Réalisation | Paul Grimault |
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Scénario |
Jacques Prévert Paul Grimault d'après La Bergère et le Ramoneur de Hans Christian Andersen |
Sociétés de production |
Les Films Paul Grimault Les Films Gibé Antenne 2 |
Pays de production | France |
Genre | Animation |
Durée | 87 minutes |
Sortie | 1980 |
Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution
Le Roi et l'Oiseau est un film d'animation français créé par Paul Grimault sur des textes de Jacques Prévert, d'après La Bergère et le Ramoneur de Hans Christian Andersen. Sorti en 1980, sa préparation a commencé dès 1946.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, les ambitions sont grandes pour le studio d'animation des Gémeaux : il se veut le premier du genre en Europe grâce au projet confié à Grimault qui doit aboutir au premier long métrage d'animation français. À la fin de la décennie, des désaccords financiers vont cependant mener l'équipe d'animation à sa perte : une partie est congédiée par les producteurs tandis que les membres restants se pressent d'achever ce qui est déjà accompli : Le Roi et l'Oiseau sort ainsi une première fois en mai 1953 dans une version intitulée La Bergère et le Ramoneur mais désavouée par Grimault et Prévert. Les « restes » de celle-ci sont néanmoins jugés impressionnants et le film remporte un prix au Festival de Venise ainsi que l'admiration de nombreux techniciens du monde de l'animation, dont les futurs fondateurs du Studio Ghibli.
Des années plus tard, les droits du producteur du film sont rachetés par Grimault, qui se remet au travail malgré la dissolution entre-temps de l'équipe originale et la mort en 1977 de Prévert survenue lors des derniers préparatifs pour la mise en chantier de la nouvelle version. Définitive et intitulée Le Roi et l'Oiseau, celle-ci sort finalement au cinéma en mars 1980 où elle reçoit un accueil critique très favorable et de nombreuses récompenses — c'est notamment la première fois que le prix Louis-Delluc récompense un film d'animation. Le film est également ressorti en version remasterisée en 2003.
Le Roi et l'Oiseau constitue un jalon dans l'histoire du dessin animé : premier long-métrage d'animation mis en chantier en France, il s'éloigne des canons du style de Walt Disney et veut proposer au-delà du public d'enfants et d'adolescents traditionnel des réflexions philosophiques grâce à une fable politique et sociale. Il est d'autre part une aventure humaine, le fruit de la collaboration étroite de très nombreux techniciens du monde de l'animation, formés en même temps que chaque version progresse. Le Roi et l'Oiseau est enfin le symbole d'une profonde complicité créative entre Grimault et Prévert, qui ne cesse qu'au décès du poète, alors que tous deux travaillent encore sur le film.
Synopsis
Le roi Charles-V-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize[n 1] règne en despote mégalomane sur le royaume de Takicardie. Toute la ville est remplie de sculptures à sa gloire, des formes canoniques où le visage anonyme est remplacé par celui du tyran dictatorial, et il élimine arbitrairement ceux qui le contrarient grâce à un système de trappes dissimulées dans le plancher du palais. Un peintre du roi l'apprend d'ailleurs à ses dépens lorsqu'il a l'audacieux professionnalisme de peindre le monarque tel qu'il est : avec son strabisme. Après avoir traité les affaires courantes, le roi se rend dans ses appartements secrets, dans la plus haute tourelle du palais, accessible uniquement par le biais d'un ascenseur privé. Là, il admire chaque soir un tableau représentant une belle bergère, et regarde avec mépris le petit ramoneur qui lui fait face.
Le soir de l'acquisition de son nouveau portrait, le Roi en corrige lui-même le regard pour effacer la convergence des yeux, puis, faute de supporter de se voir tel qu'il est dans un miroir, brise celui-ci à coups de chandelier. La nuit venue, les personnages des tableaux et les sculptures dans les appartements prennent vie, comme à leur habitude. La Bergère et le Ramoneur, voisins depuis bien longtemps et liés par un amour qui ne fait que fortifier leurs velléités de rébellion, projettent de s'enfuir pour échapper à cette prison dorée et découvrir le monde. Mais la statue d'un cavalier antique leur oppose qu'ils ne sont pas faits l'un pour l'autre ; le nouveau portrait du Roi, celui-là même qui fut corrigé de son strabisme, s'anime alors à son tour et offre d'épouser la Bergère, approuvé en cela par le cavalier, qui rappelle que les bergères, dans les contes, épousent les rois ; il décide également que le mariage se fera le soir-même. La jeune fille entreprend alors avec le Ramoneur de s'enfuir des appartements par le conduit de la cheminée, tous deux quittant le cadre de leurs tableaux. Le trouble qui s'ensuit réveille le Roi qui dormait là ; le tyran se retrouve alors face à son double peint, sorti à son tour du cadre, et une lutte s'engage entre les deux représentants du pouvoir. Le double finit par se débarrasser de son modèle dans une trappe, puis lance sa police secrète à la poursuite des deux amoureux afin de capturer le « petit ramoneur de rien du tout » et épouser la belle bergère.
