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Le cycle de Krebs, aussi appelé cycle des acides tricarboxyliques ou cycle de l'acide citrique par anglicisme, est une voie métabolique présente chez tous les organismes aérobies et dont la fonction première est d'oxyder les groupes acétyle, issus notamment de la dégradation des glucides, des lipides et des protéines, pour en récupérer l'énergie sous forme de huit électrons à haut potentiel de transfert et d'une molécule de GTP ou d'ATP ; les électrons à haut potentiel de transfert, récupérés sur le NADH et l'ubiquinol (CoQ10H2, ou coenzyme Q10 réduite), circulent ensuite à travers la chaîne respiratoire pour former à leur tour des molécules d’ATP supplémentaires par la phosphorylation oxydative.

Ce cycle a été découvert par étapes dans les années 1930, plusieurs de ses éléments ayant été identifiés par le biologiste moléculaire hongrois Albert Szent-Györgyi[1] tandis que son fonctionnement cyclique était mis en évidence par le biochimiste allemand Hans Adolf Krebs en 1937[2]. Il se déroule dans le cytoplasme des procaryotes et dans les mitochondries des eucaryotes. Il s'agit d'un cycle car le dernier métabolite, l'oxaloacétate, est aussi impliqué dans la première réaction. La première étape consiste à transférer le groupe acétyle de l'acétyl-CoA sur de l'oxaloacétate pour former du citrate, lequel a donné son nom au cycle en anglais et dans les langues germaniques. Les étapes suivantes forment une séquence de réactions, catalysées chacune par une enzyme spécifique, qui conduit à l'oxydation progressive du groupe acétyle en deux molécules de dioxyde de carbone (CO2). Ce faisant, ce cycle produit également des précurseurs pour la biosynthèse de certains acides aminés protéinogènes, tandis que le NADH peut être utilisé dans un grand nombre de réactions biochimiques.

Le cycle de Krebs est le point final commun de la dégradation des polyholosides (glycolyse, voie des pentoses phosphates), des lipides (β-oxydation) et des acides aminés, qui aboutissent à la formation d'acétyl-CoA ; ce dernier est une forme de transport des groupes acétyle provenant du pyruvate. Il existe par ailleurs des réactions d'échappement au cycle qui permettent diverses biosynthèses ; le cycle du glyoxylate, absent chez les animaux mais présent notamment chez les plantes, est un exemple parmi d'autres de telles voies métaboliques utilisant le cycle de Krebs.

Le fait que le cycle de Krebs soit indispensable à de nombreuses voies métaboliques, tant anaboliques que cataboliques, suggère qu'il a probablement été l'un des premiers éléments fondateurs du métabolisme cellulaire à s'être mis en place au cours de l'évolution, peut-être par abiogenèse. Il est apparenté à des réactions se produisant chez les bactéries anaérobies et aurait évolué en plusieurs fois[3] ; il existe théoriquement plusieurs alternatives au cycle de Krebs, mais ce dernier semble être le plus efficace : si plusieurs alternatives ont évolué indépendamment, elles ont dû toutes converger vers le cycle de Krebs[4],[5].

Cycle de Krebs avec ses huit enzymes nommées en rouge et, à l'intérieur de celui-ci, le cycle du glyoxylate participant à l'anabolisme des plantes, des champignons, des protistes et des bactéries.

Étapes du cycle de Krebs

Le tableau ci-dessous résume les dix étapes du cycle de Krebs, catalysées par huit enzymes différentes. Ces étapes sont remarquablement conservées selon les espèces, mais les enzymes peuvent en revanche différer assez sensiblement d'un organisme à un autre. Les réactions et les enzymes présentées dans ce tableau sont celles qui prévalent chez les mammifères.

