin, vient le copte, comme dernière étape du processus d'abstraction et de simplification.

Une première simplification du système d'écriture égyptien est qualifiée par les égyptologues de hiéroglyphes linéaires. Ceux-ci conservent l'aspect figuratif des hiéroglyphes gravés, mais étaient tracés avec moins de précision que ces derniers ; ils ont par ailleurs constitué un premier pas vers l'abstraction de ce système de représentation. Ils étaient peints sur les sarcophages en bois et les papyrus des « livres des morts ».

L'écriture hiératique, troisième stade de l'évolution du système d'écriture égyptien, en constitue la forme cursive. Réservée aux documents administratifs et aux documents privés, elle était tracée au pinceau et avait pour supports les ostraca (tessons de poterie ou de calcaire), les tablettes de bois, ou plus rarement le papyrus et le parchemin, d'un coût très élevé[9].

À partir de l'époque saïte (XXVIe dynastie), le hiératique fut partiellement supplanté par une nouvelle cursive, le démotique. Il s'agit d'une simplification extrême de l'écriture hiératique, réservée aux actes administratifs et aux documents de la vie courante, d'où son nom d'écriture « populaire ». L'écriture hiératique n'était alors plus utilisée que pour consigner des textes religieux ou sacerdotaux, conjointement avec les hiéroglyphes, d'où son nom d'écriture « sacerdotale ». À l'époque ptolémaïque, le grec s'imposa de plus en plus comme langue administrative : à partir de 146 avant notre ère les contrats écrits uniquement en démotique avaient perdu toute valeur légale.

Le copte, enfin, est le dernier stade de la langue et de l'écriture égyptiennes. Il est encore utilisé de nos jours, mais uniquement comme langue liturgique. Il s'écrit au moyen de l'alphabet grec auquel on a ajouté sept caractères démotiques pour transcrire les sons étrangers au grec.

Illustration de l'article Tabula Æegyptiaca hieroglyphicis exornata publiée dans la revue Acta Eruditorum de 1714.

L'écriture égyptienne n'est plus utilisée actuellement pour écrire quelque langue moderne que ce soit. Cependant, selon certains chercheurs, c'est elle qui, via le protosinaïtique, aurait donné naissance à l'alphabet phénicien, lequel, à son tour, sera à l'origine des alphabets hébreu, araméen et grec, donc des caractères latins et cyrilliques[10].

Le système d'écriture

Reproduction de la pierre de Rosette.

Les hiéroglyphes gravés égyptiens sont tous, ou peu s'en faut, figuratifs : ils représentent des éléments réels ou imaginaires, parfois stylisés et simplifiés, mais parfaitement reconnaissables dans la plupart des cas.

Jean-François Champollion, le déchiffreur des hiéroglyphes, considéré comme le père de l'égyptologie, définit le système hiéroglyphique comme suit :

« C'est un système complexe, une écriture tout à la fois figurative, symbolique et phonétique, dans un même texte, une même phrase, je dirais presque dans un même mot[11]. »

En effet, un même caractère peut, selon le contexte, être interprété de diverses manières : comme phonogramme[alpha 3] (lecture phonétique), comme idéogramme ou comme déterminatif (lecture sémantique). Nous verrons plus loin que le déterminatif, qui ne se lit pas, facilite la lecture en « déterminant » le champ lexical auquel le mot appartient : ainsi, le déterminatif de l'« homme assis » (A1 d'après la classification de Gardiner) accompagne les mots désignant la fonction (« vizir », « prêtre »), la profession (« artisan »), l'ethnie (« Asiatique », « Égyptien », « Libyen », « Nubien ») ou encore les liens de parenté (« père », « fils », « frère »).

Dans les parties qui suivent, les hiéroglyphes seront translittérés, c'est-à-dire retranscrits à l'aide de symboles d'un autre système d'écriture.

Lecture phonétique

On lit le caractère indépendamment de son sens, selon le principe du rébus. Les phonogrammes sont formés soit d'une consonne (signes dits mono- ou unilitères), soit de deux (signes bilitères) ou de trois (signes trilitères). Les vingt-quatre signes unilitères constituent le pseudo-alphabet hiéroglyphique (voir plus bas).

L'écriture hiéroglyphique s'apparente à un abjad : elle ne note pas les voyelles, à la différence du cunéiforme par exemple. C'est une écriture défective (scriptio defectiva).