De leur côté, les deux jeunes gens découvrent le monde, en l'occurrence les toits du gigantesque palais de Takicardie. Dans leur promenade émerveillée, ils vont apercevoir un oisillon en difficulté, pris au piège dans une cage au bord du vide ; l'agilité du Ramoneur lui permet de sauver le petit, qui s'avère être le rejeton le plus turbulent du non moins turbulent Oiseau. Celui-ci, dont l'épouse a été tuée dans un « accident de chasse » à attribuer au Roi, a l'habitude de narguer son ennemi depuis les cieux. Avec son aide, les deux amants parviennent à fuir la police, mais leur entreprise est mise à mal par les multiples pièges des agents du Roi. Séparés de l'Oiseau, la Bergère et le Ramoneur se perdent dans la ville basse, où ils suscitent la pitié et l'admiration des pauvres qui n'ont jamais vu la lumière du jour et ignorent à quoi ressemble un oiseau.
Le Roi finit cependant par capturer la Bergère et prépare leur mariage public, qui sera célébré en grande pompe. Le Ramoneur et l'Oiseau, capturés par la police, sont envoyés à l'usine qui fabrique tous les objets destinés à la propagande royale pour travailler sur la chaîne de montage des bustes. Le Ramoneur reporte sa colère sur les représentations royales, qu'il barbouille ; las de ce travail aliénant, l'Oiseau s'amuse avec son jeune compagnon à maculer les statues d'une peinture insolente et de quelques plumes colorées. Ils sont ensuite jetés aux lions pour ce crime de lèse-majesté mais parviennent à s'en faire des alliés, grâce à l'aide d'un joueur d'orgue de barbarie aveugle, qui charme les fauves puis va les aider à s'échapper ; la population de la ville basse sort de l'ombre, attirée par cet étrange et joyeux cortège mené par l'Oiseau et le Ramoneur, et tous arrivent jusqu'au palais où ils empêchent le mariage.
Le Roi s'enfuit néanmoins avec la Bergère sur son automate géant, qui devait servir à l'animation de la cérémonie, mais l'Oiseau parvient à en prendre le contrôle après avoir assommé le machiniste. Il démolit alors le palais avec le robot, d'abord maladroitement puis de plus en plus méthodiquement. Pendant ce temps, le Ramoneur affronte le Roi au sommet de l'Automate. Acculé, le Roi tente de poignarder le Ramoneur dans le dos, mais l'Oiseau l'en empêche en le saisissant avec la main de la machine puis active une soufflerie qui propulse le Roi loin dans les airs.
Tous les habitants ont fui la ville, qui n'est plus qu'un monceau de gravats. Seul reste l'Automate abandonné, assis dans une posture pensive. Au petit jour, l'un des oisillons de l'Oiseau s'est encore fait piéger dans une cage, mais personne n'est plus là pour le libérer. L'Automate s'anime alors, sans machiniste, et, de sa propre volonté, libère l'oisillon, puis écrase la cage d'un coup de poing.
Fiches techniques
La Bergère et le Ramoneur (1953)
- Titre : La Bergère et le Ramoneur
- Réalisation : Paul Grimault
- Scénario : Jacques Prévert et Paul Grimault, d'après La Bergère et le Ramoneur de Hans Christian Andersen
- Dialogues : Jacques Prévert
- Découpage technique : Pierre Prévert et Paul Grimault
- Animation : Henri Lacam, Léon Dupont, Gabriel Allignet, Georges Juillet, Alberto Ruiz, Pierre Watrin, Jacques Leroux, Roland Genestre, Jacques Vausseur ; et P. Granger, G. Dubrisay, J. Mutschler, P. Landrot, P. Ovtcharoff, J. Rannaud, R. Rosé, R. Segui
- Son : Antoine Archimbault
- Montage : Gilbert Natot
- Musique : Joseph Kosma
- Chansons : Jacques Prévert et Joseph Kosma, interprétées par J. Jansen, F. Loris, E. Amado et Pierre Brasseur (la berceuse)
- Enregistrement et choix des voix : Pierre Prévert
- Production : André Sarrut
- Sociétés de production : Les Gémeaux, Clarges Films
- Société de distribution : Alliance Générale de Distribution Cinématographique (AGDC)
- Budget : au moins « 500 millions de l'époque[2] » (au moment de la rupture)
- Pays d'origine : France
- Langue originale : français
- Format : Technicolor AGDC
- Durée : 63 minutes
- Date de sortie : aux cinémas parisiens Normandie et Rex[3]
Le Roi et l'Oiseau (1980)
- Titre : Le Roi et l'Oiseau
- Réalisation : Paul Grimault
- Scénario : Jacques Prévert et Paul Grimault, d'après La Bergère et le Ramoneur de Hans Christian Andersen