Substrats Produits Enzyme Type de réaction Remarques
1 Oxaloacétate
+ Acétyl-CoA
Citrate
+ CoA-SH
Citrate synthase
(EC 2.3.3.1)
Crotonisation Irréversible,
allonge l'oxaloacétate (4C) en une molécule à six atomes de carbone
2 Citrate cis-Aconitate
+ H2O
Aconitase
(EC 4.2.1.3)
Déshydratation Isomérisation réversible
3 cis-Aconitate
+ H2O
Isocitrate Hydratation
4 Isocitrate
+ NAD+
Oxalosuccinate
+ NADH + H+
Isocitrate déshydrogénase
(EC 1.1.1.41)
Oxydation Produit du NADH (équivalent à 2,5 ATP)
5 Oxalosuccinate α-Cétoglutarate
+ CO2
Décarboxylation Réaction limitante,
étape irréversible,
produisant une molécule à cinq atomes de carbone.
6 α-Cétoglutarate
+ NAD+
+ CoA-SH
Succinyl-CoA
+ NADH + H+
+ CO2
Complexe α-cétoglutarate déshydrogénase
(EC 1.2.4.2)
Décarboxylation
oxydative
Étape irréversible,
produisant du NADH (équivalent à 2,5 ATP),
conduisant à une molécule à quatre atomes de carbone (hors coenzyme A)
7 Succinyl-CoA
+ GDP + Pi
Succinate
+ CoA-SH
+ GTP
Succinyl-CoA synthétase
(EC 6.2.1.4)
Phosphorylation ou ADP → ATP à la place de GDP → GTP,
produit une molécule d'ATP ou d'un équivalent

La réaction de condensation du GDP avec le Pi et l'hydrolyse de la succinyl-CoA implique la molécule d'H2O requise pour l'équilibre de la réaction.

8 Succinate
+ CoQ10
Fumarate
+ CoQ10H2 (ubiquinol)
Succinate déshydrogénase
(EC 1.3.5.1)
Oxydation Utilise le FAD comme groupe prosthétique (FAD → FADH2 à la première étape de la réaction),
équivalent à 1,5 ATP
9 Fumarate
+ H2O
L-Malate Fumarase
(EC 4.2.1.2)
Hydratation
10 L-Malate
+ NAD+
Oxaloacétate
+ NADH + H+
Malate déshydrogénase
(EC 1.1.1.37)
Oxydation Réversible (en réalité, l'équilibre favorise la formation du L-malate),
produit du NADH (équivalent à 2,5 ATP)

Synthèse du citrate

La citrate synthase condense l'oxaloacétate et l'acétyl-CoA en citrate avec libération de la coenzyme A. Il se forme un intermédiaire transitoire, la citroyl-CoA. La liaison thioester de l'acétyl-CoA est une liaison à haut potentiel d'hydrolyse. Le couplage des activités hydrolase et synthase rend la réaction de synthèse thermodynamiquement possible. Cette réaction est une étape régulatrice du cycle, avec comme effecteur négatif sur la vitesse de réaction la succinyl-CoA, le NADH, l'acétyl-CoA, le citrate et l'ATP.

  + acétyl-CoA  +  H2O    CoA +  
Oxaloacétate   Citrate
Citrate synthaseEC 2.3.3.1

Déshydratation du citrate

L'aconitase, une lyase, catalyse la déshydratation du citrate en cis-aconitate. Bien que la molécule de citrate semble être symétrique, on a montré que le départ d'eau a lieu entre les atomes de carbone issus de l'oxaloacétate :

      H2O +
Citrate   cis-Aconitate
AconitaseEC 4.2.1.3

Hydratation du cis-aconitate

L'aconitase catalyse également l'hydratation du cis-aconitate en isocitrate :

  + H2O    
cis-Aconitate   Isocitrate
AconitaseEC 4.2.1.3

Les deux étapes précédentes, catalysées par l'aconitase, aboutissent à l'isomérisation du citrate en isocitrate :

      H2O +      
Citrate   cis-Aconitate   Isocitrate
AconitaseEC 4.2.1.3

Oxydation de l’isocitrate

L'isocitrate déshydrogénase, une oxydoréductase, catalyse l'oxydation de l'isocitrate en oxalosuccinate :

  + NAD+     NADH + H+ +
Isocitrate   Oxalosuccinate
Isocitrate déshydrogénaseEC 1.1.1.41

Les eucaryotes utilisent une isocitrate déshydrogénase NAD+-dépendante (EC 1.1.1.41), qui exige comme cofacteur des ions Mn2+ ou Mg2+. Les procaryotes utilisent quant à eux une isocitrate déshydrogénase NADP+-dépendante (EC 1.1.1.42)[6].

