Une drag queen est une personne pratiquant le drag par la construction d'une identité féminine volontairement basée sur des archétypes de féminité et de rôles de genre de façon temporaire. Le monde des drag queens est généralement associé à l'homosexualité masculine et aux femmes trans, mais les drag queens peuvent être de toute identité de genre ou orientation sexuelle.
Une drag queen se travestit pour exprimer son identité et/ou dans le cadre du spectacle vivant, incluant souvent du chant, de la danse ou du lip-sync. Elle se représente généralement lors d'événements comme les Marches des fiertés ou les concours de beauté, ou dans des endroits comme les cabarets ou les boîtes de nuit.
Terminologie
L'origine du terme drag queen est incertaine[1]. La première utilisation connue du mot drag pour faire référence à des acteurs habillés avec des habits féminins date de 1870[2] et ferait référence au terme grand rag, qui désignait à l'époque un bal masqué[3].
Selon une autre étymologie, datant du XXe siècle, le terme drag viendrait de l'époque où les femmes ne pouvaient pas encore se produire sur scène au théâtre. Ce sont donc des hommes qui incarnaient des rôles féminins et, de ce fait, l'acronyme drag pour dressed as girl serait notée sur les scripts à côté du nom de l'acteur qui devait jouer le rôle d'une femme. En réalité, aucune trace de cette prétendue mention n'existe[4].
Les termes bioqueens et faux queens sont parfois utilisés pour désigner les drag queens qui sont des femmes cisgenres[5],[6],[7]. Toutefois, ces termes sont critiqués : en effet, l'expression « faux queen » sous-entendrait que la performance drag serait moins authentique venant d'une femme, et « bio queen » crée une distinction entre femmes cis, vues comme naturelles (et donc « bio »), et femmes trans, vues comme artificielles[8]. Le terme anglais « tranny »[note 1], autrefois grandement utilisé dans le milieu drag queen, est maintenant abandonné en raison de ses fortes connotations transphobes[9],[10].
Histoire
Fin du XIXème au début du XXème siècle
Débuts et minstrel shows
La première personne connue à se définir comme une « drag queen » est William Dorsey Swann, né esclave à Hancock, dans le Maryland, qui, dans les années 1880, commence à organiser des bals à Washington avec d'autres anciens esclaves travestis[11]. En 1896, William Dorsey Swann est condamné à dix mois de prison pour comportement désordonné et se voit refuser l'amnistie par le président Grover Cleveland[11].
Le développement des drag queens aux États-Unis est influencé par l'essor des minstrel shows, des spectacles américains racistes créés pour rire de la communauté afro-américaine et plus particulièrement de leur vision des rôles de genre à travers des sketchs, des danses et des chansons de « wenches », mot anglais pour désigner une jeune fille de basse classe sociale[12],[13],[14].
Pantomime dames
De la fin des années 1800 au milieu des années 1900, le transformisme en Europe s'effectue principalement à travers la pantomime[15]. Il s'agit de la première forme d'art en Europe à utiliser le transformisme comme source de comédie, en contraste avec les tragédies shakespeariennes et les opéras italiens[16]. La « dame », avec ses nombreuses dérives comme la « dame de ménage » ou la « grande dame », devient un personnage récurrent des pantomimes et est surtout utilisé en improvisation[16]. Dan Leno est le comédien de pantomime le plus reconnu. Après les deux guerres mondiales, le changement des thèmes abordés au théâtre et au cinéma contribue à la fin de la pantomime[15].
Vaudeville
Le style extravagant et comique des minstrel shows aide également au développement des spectacles de vaudeville de la fin des années 1880 au début des années 1900[12]. Les stéréotypes féminins utilisés dans les minstrel shows, comme la wench ou la prima donna, inspirée des acteurs shakespeariens et des castrats[14], ainsi que les changements démographiques des États-Unis de l'époque tels que la grande migration afro-américaine ont permis de développer ce type de spectacle vivant au plus grand nombre[12]. L'essor du vaudeville ouvre la porte du succès à des personnalités comme Julian Eltinge à New York[15] et Bothwell Browne à San Francisco[12].