Ainsi, le hiéroglyphe représentant un canard se lit sȝ, car telles étaient les consonnes du mot désignant cet animal. On peut cependant utiliser le signe du canard sans rapport avec le sens pour représenter les phonèmes s et ȝ à la suite (indépendamment des voyelles qui pourraient accompagner ces consonnes) et ainsi écrire des mots comme sȝ, « fils », ou, en complétant avec d'autres signes qu'on détaillera plus loin, sȝw, « garder, surveiller », sȝtw, « terre ferme » :

G39
: le caractère ;
G39Z1s
: le même caractère utilisé seul (le sens du petit trait vertical sera expliqué plus loin) pour signifier « canard » ou, avec le déterminatif approprié, « fils », deux mots ayant les mêmes consonnes ;
z
G39
AA47D54
: le caractère au sein du mot sȝw, « garder, surveiller » et dans
z
G39
AtwN23
Z2s
, sȝtw, « terre ferme ».

L'« alphabet » hiéroglyphique

Pour certains caractères, le principe du rébus devint celui de l'acrostiche : on ne lit plus que la première consonne du mot.

Exemples d'utilisation d'idéogrammes pour leur valeur unilitère[12].
Idéogramme Objet représenté Utilisation comme idéogramme Valeur phonétique de l'idéogramme Valeur unilitère
D21
Z1s
bouche« bouche »/rȝ//r/
D58Z1s
jambe« endroit (où on pose le pied) »/bw//b/
I10
Z1
cobra« cobra »/ḏt//ḏ /

Ainsi, on peut regrouper les vingt-quatre caractères unilitères en une sorte d'« alphabet » hiéroglyphique, qui, cependant, ne fut jamais utilisé comme tel en remplacement des autres hiéroglyphes, bien que c'eût été possible : en effet, tous les mots égyptiens auraient pu être écrits au moyen de ces seuls signes, mais les Égyptiens n'ont jamais franchi le pas et simplifié leur écriture complexe en alphabet. Le pseudo-alphabet égyptien est donc composé de caractères ne notant qu'une seule consonne, bien que certains d'entre eux en désignent plusieurs quand ils sont employés comme idéogrammes.

Caractères unilitères, dans l'ordre conventionnel des dictionnaires et des grammaires.
Signe Translittération Objet représenté Valeur phonétique Code Gardiner
A
Ȝ, ȝvautour[ɹ] ou [l] puis [j]G1
i
Ỉ, ỉroseau fleuri[j] puis [ʔ]M17
ii
J, jroseaux fleuris[j]M17a
a
Ꜥ, ˁavant-bras[ʕ]D36
w
W, wpoussin de caille[w]G43
b
B, bpied[b]D58
p
P, psiège[pʰ]Q3
f
F, fvipère à cornes[f]I9
m
M, mchouette[m]G17
n
N, neau[n]N35
r
R, rbouche[r]D21
h
H, hplan ou cour de maison[h]O4
H
Ḥ, ḥtresse de lin[ħ]V28
x
Ḫ, ḫboule de corde[ç]Aa1
X
H̱, ẖenveloppe fœtale de vache[x]F32
z
S, sverrou[z]?O34
s
Ś, ślinge[s]S29
S
Š, špièce d’eau[ʃ]N37
q
Ḳ, ḳpente[q]N29
k
K, kcorbeille[kʰ]V31
g
G, gsupport de jarre[k]W11
t
T, tpain[tʰ]X1
T
Ṯ, ṯentrave pour animaux[t͡ʃʰ]V13
d
D, dmain[t]D46
D
Ḏ, ḏcobra[t͡ʃ]I10

Les compléments phonétiques

Une tête de bœuf, un serpent, une main…

L'écriture égyptienne est souvent redondante : en effet, il est très fréquent qu'un mot soit suivi de plusieurs caractères notant les mêmes sons, afin de guider la lecture. Par exemple, le mot nfr, « beau, bon, parfait », pourrait être écrit au moyen du seul trilitère

nfr
, mais il est bien plus fréquent qu'on ajoute à ce trilitère les unilitères pour f et r.

Il est donc écrit nfr+f+r, mais on lit nfr.