Décarboxylation de l'oxalosuccinate

L'isocitrate déshydrogénase catalyse également la décarboxylation de l'oxalosuccinate, instable, en α-cétoglutarate avec dégagement de CO2, en une réaction irréversible :

   CO2 +
Oxalosuccinate   α-Cétoglutarate
Isocitrate déshydrogénaseEC 1.1.1.41

C'est également une étape régulatrice du cycle, avec comme effecteurs négatifs le NADH et l'ATP. La présence d'ADP favorise au contraire l'activité de l'isocitrate déshydrogénase, et ainsi la vitesse de cette réaction.

Décarboxylation oxydative de l'α-cétoglutarate

Le complexe α-cétoglutarate déshydrogénase catalyse la décarboxylation oxydative de l'α-cétoglutarate en succinyl-CoA avec production de NADH+H+ et dégagement de CO2. C'est une réaction semblable à celle convertissant le pyruvate en acétyl-CoA, catalysée par le complexe pyruvate déshydrogénase. Ce complexe enzymatique fait intervenir successivement trois enzymes — l'α-cétoglutarate déshydrogénase, la dihydrolipoamide S-succinyltransférase et la dihydrolipoyl déshydrogénase — et cinq cofacteurs : le TPP, le lipoamide, la coenzyme A, le FAD et le NAD+. Cette réaction est irréversible.

+ CoA-SH + NAD+    NADH + H+ + CO2 +
α-Cétoglutarate   Succinyl-CoA
Complexe α-cétoglutarate déshydrogénaseEC 1.2.4.2

Le NADH, le GTP et la succinyl-CoA sont des effecteurs négatifs sur l'activité du complexe enzymatique.

Formation du succinate

La succinyl-CoA synthétase, ou succinate thiokinase, convertit la succinyl-CoA en succinate et coenzyme A avec formation d'une molécule de GTP chez les animaux ou d'ATP chez les plantes et les bactéries. Cette réaction est réversible.

+ GDP/ADP + Pi      GTP/ATP + CoA +
Succinyl-CoA   Succinate
succinyl-CoA synthétase (formant GTP/ATP)EC 6.2.1.4 / EC 6.2.1.5

Oxydation du succinate

La succinate déshydrogénase, une oxydoréductase, catalyse l'oxydation du succinate en fumarate avec réduction concomitante de l'ubiquinone (coenzyme Q10) en ubiquinol (CoQ10H2). Cette enzyme flavoprotéique à FAD est le complexe II de la chaîne respiratoire. Elle est inhibée par le malonate. Le FAD étant un groupe prosthétique lié de manière covalente à l'enzyme, il ne fait que transmettre les électrons et protons au « vrai » substrat CoQ10.

+ FAD      FADH2 +
Succinate   Fumarate
Succinate déshydrogénaseEC 1.3.5.1

Cette réaction est la quatrième et dernière réaction régulatrice du cycle. Le malonate est ici l'inhibiteur compétitif.

Hydratation du fumarate

La fumarase, une lyase, catalyse l'hydratation du fumarate en L-malate.

  +   H2O      
Fumarate   L-Malate
FumaraseEC 4.2.1.2

Oxydation du malate : fermeture du cycle

La malate déshydrogénase, une oxydoréductase, convertit le L-malate en oxaloacétate avec formation de NADH+H+.

  + NAD+      NADH + H+ +  
L-Malate   Oxaloacétate
Malate déshydrogénaseEC 1.1.1.37

Cette réaction est catalysée par une malate déshydrogénase NAD+-dépendante (EC 1.1.1.37) chez les eucaryotes et quinone-dépendante (EC 1.1.5.4) chez les procaryotes[7].

Bilan du cycle de Krebs

Le cycle de Krebs est composé de 10 étapes catalysées par huit enzymes différentes. Au cours du cycle sont produites, à partir d'une mole d'acétate et jusqu'au stade CO2 et H2O :

  • 2 moles de CO2
  • 3 moles de NADH + H+
  • 1 mole de CoQ10H2
  • 1 mole de GTP

On constate que le cycle de Krebs ne produit qu'un seul équivalent ATP (une GTP), soit moins que la glycolyse (quatre molécules d'ATP pour une molécule de glucose dont deux sont utilisées lors de la phase « d'activation » de la glycolyse — étapes 1 et 3, qui correspondent à des phosphorylations). L'essentiel de l'énergie chimique potentielle est produite sous forme de pouvoir réducteur (NADH + H+ et CoQ10H2). Ce pouvoir réducteur est ultérieurement utilisé dans la chaîne respiratoire des mitochondries pour produire 11 autres molécules d'ATP via un gradient de protons et une ATP synthase qu'on attribue parfois de façon erronée au cycle de Krebs.