- Dialogues : Jacques Prévert
- Décors : Paul Grimault, avec la collaboration artistique de Lionel Charpy et Roger Duclent ; pour les extraits de La Bergère et le ramoneur : Louis Danet, Roger Duclent, Bernard Fiévé, Michel Saufnai, E. Zilahy pour les décors et Geneviève Helbig pour le traçage et le gouachage
- Animation : Gabriel Allignet (engrenages, démolitions, eau, feu, etc.), Alain Costa (le petit clown, l'oisillon), Guy Faisien (les fauves), Philippe Landrot (le Roi), Philippe Leclerc (le Robot et, avec Émile Bourget, le feu d'artifice), Franco Milia (l'Oiseau du prologue), Alberto Ruiz (la Bergère, le Ramoneur, le Maire) ; et Henri Lacam, Marcel Colbrant, Jean Vimenet, Bernard Roso, Pierre Watrin, Coraline Yordamlis[4] ;
- et pour les extraits de La Bergère et le ramoneur : Henri Lacam, G. Allignet, J. Aurance, Gilbert Dubrisay, Roger Dumotier-Cazes, L. Dupont, R. Genestre, P. Granger, G. Juillet, P. Landrot, J. Leroux, L. Logé, Robert Moreau, J. Mutschler, P. Ovtcharoff, J. Rannaud, R. Richez, R. Rosé, A. Ruiz, R. Ségui, J. Vausseur, P. Watrin
- Traçage : Gigi Bonnin, Simone Bruyères, Lidia Cardet, Françoise Gillot, Colette Jacquemot, Charlotte Roger
- Gouachage : Madeleine Camolli-Beauchesne, Frédérique Doyère et Pierre Grimault
- Image : Gérard Soiran
- Son : Henri Gruel, René Hanotel
- Montage : Paul Grimault (image), Aline Asséo et René Chaussy (son)
- Musique : Wojciech Kilar
- Chansons extraites de La Bergère et le Ramoneur : Jacques Prévert (paroles), Joseph Kosma (musique), Jacques Jansen, Eric Amado et Jean Martin (chant)
- Choix des voix et collaboration artistique : Pierre Prévert
- Sociétés de production : Les Films Paul Grimault, Les Films Gibé, Antenne 2
- Sociétés de distribution : Gebeka Films (reprise de 2003), Sophie Dulac Distribution (version restaurée de 2013)
- Pays d'origine : France
- Langue originale : français
- Format : Eastmancolor
- Durée : 83[5],[6] ou 87 minutes[7]
- Date de sortie : ; (première version restaurée) ; (seconde version restaurée)
Distribution
Voix de La Bergère et le Ramoneur (1953)
- Anouk Aimée : la Bergère
- Serge Reggiani : le Ramoneur
- Pierre Brasseur : l’Oiseau
- Fernand Ledoux : le roi Charles-V-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize
- Roger Blin : l'Aveugle
- Étienne Decroux : le Haut-Hurleur
- Yves Deniaud : le Chef de la police
- Félix Oudart : le Sentencieux
- Marcel Pérès : le Belluaire
- Maurice Schutz : le Vieux Mendiant
Voix du Roi et l'Oiseau (1980)
- Jean Martin : l'Oiseau
- Pascal Mazzotti : le roi Charles-V-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize
- Agnès Viala : la Bergère
- Renaud Marx : le Ramoneur
- Raymond Bussières : le Chef de la police
- Hubert Deschamps : le Sentencieux
- Roger Blin : l'Aveugle
- Philippe Derrez : le Liftier et le Speaker
- Albert Médina : le Belluaire et le Haut-Hurleur
- Claude Piéplu : le Maire du Palais
- Lionel Charpy
- Jacques Colombat
- Jean Herbert
- Robert Lombard
- Jean Mermet
- Vincent Montrobert
- Pierre Risch
- Bruno Sermonne
- Jean Vimenet
- Jeanne Witta
Production
« Nous sortions de la guerre et les espérances dans tous les domaines étaient grandes. »
— Paul Grimault[6]
Le défi du « premier long-métrage d'animation français »
Dans les années 1930, Paul Grimault apparaît comme l'un des précurseurs du dessin animé français — qui n'existe alors qu'à l'état de court métrage — quand il fonde dès 1936 avec André Sarrut la société de dessin animés Les Gémeaux, au 18, rue de Berri[8], qui va s'avérer être la première dans ce domaine à prétendre à une ampleur internationale. S'éloignant des cadres esthétiques qu'impose alors l'influence de Walt Disney, il est à l'origine d'une nouvelle école de dessin animé, qui propose une réflexion et des allégories, notamment philosophiques, à un public non exclusivement enfantin[9],[10]. L'époque est en effet celle de la mise en place de la suprématie de Disney, que Grimault va ponctuellement contrer par sa première collaboration avec le poète Jacques Prévert : leur court-métrage Le Petit Soldat (1947) reçoit en 1948 à la Mostra de Venise le Prix international ex æquo avec Mélodie Cocktail de Disney[11].