Les caractères redondants accompagnant les signes bilitères ou trilitères sont appelés « compléments phonétiques ». Ils se placent devant le signe à compléter (rarement), après (en règle générale) ou bien ils l'encadrent, servant ainsi d'aide à la lecture, d'autant que le scribe, pour des raisons de calligraphie, inversait parfois l'ordre des signes (voir plus bas) :

S43dw
mdw +d +w (les compléments sont placés après) → on lit mdw, « paroles, langue » ;
x
p
xpr
r
iA40
ḫ +p +ḫpr +r +j (les compléments encadrent) → on lit ḫpr.j, « Khépri ».

Les compléments phonétiques permettent notamment de différencier les homophones. En effet, les signes n'ont pas toujours une lecture unique :

Q1
par exemple, le siège, peut se lire st, ws et ḥtm, selon le contexte dans lequel il se trouve.

La présence de compléments phonétiques et du déterminatif approprié permet de savoir quelle lecture suivre :

  • st :
Q1t
pr
st (écrit st+t ; le dernier caractère est le déterminatif de la maison ou de ce qui s'y rapporte), « siège, trône, endroit » ;
Q1t
H8
st (écrit st+t ; le dernier caractère est l'œuf, déterminatif du nom de la déesse Isis), « Isis ».
  • ws :
Q1irA40
wsjr (écrit ws+jr, avec comme complément phonétique l'œil, qui se lit jr, suivi du déterminatif du dieu), « Osiris ».
  • ḥtm :
HQ1m&t E17
ḥtm.t (écrit ḥ+ḥtm+m+t, avec le déterminatif du chacal), un type de bête sauvage, peut-être l'ours ;
HQ1tG41
ḥtm (écrit +ḥtm+t, avec le déterminatif de l'oiseau s'envolant), « disparaître ».

Enfin, il arrive parfois que des mots aient changé de prononciation par rapport à l'ancien égyptien : dans ce cas, il n'est pas rare que l'écriture adopte un compromis dans la notation, les deux lectures étant indiquées conjointement. C'est le cas notamment pour l'adjectif bnrj, « doux (i. e. d'une saveur agréable) », devenu bnj, et le verbe swri, « boire », devenu swj. On les écrit, en moyen égyptien, bnrj et swri,

bn
r
iM30etswr
r
imwA2
, qui se lisent toutefois bnj et swj, le r n'ayant été conservé que pour garder un lien écrit avec le mot ancien (à la manière de notre monsieur, qui ne se lit plus comme il s'écrit).

Lecture sémantique

Outre une interprétation phonétique, les caractères peuvent être lus pour leur sens : on parle dans ce cas de logogrammes (plus précisément d'idéogrammes) et de déterminatifs (ou sémagrammes)[13].

Logogrammes

Un hiéroglyphe utilisé comme logogramme désigne l'objet dont il est l'image. Les logogrammes sont donc le plus souvent des noms communs ; ils sont généralement accompagnés d'un trait vertical muet indiquant leur valeur de logogramme (l'utilisation du trait vertical est détaillée plus bas)[14]. En théorie, tout hiéroglyphe aurait pu servir de logogramme. Les logogrammes peuvent être accompagnés de compléments phonétiques. Dans quelques cas, le rapport sémantique est indirect, métonymique ou métaphorique.

Exemples de hiéroglyphes utilisés comme logogrammes. Dans les trois derniers exemples, le rapport sémantique est de type métonymique ou métaphorique.
Hiéroglyphe Prononciation Objet représenté Sens
ra
Z1
rꜥ soleil
pr
Z1
pr maison
swt
Z1
swt jonc (t est le complément phonétique)
Dw
Z1
ḏw montagne
nTrZ1
nṯr étendard de temple Dieu
G53Z1
bȝ oiseau à tête humaine (représentation traditionnelle du ba) âme, «  »
G27Z1
dšr « flamant rose » — le phonogramme correspondant signifie « rouge », et l'oiseau est associé par métonymie à cette couleur.

Déterminatifs

Les déterminatifs ou sémagrammes se placent en fin de mot. Ce sont des caractères muets servant à indiquer le champ lexical du mot. Les cas d'homographies étant très fréquents (d'autant plus que seules les consonnes sont écrites), le recours aux déterminatifs est primordial. Si un procédé similaire existait en français, on ferait suivre les mots homographes d'un indice qu'on ne lirait pas, mais qui en préciserait le sens : « vers [poésie] » et le pluriel « vers [animal] » seraient ainsi distingués.