DescriptionSubstratsProduits
La somme de toutes les réactions d'oxydation de l'acétyl-CoA par le cycle de Krebs (hors chaîne respiratoire) correspond à :Acétyl-CoA + 3 NAD+ + CoQ10 + GDP + Pi + 2 H2OCoA-SH + 3 (NADH + H+) + CoQ10H2 + GTP + 2 CO2
En remontant jusqu'à la décarboxylation du pyruvate, le bilan devient :Pyruvate + 4 NAD+ + CoQ10 + GDP + Pi + 2 H2O→ 4 (NADH + H+) + CoQ10H2 + GTP + 3 CO2
En remontant jusqu'à l'oxydation du glucose par la glycolyse, le bilan devient :Glucose + 10 NAD+ + 2 CoQ10 + 2 ADP + 2 GDP + 4 Pi + 2 H2O→ 10 (NADH + H+) + 2 CoQ10H2 + 2 ATP + 2 GTP + 6 CO2

Ce qui correspond, au total, pour l'ensemble de la respiration aérobie (glycolyse, cycle de Krebs, réduction des coenzymes NAD+ et CoQ10 par la chaîne respiratoire) entre 30 et 38 ATP pour une molécule de glucose selon les estimations[8], dépendant en partie de la navette mitochondriale ATP-dépendante utilisée pour transporter le NAD+ de la glycolyse.

L’utilisation du glucose par respiration aérobie est plus énergétique que les fermentations.

En présence d'une grande quantité d'acétyl-CoA, le cycle de Krebs peut être débordé, en particulier chez les diabétiques ayant un déficit sévère en insuline ou après un jeûne prolongé (cf. cétoacidose diabétique pour de plus amples détails).

Variations

Bien que le cycle de Krebs soit généralement très conservé entre espèces, on relève des variations importantes dans les enzymes présentes dans les différents taxons. Il existe notamment des différences entre procaryotes et eucaryotes. Ainsi, la conversion du D-thréo-isocitrate en α-cétoglutarate est catalysée par une isocitrate déshydrogénase NAD+-dépendante (EC 1.1.1.41) chez les eucaryotes mais NADP+-dépendante (EC 1.1.1.42) chez les procaryotes[6]. Il en va de même de la conversion du L-malate en oxaloacétate, catalysée par une malate déshydrogénase NAD+-dépendante (EC 1.1.1.37) chez les eucaryotes et quinone-dépendante (EC 1.1.5.4) chez les procaryotes[7].

La conversion de la succinyl-CoA en succinate par la succinyl-CoA synthétase présente une variabilité significative. La plupart des êtres vivants utilisent une enzyme ADP-dépendante (EC 6.2.1.5), tandis que les mammifères utilisent également l'isoforme GDP-dépendante (EC 6.2.1.4) de cette enzyme. Le taux d'utilisation de chacune de ces deux formes de l'enzyme dépend des tissus considérés[9]. Chez certaines bactéries produisant de l'acétate comme Acetobacter aceti (en), c'est une enzyme totalement différente qui catalyse cette réaction, en l'occurrence la succinyl-CoA:acétate CoA-transférase (EC 2.8.3.18) : cette enzyme réalise la jonction du métabolisme de l'acide acétique avec le cycle de Krebs chez ces organismes[10]. Certaines bactéries telles que Helicobacter pylori utilisent une enzyme encore différente pour cette réaction, en l'occurrence la 3-oxoacide CoA-transférase (EC 2.8.3.5)[11].

Il existe une certaine variabilité également à l'étape précédente, c'est-à-dire au niveau de la conversion de l'α-cétoglutarate en succinly-CoA. La plupart des êtres vivants utilisent le complexe α-cétoglutarate déshydrogénase, mais certaines bactéries utilisent l'α-cétoglutarate synthase (EC 1.2.7.3)[12]. D'autres organismes, parmi lesquels des bactéries et des archées autotrophes et méthanotrophes obligatoires, court-circuitent complètement la succinyl-CoA et convertissent l'α-cétoglutarate en succinate via le semialdéhyde succinique sous l'action successivement de l'α-cétoglutarate décarboxylase (EC 4.1.1.71) et de la succinate-semialdéhyde déshydrogénase (EC 1.2.1.79)[13].