L'idée du Roi et l'Oiseau, qui va connaître une première vie sous le titre La Bergère et le Ramoneur, émerge en 1945, lors de la préparation du Petit Soldat[12]. Prévert et Grimault sont alors amis depuis une quinzaine d'années : ils se sont rencontrés en 1930[13] ou 1931[14],[15], et projettent de réaliser à sa suite une autre adaptation d'un conte de Hans Christian Andersen puisque l'œuvre du conteur, sur laquelle ils travaillent alors, leur plait par son caractère inépuisable[16]. Ils savent d'ores et déjà qu'ils disposeront d'un appui financier conséquent car la période paraît opportune aux investisseurs[6]. Après avoir hésité sur Les Cygnes sauvages et La Reine des neiges plus particulièrement[16], leur choix se fixe sur La Bergère et le Ramoneur, conte susceptible de laisser de la place pour des développements personnels des poètes[6], dont ils ne gardent finalement que la substance des deux personnages principaux, deux bibelots qui veulent s'enfuir dans le vaste monde[17]. Tandis que Grimault achève le montage du Petit Soldat, Prévert se retire à Saint-Paul-de-Vence pour réfléchir sur le scénario[16] et retourne de temps à autre à Paris pour rejoindre son collègue, qui amorce entre-temps des études de personnages et des esquisses de décors[18].
Le projet acquiert peu à peu une importance qui dépasse la simple ambition technique : les Gémeaux ont en effet décidé de se lancer dans un long-métrage d'animation, pari inédit en France, et les références en ce domaine sont bien maigres ; il n'y a en fait que Blanche-Neige et les Sept Nains (1937), sorti une dizaine d'années plus tôt, qui fait figure de modèle incontesté de long-métrage et cristallise alors l'admiration de toute la profession par son accomplissement technique[15]. L'enjeu est ainsi de réaliser le premier long-métrage d'animation français[n 2].
La Bergère et le Ramoneur (1953)
La tentative de La Bergère et le Ramoneur
Tout promet la réussite au projet : Grimault et Prévert sont pleins d'optimisme devant la richesse que permet un long-métrage par rapport à leurs courts habituels, et les producteurs confiants[12]. Grimault ne manque alors pas de moyens : le film est doté d'un budget hors normes, et l'équipe d'animation, qui part seulement d'une dizaine de personnes vouées à se former elles-mêmes au fur et à mesure du développement[12], atteint finalement en 1949 la centaine[19],[11], ce qui fait d'elle « probablement la plus importante d'Europe[12]. » Le nombre se justifie par la longueur du film prévu et les délais de réalisation qui ne sont pas censés excéder les durées habituelles ; l'équipe, recrutée en partie dans des écoles de dessin afin de pourvoir tous les postes que laisse présager une société grandissante comme Les Gémeaux, s'installe dans un vaste hôtel particulier à Neuilly-sur-Seine pour être plus à l'aise que dans le studio qui servit au Petit Soldat, désormais bien exigu pour tant de collaborateurs[16],[n 3],[19]. Seul garde-fou fixé initialement : la production ne devra pas excéder trois ans[n 4],[6].
La Bergère et le Ramoneur est au départ conçu pour remporter l'adhésion de tous types de publics, et pas seulement celle des enfants auxquels s'adressait le Blanche-Neige et les Sept Nains de Disney. Mais comme le film est potentiellement exploitable aux États-Unis et que les studios hollywoodiens font à l'époque maints efforts pour éviter d'apeurer le public en bas âge, notamment en éradiquant les représentations de reptiles, une séquence mettant en scène un serpent de mer est supprimée du scénario. La précaution est finalement superflue, puisque le film n'est pas diffusé outre-Atlantique[20] et Grimault réfutera cette décision en reprenant le film des décennies plus tard : « Il s'était passé tellement de choses dans le monde depuis vingt-cinq ans qu'on n'avait plus besoin de prendre des gants. Toutes ces injustices, cette violence, ce racisme. Quand on voit autant de choses foulées aux pieds, partout, il n'y a pas de raison de baisser pudiquement les yeux sur tout ça. »[21]
L'avantage d'une large équipe composée des plus prometteurs jeunes animateurs est, qu'une fois oubliées des perspectives de carrière plus attrayantes chez Disney, chacun apporte peu à peu une touche personnelle aux personnages ou aux scènes. Pierre Wattrin réussit ainsi du premier coup la scène où le cheval de pierre s'échappe dans la tapisserie[18]. Tel animateur à la vie familiale épanouie avec sa femme et ses filles est chargé d'animer la Bergère, avec ses sourires heureux ou ses moues boudeuses, quand tel autre à la mobilité réduite anime un Chef de la police en faible forme physique ou les personnages légers[2]. Cette époque faste de création dure de 1948 à 1950[6].