Le transformisme est vu à l'époque comme une activité pour les hommes blancs hétérosexuels et toute déviation en était prohibée[12]. Sa connexion avec le travail du sexe et l'homosexualité mène au déclin du vaudeville pendant l'Ère progressiste[12].
Première moitié du XXème siècle
Boîtes de nuit
Du début au milieu des années 1900, le transformisme, du fait de sa connexion à la communauté LGBT et à la criminalité, perd son statut de divertissement dominant et devient un divertissement nocturne dans des quartiers peu fréquentés de grandes villes comme San Francisco, formant le style de spectacle vivant de drag queens que l'on connaît encore aujourd'hui[12],[17],[18]. Les drag queens prédominantes de cette période sont José Sarria[19], Aleshia Brevard[20] et Arthur Blake, l'une des seules drag queens à devenir grandement célèbre à l'époque, connue pour ses imitations de Bette Davis, Carmen Miranda ou encore Eleanor Roosevelt[21],[22], qu'elle finira par imiter devant cette dernière à la Maison-Blanche.
Seconde moitié du XXème siècle
Émeutes
L'émeute du Cooper Do-nuts est organisée en mai 1959 à Los Angeles par des drag queens, des hommes homosexuels, des femmes lesbiennes et transgenres, c'est l'une des premières émeutes LGBT aux États-Unis[23].
Les émeutes de la cafétéria Compton se déroulent en 1966 à San Francisco et marquent le début de l'activisme transgenre dans la ville[24].
Le , pour protester contre le harcèlement et la provocation policière de la police municipale de Los Angeles, deux drag queens connues sous le nom de The Princess et The Duchess organisent une célébration de la Saint-Patrick à Griffith Park, un lieu de cruising populaire cible régulière d'actions policières, à laquelle plus de deux cents personnes participent[25].
Les drag queens jouent également un rôle important dans les émeutes de Stonewall, une série de manifestations violentes organisées par des membres de la communauté LGBT en réponse à un raid de la police injustifié le dans le Stonewall Inn, dans le quartier de Greenwich Village, à Manhattan. Ces émeutes sont considérées comme le déclencheur du mouvement de libération homosexuelle et du combat moderne pour les droits LGBT aux États-Unis[26],[27].
XXIème siècle
RuPaul's Drag Race
En 2009, RuPaul lance un concours américain de télé réalité consacré aux drag queen, RuPaul's Drag Race. La popularité de l'émission, dont des déclinaisons locales essaiment dans de nombreux pays d'Amérique latine, d'Europe et d'Asie, relance la popularité de la pratique drag en général et en particulier des drag queen et influence grandement sa perception[28].
Critiques
Des mouvements conservateurs, notamment aux États-Unis, au Canada, en Suède et en France se sont offusqués que des drag queens fassent des ateliers de lecture aux enfants[29],[30],[31].
Des discours réactionnaires tentent de démontrer que les drag queens, en brouillant les normes de genre et de sexualité, chercheraient à détruire la famille traditionnelle[32].
Dans la culture
Cinéma
Cette liste non-exhaustive regroupe des films représentant un ou plusieurs personnages utilisant l'art du drag.
- 1959 : Certains l'aiment chaud, avec Marilyn Monroe, Tony Curtis et Jack Lemmon.
- 1967 : Millie, avec Julie Andrews, James Fax, Mary Tyler Moore et Carol Channing.
- 1969 : Les Funérailles des roses, avec Pita.
- 1972 : Pink Flamingos, avec Divine.
- 1975 : The Rocky Horror Picture Show, avec Tim Curry, Susan Sarandon et Barry Bostwick.
- 1977 : Outrageous!, avec Craig Russell.
- 1978 : La Cage aux folles, avec Ugo Tognazzi et Michel Serrault, et son remake Birdcage en 1996 avec Robin Williams et Nathan Lane.
- 1979 : The Rose, avec Bette Midler.