Il existe de nombreux déterminatifs : divinités, humains, parties du corps humain, animaux, plantes, etc. Certains déterminatifs possèdent un sens propre et un sens figuré. Ainsi, le rouleau de papyrus,

Y1
, sert à déterminer les écrits, mais aussi les notions abstraites.

Voici quelques exemples d'utilisation des déterminatifs[15] permettant d'en illustrer l'importance :

Exemples de déterminatifs hiéroglyphiques levant l'ambiguïté entre les homophones nfr.
Mot
nfrwA17Z3
nfrf&r&t B1
nfrnfrnfrpr
nfrf
r
S28
nfrW22
Z2
Prononciation nfr.w nfr.t nfr.w nfr nfr
Pictogramme déterminatif enfant portant la main à sa bouche femme assise maison bande d'étoffe frangée cruche avec marque du pluriel
Catégorie lexicale indiquée[16] enfant, jeune femme maison, bâtiment tissu, vêtement pot, vaisselle, boisson
Signification du mot recrues militaires jeune femme nubile fondations vêtement vin, bière

Nota :

Z2
Ce déterminatif est un raccourci pour signaler trois occurrences du mot, c'est-à-dire son pluriel (puisque la langue égyptienne connaît un duel, indiqué parfois par deux traits).

Tous ces mots ont la connotation méliorative « bon, beau, parfait ». Notons qu'un dictionnaire récent[17] indique une vingtaine de mots se lisant nfr ou formés à partir de ce mot — preuve de l'extraordinaire richesse de la langue égyptienne.

Sens de lecture

Les hiéroglyphes s'écrivent de droite à gauche, de gauche à droite ou de haut en bas, la direction usuelle étant de droite à gauche. Le lecteur, pour connaître le sens de lecture, doit considérer la direction dans laquelle sont tournés les hiéroglyphes asymétriques. Par exemple, quand les figures humaines et les animaux, facilement repérables, regardent vers la gauche, il faut lire de gauche à droite, et inversement.

Les mots ne sont pas séparés par des blancs ou des signes de ponctuation. Cependant, certains caractères apparaissent surtout en fin de mot (notamment les déterminatifs, uniquement présents en fin de mot), de sorte qu'il est parfois possible de distinguer les mots par ce biais. Il est évident toutefois que seule une solide connaissance de la langue et de sa syntaxe permet de découper un texte en mots.

Le quadrat

Les hiéroglyphes ne sont cependant pas simplement alignés les uns à la suite des autres : en effet, chacun s’inscrit harmonieusement dans un carré virtuel (c'est-à-dire non tracé), ou quadrat (aussi écrit cadrat), à la manière des sinogrammes. À la différence des sinogrammes, cependant, tout caractère ne remplit pas entièrement le quadrat : certains n'en remplissent que la moitié, horizontalement ou verticalement, d'autres le quart.

Exemples de hiéroglyphes occupant un quadrat, un demi-quadrat et un quart de quadrat.
Quadrats Demi-quadrats horizontaux Demi-quadrats verticaux Quarts de quadrat
A22G18W17N15

U7
r
A2A1V13
N35

U7
r
A2A1V13
G43

nfrI9
D21
D36
D21
X1
F22

W19M17G43E13z
t B1
D40
R4
D58R8
Q3 V1
V34 N5
V20

L'ordre de lecture des éléments disposés à l'intérieur d'un quadrat est indépendant du sens de lecture global, qu'il soit horizontal (quadrats disposés en lignes) ou vertical (quadrats disposés en colonnes). Les signes qui occupent un quadrat se lisent de gauche à droite puis de haut en bas, ou bien de haut en bas puis de gauche à droite.