Le conflit des Gémeaux
La conception du film s'interrompt néanmoins brusquement pour des questions financières et créatives[22], en partie du fait d'une sous-estimation du devis initial[23], qui n'avait même pas incorporé le découpage définitif[2]. « Il n'y avait plus d'argent pour poursuivre », évoque un réalisateur qui doit faire face au licenciement d'une partie de son équipe en 1949, à des reproches de perfectionnisme excessif et à des procédés qu'il se refuse à soutenir : couper court aux scènes qu'il reste à terminer, aller achever certains celluloïds à Londres à partir de [24], ou monter sans souci de continuité les prises de vue[6]. Puis s'ensuit en 1950 l'éviction de Grimault lui-même, jugé trop exigeant[6]. Son associé des Gémeaux et producteur André Sarrut, pressé par les dépassements de budget, achève le film sans le soutien du réalisateur et de Prévert[14]. Le dessinateur Pierre Nicolas, alors engagé sur le projet, se souvient des temps troublés qui ont mené à cette rupture : « Ça n'allait pas si bien que ça, puisque deux ou trois ans plus tard Grimault jouait un peu les Pénélope. Je veux dire par là qu'après avoir fait travailler une équipe pendant plus d'un an sur un personnage animé, il arrivait et demandait à tout changer. C'était comme ça pour tout. Son meilleur ami [André Sarrut], qui finançait le film à l'époque, en eut assez et cessa de lui fournir de l'argent[25]. » Dans ses mémoires, le réalisateur lui-même note avec amertume le changement d'ambiance : « Nous ne voulions pas nous l'avouer, mais c'était déjà une usine »[26]. L'équipe d'animation finit par se scinder en deux ; l'une, loyale à Grimault et Prévert, préférant quitter le navire avec eux, et l'autre, loyale à Sarrut, choisissant de continuer et d'achever la réalisation du film[22].
Présenté à la Biennale de Venise en 1952 où il reçoit le Grand Prix, probablement du fait de ses « beaux restes »[27], La Bergère et le Ramoneur sort en 1953, avec un montage non supervisé et désavoué par les deux auteurs. Deux déroulants accompagnant les projections stipulent que Grimault se dédouane des responsabilités sur ce film qu'il n'a pu achever selon son souhait[28], et l'exploitation commerciale du film est un échec qui va mener la société des Gémeaux à sa faillite[11].
De son côté, Paul Grimault a momentanément délaissé l'univers des dessins animés. Il accepte l'offre que lui fait Henri Langlois de rejoindre la Cinémathèque française et ne réalise plus pour un temps que des films publicitaires, ce qui lui permet de fonder en 1951 sa propre société de production, Les Films Paul Grimault[6], pour laquelle il travaille dans un studio de la rue Bobillot[29].
Le Roi et l'Oiseau (1980)
« On dit que j'ai mis trente-cinq ans pour faire Le Roi et l'Oiseau... En réalité, j'ai mis cinq ans (en deux fois) pour le réaliser et trente pour trouver le fric ! »
— Paul Grimault[14]
Développement d'une nouvelle version
En 1967[30],[11],[22],[31], alors que Les Gémeaux ont fait faillite et que les droits du film sont parvenus à expiration[17], Paul Grimault les récupère en achetant au début de l'année 1967 le négatif du film[32],[28] auprès d'un des acquéreurs qui s'attachèrent au film après sa mise en vente aux enchères publiques. Grimault n'envisage cependant pas de reconduire les droits, ne reconnaissant pas La Bergère et le Ramoneur comme son œuvre[6]. Une mauvaise surprise guette cependant le réalisateur, qui s'aperçoit qu'une partie substantielle des négatifs correspondant à sa vision refusée de la première version a disparu et que son travail va être de l'ordre d'une « re-création totale[31] » :
« Personne ne savait ce qu'étaient devenus les dessins d'animation, les cellulos, les trois cents et quelque décors, les plans supprimés au montage, les chutes d'images et de son qui m'auraient permis de rétablir la version originale du film. Si je voulais montrer La Bergère et le Ramoneur, c'était la version Sarrut ou rien. [...] L'idée nous est venue de faire un nouveau film qui se rapprocherait davantage de l'esprit du scénario d'origine mais qui serait un film différent, comme peuvent être différentes deux toiles d'un même paysage peintes par le même peintre, l'une par temps gris et l'autre par beau temps. »