Régulation

Les étapes irréversibles du cycle de Krebs peuvent être régulées : étape de la citrate synthase, de l'isocitrate déshydrogénase et du complexe α-cétoglutarate déshydrogénase :

  • la citrate synthase est activée par l'ADP mais inhibée par le NADH, l'ATP et le citrate. Elle est donc respectivement inhibée par le pouvoir réducteur, la charge énergétique et le produit de la réaction qu'elle catalyse ;
  • l'isocitrate déshydrogénase est activée par le calcium et l'ADP, et est inhibée par le NADH et l'ATP ;
  • le complexe α-cétoglutarate déshydrogénase est activé par le calcium et inhibé par le NADH, l'ATP et son produit de réaction, la succinyl-CoA.

La régulation du cycle de Krebs repose essentiellement sur la disponibilité du substrat et l'inhibition par les produits de réaction. Si ces réactions n'étaient pas régulées, le cycle de Krebs gaspillerait de grandes quantités d'énergie métabolique en produisant un excès d'ATP et de coenzymes réduites telles que le NADH.

  • Le NADH est produit par toutes les déshydrogénases du cycle hormis la succinate déshydrogénase et a pour effet d'inhiber le complexe pyruvate déshydrogénase, l'isocitrate déshydrogénase, le complexe α-cétoglutarate déshydrogénase ainsi que la citrate synthase.
  • L'acétyl-CoA inhibe le complexe pyruvate déshydrogénase, tandis que la succinyl-CoA inhibe le complexe α-cétoglutarate déshydrogénase et la citrate synthase. Les essais in vitro sur les enzymes du cycle de Krebs montrent que l'ATP inhibe la citrate synthase et le complexe α-cétoglutarate déshydrogénase ; cependant, le taux d'ATP in vivo ne varie pas de plus de 10 % entre les périodes de repos et d'activité soutenue, et aucun mécanisme allostérique connu ne permet de moduler significativement l'activité d'une enzyme avec une variation d'au plus 10 % de la concentration d'un effecteur allostérique.
  • Le cation de calcium Ca2+ intervient comme régulateur. Le taux de calcium dans la matrice mitochondriale peut atteindre quelques dizaines de micromoles par litre[14]. Il active la pyruvate déshydrogénase phosphatase, laquelle active à son tour la composante pyruvate déshydrogénase (E1) du complexe pyruvate déshydrogénase. Il active également l'isocitrate déshydrogénase et le complexe α-cétoglutarate déshydrogénase[15]. Ceci accroît la vitesse de réaction de plusieurs étapes du cycle, et accroît donc le flux de composés à travers cette voie métabolique.
  • Le citrate agit en inhibant la phosphofructokinase, laquelle intervient dans la glycolyse et donc contribue à la formation de pyruvate via le fructose-1,6-bisphosphate. Ceci constitue une boucle de rétroaction entre les deux voies métaboliques.

Des travaux publiés en 2007 ont montré un lien important entre les intermédiaires du cycle de Krebs et la régulation des facteurs induits par l'hypoxie (HIF). Ces derniers jouent un rôle dans l'homéostasie de l'oxygène comme facteurs de transcriptions intervenant dans l'angiogenèse, le remodelage vasculaire, la mobilisation du glucose, le transport des ions et l'apoptose. Les HIF sont synthétisés de façon constitutive et l'hydroxylation d'au moins l'un de deux résidus de proline intervient dans leur interaction avec le complexe ubiquitine ligase, ce qui les désigne comme cible pour une dégradation rapide. Cette réaction est catalysée par des procollagène-proline dioxygénases. Le fumarate et le succinate sont des inhibiteurs efficaces de ces enzymes, ce qui pourrait stabiliser les HIF[16].

Intégration avec les grandes voies métaboliques

Voies anaplérotiques et cataplérotiques

Plusieurs voies métaboliques convergent vers le cycle de Krebs. La plupart de ces réactions produisent des métabolites participant au cycle et sont par conséquent des réactions anaplérotiques ; les processus qui, en revanche, consomment des métabolites du cycle de Krebs sont dites cataplérotiques.