Particularités calligraphiques et contraintes

Il existe plusieurs particularités calligraphiques, dont voici les principales :

  1. Les caractères se répartissent en quadrats (voir plus haut) ;
  2. Pour éviter qu'un quadrat ne soit incomplet, on inverse parfois des signes afin de rendre l'ensemble plus compact. De même, dans un souci d'esthétique, on choisit avec soin les compléments phonétiques, bien qu'il y ait redondance ;
  3. On inverse parfois les hiéroglyphes d'oiseaux tenant en un quadrat et les signes d'un quart de quadrat (le p par exemple) ; dans ce cas, le petit caractère précède et occupe le creux du quadrat ;
  4. On peut omettre des signes, surtout ceux notant les phonèmes et j ;
  5. Les signes désignant les dieux sont placés en tête d'énoncé, de syntagme ou de mot composé, par antéposition honorifique (inversion respectueuse).

Cependant, même si les hiéroglyphes sont inversés, la lecture et la translittération n'en tiennent évidemment pas compte.

Signes annexes

Trait de remplacement

Un caractère parfois jugé offensant : « mettre au monde » (bas relief du temple de Kom Ombo).

Les caractères offensants, funestes, tabous, rares ou complexes peuvent être remplacés par un trait oblique :

F31sB3
ms(j), verbe signifiant « mettre au monde », peut être écrit :
F31sZ5
le déterminatif de la femme accouchant (dernier caractère) étant parfois jugé offensant (ou tout simplement trop difficile à dessiner) ;
mtA14
m(w)t, « (la) mort, mourir », sera aussi écrit :
mtZ5
pour éviter le déterminatif de l'ennemi à terre (dernier caractère), signe funeste.

Cartouche

On place dans un cartouche les noms de dieux (exceptionnellement) et les deux derniers noms (roi de Haute et Basse-Égypte et fils de Rê) de la titulature royale (toujours) :

début du cartouche
it
n
N5A40
début du cartouche
imn
n
ra
Z1
A40
début du cartouche
q
l
iwAp
d
rAt
H8
jtn, « Aton » jmn-rˁ, « Amon-Rê » qljwȝpdrȝ.t, « Cléopâtre »

Mais bien que ce soit normalement réservé aux pharaons ou aux dieux, au cours de la Troisième Période intermédiaire, certains grands prêtres d'Amon-Rê faisaient écrire leurs noms dans des cartouches[18].

Trait de remplissage

On fait usage du trait de remplissage pour terminer un quadrat qui serait, sinon, incomplet.

Signes agglutinés

Il existe des signes qui sont la contraction de plusieurs autres. Ces signes ont cependant une existence propre et fonctionnent comme nouveaux signes : par exemple un avant-bras dont la main tient un sceptre sert de déterminatif aux mots signifiant « diriger, conduire » et à leurs dérivés.

Redoublement

Le redoublement d'un signe indique son duel, le triplement son pluriel.

Signes non figuratifs

Il s'agit :

  • du trait vertical indiquant qu'il s'agit d'un idéogramme (pour les cas d'ambiguïté où un même signe coexiste comme caractère phonétique et idéogramme) ;
  • des deux traits obliques du duel et des trois traits verticaux du pluriel ;
  • et, emprunté au hiératique, le suffixe de formation du pluriel :
    W

L'orthographe

Hiéroglyphes dans un temple fondé par Thoutmôsis III.

La notion d'une orthographe « correcte » de l'égyptien hiéroglyphique ne se pose pas dans les mêmes termes que pour les langues modernes. En effet, pour presque chaque mot, il existe une ou plusieurs variantes. Par conséquent, on peut se demander si la notion de correction orthographique n'était pas étrangère à la langue égyptienne. En effet, on y trouve :

  • des redondances ;
  • des omissions de graphèmes, dont on ignore si elles sont intentionnelles ou non ;
  • des substitutions d'un graphème à un autre, de sorte qu'il est impossible de distinguer une « faute » d'une orthographe « alternative » ;
  • des erreurs et des omissions dans le tracé des signes, d'autant plus problématiques quand l'écriture est cursive : écriture hiératique mais surtout démotique où la schématisation des signes est extrême.

Traduction

En mai 2017, est mise en place la plate-forme VÉgA (Vocabulaire de l'Égyptien Ancien), traducteur de hiéroglyphes en ligne[19].

Exemples de hiéroglyphes

Notes et références

Notes

  1. Comme beaucoup d'autres langues chamito-sémitiques, l'égyptien hiéroglyphique n'écrit pas toutes les voyelles. Par ailleurs, certaines voyelles ou consonnes qui diffèrent selon les dialectes sont représentées par le même hiéroglyphe.
  2. Le dernier nom de souverain écrit en hiéroglyphes — il s'agit en l'occurrence de l'empereur romain Decius (249 à 251) — se trouve dans le temple d'Esna.
  3. Caractère qui représente un son ou phonème.