Un autre problème majeur ralentit la reprise du projet pendant des années : trouver un budget. L'entreprise n'est pas aisée, car quand Grimault ne se voit pas rétorquer que « tout le monde a déjà vu ce film », on lui oppose qu'il vaudrait mieux en faire un court-métrage[6]. Pour financer cette nouvelle version, Grimault reçoit notamment des offres de compagnies américaines et soviétiques qui souhaiteraient le voir venir sur leur sol mais les refuse pour pouvoir conserver l'équipe à laquelle il tient ; une compagnie nippone lui propose également de venir réaliser un tout autre film au Japon[6] ; il s'en sort finalement grâce à une avance sur recettes d'un montant d'1 million de francs que lui concède le CNC en 1976. Le CNC exige cependant des gages de fiabilité qui poussent Grimault à demander l'aide de Robert Dorfmann[6], producteur de films audacieux comme Le Corniaud et Papillon. Grâce aux participations financières de celui-ci à travers Les Films Corona ainsi que d'Antenne 2, Grimault parvient à boucler son budget, mais ses moyens sont bien restreints par rapport à l'époque dorée de la conception de La Bergère et le Ramoneur[22],[6]. Il peut néanmoins compter sur la richesse de sa complicité avec Prévert, qui les mènera entre-temps à réaliser de nombreux courts-métrages ensemble, tels que La Faim dans le monde[6], Les Diamants et Le Chien mélomane[34].
Grimault retrouve enfin Prévert en 1976 pour se pencher avec lui sur le scénario de la seconde version, mais le poète, malade, meurt en , année où la réalisation a redémarré, alors que Grimault est encore à la recherche de fonds[35]. Jusqu'à la fin, les deux coauteurs ont l'habitude de se voir chez Prévert, à Omonville-la-Petite, en Normandie, et leurs promenades en bord de mer sont autant d'occasions de discuter du film, et notamment de la dernière scène que Prévert élaborera : le plan final, dans lequel l'automate libère le petit oiseau[26]. « Même à la fin, se sachant très malade, ce travail était en quelque sorte pour lui une survie. Il savait qu'il ne verrait pas le film, mais c'était une revanche qu'il prenait », se souvient Grimault[6]. Le cas de Prévert est symptomatique du défi de taille qui attend le film : Le Roi et l'Oiseau, qui va concilier des extraits de la première version avec de nouveaux sons et images, doit être poursuivi et achevé malgré la perte d'une partie de l'équipe initiale. Or, la fière équipe de la belle époque des Gémeaux n'existe plus. Quand ses animateurs talentueux ne sont pas disparus entre-temps, ils se sont dispersés dans nombre d'ateliers indépendants qui se font concurrence sur des projets moins prestigieux, comme dans le marché des films publicitaires, que Grimault a lui-même connu en quittant la Bergère et le Ramoneur[36]. Quant aux comédiens principaux, Serge Reggiani ne peut plus exprimer la jeunesse du Ramoneur et Pierre Brasseur est au nombre des disparus ; dans le rôle de l'Oiseau, qui avait été animé d'après ses enregistrements de voix, le comédien Jean Martin, issu de la compagnie Renaud-Barrault, le remplace sur la suggestion de Pierre Prévert[15]. L'entreprise est sans commune mesure avec le travail de création de voix dans l'animation en général : les nouveaux interprètes doivent coller très précisément à l'interprétation de leurs prédécesseurs[6]. Mais les nouveaux enregistrements sont également l'occasion d'améliorations, à l'image de Roger Blin, seul comédien ayant retrouvé son rôle, dont Grimault apprécie la voix qui se fait plus grave et émouvante[37].
L'avènement du Roi et l'Oiseau
S'ensuivent de longues années de travail durant lesquelles le réalisateur va reprendre les scènes existantes et les « dégraisser » pour en tirer 40 minutes[6], dessiner 45 minutes[33] de nouvelles séquences et les remonter entièrement pour donner les 87 minutes du Roi et l'Oiseau face aux 63 minutes récupérées de La Bergère et le Ramoneur[31]. Les scènes qui sont les plus retravaillées sont notamment celles du mariage, des fauves, et celles se déroulant de nuit, du fait de diverses malfaçons inadéquates selon Grimault[31]. Heureusement pour ceux qui s'attèlent à reprendre des scènes de cette première version, sa production en Technicolor a permis de conserver les couleurs dans le temps, et à partir de celle-ci, des studios londoniens vont ensuite effectuer un négatif en Eastmancolor. Grimault a de plus conservé le souvenir précis de la palette de couleurs utilisée, ce qui facilite les raccords[6]. L'équipe compte alors une trentaine de personnes, en grande partie renouvelée, à l'image finalement de la structure inédite qu'aurait trouvée Grimault s'il était parti aux États-Unis. La continuité est néanmoins assurée par quelques anciens comme Pierre Prévert, le frère du poète disparu[6].