Tous les intermédiaires du cycle de Krebs — comme le citrate, l'isocitrate, l'α-cétoglutarate, le succinate, le fumarate, le L-malate et l'oxaloacétate — sont régénérés à chaque tour du cycle. Le fait d'accroître la quantité disponible de l'un de ces métabolites a pour effet d'accroître la quantité totale de tous les métabolites du cycle, dans la mesure où chaque intermédiaire est converti de proche en proche en tous les autres intermédiaires du cycle. C'est la raison pour laquelle le fait de produire l'un quelconque des métabolites du cycle de Krebs a un effet anaplérotique général sur ce cycle, tandis que le fait d'en consommer un métabolite quelconque a un effet cataplérotique également sur l'ensemble du cycle.

Les molécules de pyruvate issues de la glycolyse sont transportées activement depuis le cytosol vers la matrice mitochondriale à travers la membrane mitochondriale interne. Une fois dans la matrice, elles peuvent être oxydées et réagir avec la coenzyme A pour former du CO2, de l'acétyl-CoA et du NADH, ou elles peuvent être carboxylées par la pyruvate carboxylase pour former de l'oxaloacétate. Il s'agit d'une réaction anaplérotique permettant d'accroître le flux et donc le débit traversant le cycle de Krebs lorsque la cellule est confrontée à un besoin accru d'énergie métabolique, par exemple dans les myocytes.

Alimentation du cycle par l'acétyl-CoA

L'acétyl-CoA, en revanche, qui dérive de l'oxydation du pyruvate ou de la β-oxydation des acides gras, n'est jamais régénéré par le cycle de Krebs : au contraire, chaque tour du cycle consomme une molécule d'acétyl-CoA par molécule d'oxaloacétate de la matrice mitochondriale, tandis que le résidu acétyle de l'acétyl-CoA est entièrement oxydé en CO2 et en H2O à travers la chaîne respiratoire, permettant d'en récupérer l'énergie métabolique sous forme d'ATP par phosphorylation oxydative.

Les voies métaboliques qui produisent ou consomment de l'acétyl-CoA ne sont donc pas anaplérotiques ou cataplérotiques pour le cycle de Krebs.

Néoglucogenèse

Dans le foie, la carboxylation du pyruvate cytosolique en oxaloacétate mitochondrial est une étape avancée de la néoglucogenèse, laquelle permet de convertir le lactate et l'alanine désaminée en glucose sous l'effet d'un taux élevé de glucagon et/ou d'adrénaline dans le sang. Dans ces conditions, la formation d'oxaloacétate dans les mitochondries ne présente pas d'effet anaplérotique car du L-malate mitochondrial est consommé pour former de l'oxaloacétate cytosolique, lequel est converti en glucose.

Dégradation des protéines

Dans le processus de dégradation des protéines, les chaînes polypeptidiques sont clivées par des peptidases en les acides aminés qui les constituent. Leur chaîne carbonée peut alors :

  • entrer dans le cycle de Krebs — comme c'est par exemple le cas du glutamate et de la glutamine qui entrent sous forme d'α-cétoglutarate — ce qui présente un effet anaplérotique — on parle d'acides aminés glucoformateurs car ils peuvent être orientés vers la néoglucogenèse via le L-malate ;
  • être convertie en acétyl-CoA pour être oxydée et produire de l'énergie, comme c'est le cas de la leucine, de l'isoleucine, de la lysine, de la phénylalanine, du tryptophane et de la tyrosine ;
  • être convertie en corps cétoniques, susceptibles d'être ou bien oxydés par d'autres tissus que le foie où ils sont produits, ou bien excrétés par voie urinaire ou par la respiration — on parle d'acides aminés cétoformateurs.

Dégradation des lipides

Dans le processus de lipolyse, les triglycérides sont hydrolysés en glycérol et en acides gras. Dans le foie, le glycérol peut être converti en glucose via la dihydroxyacétone phosphate et le glycéraldéhyde-3-phosphate dans le cadre de la néoglucogenèse. Dans de nombreux tissus, notamment le cœur et les muscles squelettiques, les acides gras sont dégradés à travers la β-oxydation, qui produit de l'acétyl-CoA mitochondriale susceptible de rejoindre le cycle de Krebs. Les acides gras à nombre impair d'atomes de carbone produisent de la propionyl-CoA, laquelle est convertie en succinyl-CoA et rejoint le cycle de Krebs comme intermédiaire anaplérotique[17].