Références

  1. Michel Dewachter, Champollion : Un scribe pour l'Égypte, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard / Archéologie » (no 96), , 144 p., p. 130.
  2. « Les langues sacrées ont laissé lire leur vocabulaire perdu ; jusque sur les granits de Mezraïm, Champollion a déchiffré ces hiéroglyphes qui semblaient être un sceau mis sur les lèvres du désert, et qui répondait de leur éternelle discrétion… » (François-René de Chateaubriand, Les Mémoires d’Outre-Tombe, IV, XII, chap. 9).
  3. (en) Peter T. Daniels, « The First Civilizations », dans Peter T. Daniels et William Bright, The World's Writing Systems, 1996, p. 24.
  4. Allen 2014, p. 2.
  5. Günter Dreyer, Recent Discoveries at Abydos Cemetery U, dans « The Nile Delta in Transition : 4th-3th Millenium BC », Édit. M. Van Den Brink, Tel Aviv, 1992, p. 293-1299.
  6. Gwenola Graff, « L'invention des hiéroglyphes », La recherche, no 463, , p. 64 (lire en ligne).
  7. Allen 2014, p. 8.
  8. Edel 1955, p. 13.
  9. Tabula Aegyptiaca hieroglyphicis exornata, Acta Eruditorum, Leipzig, (lire en ligne).
  10. W. V. Davies, p. 129 sqq ; voir aussi J. F. Healy, p. 197 sqq.
  11. Jean-François Champollion, Lettre à M. Dacier relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques, .
  12. Cf. Alan H. Gardiner, Egyptian Grammar, London, 1973, p. 507.
  13. Cf. Antonio Loprieno, Ancient Egyptian, A Linguistic Introduction, Cambridge University Press, 1995, p. 13.
  14. (en) Antonio Loprieno, Ancient Egyptian : A Linguistic Introduction, Cambridge, Cambridge University Press, , 322 p., poche (ISBN 978-0-521-44849-9, LCCN 95014789, lire en ligne), p. 13.
  15. Empruntés à l'ouvrage Je lis les hiéroglyphes de Jean Capart.
  16. (en) Jim Loy, « Determinative Signs In Egyptian » citant Alan Henderson Gardiner, Egyptian Grammar : Being an Introduction to the Study of Hieroglyphs [détail des éditions].
  17. Raymond O. Faulkner, A Concise Dictionary of Middle Egyptian [détail des éditions].
  18. Jean Winand, Une histoire personnelle des pharaons, (lire en ligne), p. 261 à 213.
  19. « VÉgA : le traducteur de hiéroglyphes en ligne », sur sciencesetavenir.fr, .

Voir aussi

Bibliographie

Sur l'histoire du déchiffrement des hiéroglyphes

  • (en) Jed Z. Buchwald et Diane Greco Josefowicz, The Riddle of the Rosetta : How an English Polymath and a French Polyglot Discovered the Meaning of Egyptian Hieroglyphs, Princeton University Press, , 576 p. (présentation en ligne).
  • Jean-François et Jacques-Joseph Champollion, L'aventure du déchiffrement des hiéroglyphes, Correspondance choisie et présentée par Karine Madrigal, Les Belles lettres, Paris, 2021, 193 p.