Dans un article paru dans L'Écran fantastique, le jeune Christophe Gans relate le relatif anonymat de Paul Grimault durant ces années de silence : « Personne ne portait plus quelque attachement à ce poète aux yeux fatigués mais au coup de crayon vivace », « [lui qui] n'était plus qu'un nom dans les énormes et ingrates encyclopédies du septième art, ses dernières réalisations en court-métrage ayant été balayées par la déconsidération commerciale des « premières parties » »[34]. Le réalisateur travaille toujours rue Bobillot avec une nouvelle génération de collaborateurs qu'il « découvre » lui-même et qu'il contribue quelque temps à former avant de les laisser voler de leurs propres ailes, au nombre desquels se trouvent Jacques Colombat, Philippe Leclerc ou Jean-François Laguionie[28].
À mesure que la seconde version avance, il devient évident que le scénario a tant évolué que les personnages principaux ont changé, et c'est tout naturellement que la Bergère et le Ramoneur laissent leur place dans le titre aux deux principaux antagonistes, le Roi et l'Oiseau[22]. Ce changement permet aussi d'éviter tout risque de confusion avec la première version[6]. Grimault s'occupe de monter l'image et la musique et laisse les modifications plus précises à ses associés, sans s'empêcher d'intervenir par moments auprès des comédiens, par exemple pour recommander à l'interprète de la chanson de l'Oiseau de ne pas maquiller sa voix s'il lui arrive de chanter faux[31]. Le film, achevé en [4] après cinq années de travail effectif[38], est dédié à Prévert[34], pour qui il a pu faire office de chant du cygne, puisque le poète a entre-temps été dégoûté du cinéma par l'échec des Portes de la nuit[38].
Musique
Joseph Kosma, compositeur de La Bergère et le Ramoneur
Le premier compositeur des ambiances du royaume de Takicardie est le Hongrois Joseph Kosma. Lors de la réalisation de La Bergère et le Ramoneur, trois chansons (la chanson du mois de mai entendue dans une boîte à musique, la berceuse chantée par l'Oiseau à ses oisillons, et la chanson chantée par les oisillons) sont composées par lui, sur des paroles de Jacques Prévert[40] en plus des quelques chœurs initialement prévus pour donner de l'ampleur, et dont ne subsistera dans la première version qu'un chœur de courtisans[41].
Il n'est cependant pas question que Kosma revienne pour la seconde version : Grimault, Prévert et lui se sont définitivement fâchés en 1950, le compositeur, malgré ses nombreuses associations précédentes avec Prévert, ayant refusé de se désolidariser de La Bergère et le Ramoneur. Kosma arguait qu'il avait déjà achevé son travail et ne pensait plus devoir être impliqué dans le conflit qui opposait les créateurs à Sarrut, et avait livré ses compositions à la production ; ceux-ci lui reprochaient son manque de loyauté pour ne pas les avoir suivis[41].
Selon Jean-Pierre Pagliano, « le comportement de Kosma avait étonné et scandalisé Prévert et Grimault : au lieu de se solidariser avec eux, il avait livré sa musique aux Gémeaux [studio de production du film] et estimé ne pas être impliqué dans l'affaire de La Bergère. Il reconnaît, dans une lettre à Prévert du 22 décembre 1952, ne l'avoir pas prise, cette affaire, suffisamment au sérieux. Il est évident que cela est grave, peut-être même impardonnable, mais plutôt bête que méchant. Ces regrets tardifs n'y changeront rien, la rupture est consommée[41] ».
Nouveau compositeur pour Le Roi et l'Oiseau : le choix de Wojciech Kilar
Au moment de retourner travailler sur la seconde version, Grimault, qui juge par ailleurs que la contribution de Kosma est très inégale et consiste majoritairement en du « remplissage » répétitif[42], quand les sons n'ont tout simplement pas été endommagés par les ans[6], approche Maurice Jarre, un associé de longue date de son ami Georges Franju, sans que cela n'aboutisse à une collaboration. La recherche d'un compositeur taraude les deux auteurs jusqu'à la disparition de Prévert[31] et Grimault fait finalement appel au compositeur polonais Wojciech Kilar, dont la partition sur La Terre de la grande promesse lui a fait grand effet. Kilar est francophile, grand admirateur de Prévert, et son contact avec Grimault tout à fait réussi dès leur première rencontre en [39].