Métabolites utilisés comme substrats pour des biosynthèses

Plusieurs métabolites du cycle de Krebs interviennent dans la biosynthèse de composés importants, ce qui présente un effet cataplérotique significatif sur le cycle.

Production de glucides et de lipides

L'acétyl-CoA ne pouvant quitter tel quel les mitochondries, c'est le citrate qui est transporté à travers la membrane mitochondriale interne depuis la matrice mitochondriale vers le cytosol, où il est clivé en acétyl-CoA et oxaloacétate par l'ATP citrate lyase. L'oxaloacétate peut être utilisé pour la néoglucogenèse dans le foie, ou être converti en L-malate et rejoindre les mitochondries. L'acétyl-CoA cytosolique est utilisé pour la biosynthèse des acides gras et du cholestérol. Ce dernier peut, à son tour, être utilisé pour produire des hormones stéroïdiennes, des acides biliaires et de la vitamine D.

Lors de la néoglucogenèse, l'oxaloacétate mitochondrial est réduit en malate, qui est par la suite transporté hors de la mitochondrie pour être à nouveau oxydé en oxaloacétate dans le cytosol. Ce dernier est alors décarboxylé en phosphoénolpyruvate par la phosphoénolpyruvate carboxykinase, qui est l'étape cinétiquement déterminante de la conversion en glucose de pratiquement tous les précurseurs glucoformateurs — tels que les acides aminés glucoformateurs et le lactate — par le foie et les reins.

Production d'acides aminés

La chaîne carbonée de nombreux acides aminés non essentiels provient de métabolites du cycle de Krebs. L'aspartate et l'asparagine dérivent ainsi de l'oxaloacétate, tandis que la glutamine, la proline et l'arginine dérivent de l'α-cétoglutarate. Le groupe amine provient du glutamate par transamination sur un α-cétoacide à l'aide d'enzymes utilisant du phosphate de pyridoxal comme cofacteur ; au cours de ces réactions, le glutamate est converti en α-cétoglutarate, qui est un métabolite du cycle de Krebs.

Production de bases nucléiques

L'aspartate et la glutamine interviennent par ailleurs dans la biosynthèse des bases nucléiques puriques entrant dans la composition des acides nucléiquesADN et ARN — ainsi que des nucléotides tels que l'ATP, l'AMP cyclique, le NAD, le FAD et la coenzyme A. Les bases nucléiques pyrimidiques, quant à elles, sont dérivées de l'aspartate, lui-même issu de l'oxaloacétate.

Production de porphyrines

La plupart des atomes de carbone des porphyrines proviennent du succinyl-CoA, un métabolite du cycle du Krebs. Les porphyrines constituent les groupes prosthétiques des hémoprotéines, telles que l'hémoglobine, la myoglobine et les cytochromes.

Notes et références

  1. (en) « The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1937 : Albert Szent-Györgyi », (consulté le ) : « The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1937 was awarded to Albert Szent-Györgyi "for his discoveries in connection with the biological combustion processes, with special reference to vitamin C and the catalysis of fumaric acid". ».
  2. (en) « The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1953 : Hans Krebs, Fritz Lipmann » (consulté le ) : « The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1953 was divided equally between Hans Adolf Krebs "for his discovery of the citric acid cycle" and Fritz Albert Lipmann "for his discovery of co-enzyme A and its importance for intermediary metabolism". ».
  3. (en) H. Gest, « Evolutionary roots of the citric acid cycle in prokaryotes », Biochemical Society Symposium, vol. 54, , p. 3-16 (PMID 3332996)
  4. (en) Enrique Meléndez-Hevia, Thomas G. Waddell et Marta Cascante, « The puzzle of the Krebs citric acid cycle: Assembling the pieces of chemically feasible reactions, and opportunism in the design of metabolic pathways during evolution », Journal of Molecular Evolution, vol. 43, no 1, , p. 293-303 (PMID 8703096, DOI 10.1007/BF02338838, lire en ligne)
  5. (en) Oliver Ebenhöh et Reinhart Heinrich, « Evolutionary Optimization of Metabolic Pathways. Theoretical Reconstruction of the Stoichiometry of ATP and NADH Producing Systems », Bulletin of Mathematical Biology, vol. 63, no 1, , p. 21-55 (PMID 11146883, DOI 10.1006/bulm.2000.0197, lire en ligne)
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Voir aussi

Articles connexes

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