Sur l'étymologie, l'histoire et l'évolution

  • Jean Vercoutter, L'Égypte et la vallée du Nil, Tome 1, PUF, .
  • Elmar Edel, Altägyptische Grammatik, Rome, Pontificium Institutum Biblicum, , p. 1-12.
  • Alan Henderson Gardiner, Egyptian Grammar : Being an Introduction to the Study of Hieroglyphs [détail des éditions], p. 6 sqq.
  • Gustave Lefebvre, Grammaire de l’égyptien classique, Le Caire, Imprimerie de l’Institut français d’archéologie orientale, , p. 5 sqq.
  • Pascal Vernus, Espace et idéologie dans l'écriture égyptienne, Paris, Le Sycomore, .
  • Christiane Ziegler, Les Hiéroglyphes, département des Antiquités égyptiennes, Louvre, Éditions de la Réunion des musées nationaux, .
  • Antonio Loprieno, Ancient Egyptian : a Linguistic Introduction, Cambridge University Press, , p. 5 sqq.
  • Michel Malaise et Jean Winand, Grammaire raisonnée de l'égyptien classique, Liège, CIPL, Aegyptiaca Leodiensia 6, .
  • Jean-Pierre Guglielmi, L'Égyptien hiéroglyphique - (+ 4 CD audio), Chennevières s/Marne, Assimil, .
  • Pierre Grandet et Bernard Mathieu, Cours d'égyptien hiéroglyphique [détail des éditions].
  • François Neveu, La langue des Ramsès : grammaire du néo-égyptien, Paris, Khéops, .
  • W. V. Davies, Egyptian Hieroglyphs [« Reading the Past »], British Museum Press, .
  • (en) J. F. Healy, The early Alphabet, Londres, Berkeley : University of California Press, , 64 p. (ISBN 978-0-520-07309-8, LCCN 90040443, lire en ligne).
  • (en) James Peter Allen, Middle Egyptian : An Introduction to the Language and Culture of Hieroglyphs, Cambridge, Cambridge University Press, (1re éd. 2010), 599 p. (ISBN 978-1-107-66328-2).
  • (de) Wolfgang Kosack, Ägyptische Zeichenliste I. Grundlagen der Hieroglyphenschrift. Definition, Gestaltung und Gebrauch ägyptischer Schriftzeichen. Vorarbeiten zu einer Schriftliste., Berlin, Verlag Christoph Brunner Basel, , 141 p. (ISBN 978-3-9524018-0-4).
  • (de) Wolfgang Kosack, Ägyptische Zeichenliste II. 8500 Hieroglyphen aller Epochen. Lesungen, Deutungen, Verwendungen gesammelt und bearbeitet., Berlin, Verlag Christoph Brunner Basel, , 439 p. (ISBN 978-3-9524018-2-8).

Sur l’écriture « syllabique »

  • Jean-François Champollion, Principes généraux de l'écriture sacrée égyptienne : appliquée à la représentation de la langue parlée, Paris, Institut d'Orient : M. Sidhom, (réimpr. 1984), 555 p. (ISBN 978-2-905304-00-1, LCCN 85235704) — ouvrage au contenu « périmé ».
  • Jaroslav Černý et Sarah I. Groll, A Late Egyptian Grammar, Rome, Biblical Institute Press, , p. 2.
  • Adolf Erman, Neuägyptische Grammatik, Hildesheim, Georg Olms Verlag, , p. 15-19.
  • (en) E. A. Wallis Budge, Egyptian language : easy lessons in Egyptian hieroglyphics, New-York, Dover Publications, (réimpr. 1983), 11e éd., 272 p., poche (ISBN 978-0-486-21394-1) — ouvrage « périmé ».
  • Friedrich Junge, Neuägyptisch : Einführung in die Grammatik, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, , p. 44 sq.
  • Jean-Claude Goyon, Grammaire de l'égyptien hiéroglyphique : du Moyen empire au début du Nouvel empire, Lyon, Éditions A.C.V., , 311 p., poche (ISBN 978-2-913033-10-8, LCCN 2007459169).

Sur le système d’écriture

  • Erhart Gräfe, Mittelägyptisch : Grammatik für Anfänger, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, , p. 5-15.
  • Gustave Lefebvre, Grammaire de l’égyptien classique, Le Caire, Imprimerie de l’Institut français d'archéologie orientale, , p. 9-25.

Sur la valeur phonétique des signes « alphabétiques »

  • Renaud de Spens, Leçons pour apprendre les hiéroglyphes égyptiens, Paris, Les Belles Lettres, , 216 p. (ISBN 978-2-251-44571-7).
  • Gaston Maspero, Introduction à l'étude de la phonétique égyptienne, Paris, H. Champion, .
  • Gustave Lefebvre, Grammaire de l’égyptien classique, Le Caire, Imprimerie de l’Institut français d’archéologie orientale, , p. 25-31.

Pour les enfants

  • Marion Lemerle et Henri Choimet, Le monde des hiéroglyphes, Vevey, Éditions Mondo, (ISBN 978-2-8320-0263-6, OCLC 85325894).

Articles connexes

Liens externes