- 1982 : Tootsie, avec Dustin Hoffman, Jessica Lange et Teri Garr.
- 1982 : Victor Victoria, avec Julie Andrews.
- 1985 : Lust in the Dust, avec Divine.
- 1988 :
- Hairspray, avec Divine, et son remake en 2007 avec John Travolta.
- Torch Song Trilogy, avec Harvey Fierstein, Anne Bancroft et Matthew Broderick.
- 1990 : Paris Is Burning, documentaire de Jennie Livingston.
- 1993 : Madame Doubtfire, avec Robin Williams, Sally Field et Pierce Brosnan.
- 1994 : Priscilla, folle du désert, avec Terence Stamp, Hugo Weaving et Guy Pearce.
- 1995 : Extravagances, avec Wesley Snipes, Patrick Swayze et John Leguizamo.
- 1996 : Le Professeur foldingue, avec Eddie Murphy.
- 1998 : Minuit dans le jardin du bien et du mal, avec John Cusack, Kevin Spacey et Lady Chablis.
- 1999 : Personne n'est parfait(e), avec Philip Seymour Hoffman et Robert de Niro.
- 2000 : Big Mamma, avec Martin Lawrence.
- 2001 : Hedwig and the Angry Inch, avec John Cameron Mitchell.
- 2004 : FBI : Fausses blondes infiltrées, avec Shawn Wayans et Marlon Wayans.
- 2005 :
- Kinky Boots, avec Joel Edgerton et Chiwetel Ejiofor.
- Rent, avec Anthony Rapp et Idina Menzel.
- 2016 : Hurricane Bianca, avec Bianca Del Rio, Willam Belli et Shangela.
- 2018 : A Star Is Born, avec Bradley Cooper et Lady Gaga.
- 2020 : P.S. Burn This Letter Please de Michael Seligman et Jennifer Tiexiera.
- 2021 : Tout le monde parle de Jamie de Jonathan Butterell d'après la comédie musicale Everybody's Talking About Jamie (2017).
- 2022 : Trois nuits par semaine de Florent Gouelou.
Télévision
De 1975 à 1977, la drag queen Lori Shannon[33] apparaît dans trois épisodes de la sitcom CBS All in The Family. Le rôle est reconnu pour sa représentation étonnamment respectueuse et sympathique de la drag queen[34],[35].
De 1988 à 1993[36], la série comique CODCO est diffusée sur CBC Television, dans laquelle Tommy Sexton et Greg Malone se représentent sous les traits de personnalités féminines comme Élisabeth II, Barbara Walters ou Margaret Thatcher[37].
Dans les années 90, en Espagne, l'artiste Shangay Lily devient l'une des personnalités de référence, à la télévision, des thèmes du militantisme queer, gay et féministe[38].
En 2009, RuPaul lance sur Logo TV sa téléréalité de compétition RuPaul's Drag Race. Encore diffusée aujourd'hui, l'émission devient un apport culturel immense à un niveau mondial et est dérivée au Royaume-Uni, en Thaïlande, au Canada, aux Pays-Bas, en Espagne, en France et en Océanie[39].
En 2014, la drag queen Conchita Wurst remporte le Concours Eurovision de la chanson 2014 avec sa chanson Rise Like a Phoenix[40].
En 2018, un épisode des Simpson représente de nombreuses drag queens, dont RuPaul et Raja[41].
En 2020, RuPaul devient la première drag queen à animer l'émission Saturday Night Live[42].
En 2022, en France, la chaine de télévision France 3 diffuse le documentaire Minima et les drags, portant sur le personnage de Minima Gesté et son engagement pour le Sidaction[43].
Notes et références
Notes
- ↑ Traduction littérale : « travelote ».
Références
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- Sofian Aissaoui, Drag - L'autre visage des Queens et des Kings, La Musardine Eds, , 176 p. (ISBN 2364904889).
Voir aussi
Articles connexes
- Drag
- Drag king
- Travestissement
- Transformisme
- Culture LGBT
- Ball culture
- Drag en France
Liens externes
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