Paul Grimault lui confie ce travail environ six mois après la mort de Prévert[43] et lui laisse une complète liberté dans ses choix musicaux[44]. Kilar refuse, par respect pour son prédécesseur, de remplacer les chansons composées par Joseph Kosma pour le premier film, et les intègre telles qu'elles furent composées à la bande originale du Roi et l'Oiseau[40]. Certaines séquences courtes, comme la danse du petit clown ou la marche nuptiale, sont composées et enregistrées avant la réalisation du film, ce qui permet à Paul Grimault de réaliser l'animation en fonction de la musique pour une synchronisation optimale ; pour le reste, la musique est enregistrée une fois l'animation terminée, sans même que Grimault n'écoute des échantillons du travail de Kilar[45],[46]. Les enregistrements ont lieu durant trois jours en Pologne et la musique est interprétée par le Grand Orchestre symphonique de la radio polonaise sous la direction de Stanislaw Wislocki[46]. Kilar remet la partition dont il juge le thème principal « très romantique, très polonais » à Grimault le : le réalisateur va alors seulement l'entendre pour la première fois[39].
« Paradoxalement, Paul et moi n’avons jamais parlé de musique. Je ne lui ai jamais soumis une seule maquette... À aucun moment, il m’a dit : Je souhaite tel type de musique, tel type d’orchestration... Il m’a simplement laissé ressentir le film de l’intérieur... Ce qui était la meilleure solution car, quoi qu’il arrive, les images du Roi et l’Oiseau appelaient d’elles-mêmes un certain climat, une certaine forme de musique. »
— Wojciech Kilar[46]
Enregistrement
La bande originale du film, éditée en CD par FGL Productions en 2011, contient les pistes suivantes :
Un Hymne de Takicardie a également été imaginé et son interprétation proposée à Henri Salvador. Paul Grimault avait en fait hérité de Prévert quelques couplets d'une chanson chargés d'onomatopées et censés se superposer sur la séquence de l'usine, en harmonie avec le travail des ouvriers. Début 1978, Grimault rend donc visite au chanteur, ravi qu'on le sollicite pour mettre en musique une œuvre du poète, mais il déchante en prenant connaissance des paroles. Le projet est abandonné de part et d'autre sans rancœur[48].
Analyse musicale
Thème principal et variations
Le film s'ouvre sur son thème musical principal, accompagnant le monologue introductif de l’Oiseau :
C’est une ballade romantique pour piano et accompagnement de cordes (2 violons, alto, violoncelle et contrebasse), dans la tonalité de Fa# mineur. Son ton mélancolique va de pair avec celui de l’introduction, présentant successivement les ruines du château de Takicardie, puis la tombe de la défunte épouse de l’Oiseau, « victime d’un accident de chasse ». Cette ballade sera reprise de façon assez récurrente au cours du film, sous différentes formes et tonalités.
Le thème de la Bergère et du Ramoneur, autre thème musical important du film, en reprend la structure et la forme. La première partie, en La mineur, est un dialogue entre les deux instruments interprètes : le clavecin et le violon, jouant respectivement l’accompagnement et la mélodie principale. La seconde partie, en Mi mineur, repose toujours sur la même structure, mais cette fois-ci interprétée par un piano seul avec un tempo plus rapide. Le changement de tempo soudain au milieu du morceau correspond à un changement d’atmosphère : la première partie, lente et mélancolique est le dialogue amoureux entre les deux protagonistes, et la seconde, plus dramatique et rapide, leur évasion. Le morceau s’achève sur des accords arpégés évoquant les carillons, autre morceau inclus dans la bande originale.
On retrouve encore le thème principal sous trois autres formes, à trois reprises (le générique final est identique à celui d’introduction) :
- La sortie du château, faisant suite à l’évasion, dans la tonalité de Sol majeur (bien que le morceau commence en Sol mineur)
- La suite de l’évasion par l’escalier aux cent-mille marches, dans la tonalité de Sol mineur.
- L’épilogue, point culminant mélancolique sur fond de ruines, dans la tonalité de Fa majeur.
Références à d'autres formes et œuvres musicales
La bande originale du film comprend d'autres compositions, certaines puisant leur source dans des formes musicales diverses. Ainsi La complainte de l'aveugle et La polka de lions se font écho, puisant leur inspiration dans le répertoire populaire d'orgue de barbarie pour la première composition et, comme son nom l'indique, la polka pour la seconde.
La Marche nuptiale est un pastiche intentionnellement grotesque du célèbre chœur nuptial « Que les bruits de la fête s'éteignent, que vos cœurs s'enivrent ! » de l'opéra Lohengrin de Richard Wagner.
Accueil
Réception critique et publique
« Pendant tout le temps que j'ai réalisé le film, je n'ai jamais pensé que c'était un propos qui s'adressait aux enfants. »
— Paul Grimault[31]
La première version du film, La Bergère et le Ramoneur, est primée à la Biennale de Venise en et attire 1 363 935 spectateurs dans les salles après sa sortie le [49].
Le , Le Roi et l'Oiseau reçoit le prix Louis-Delluc alors même qu'il n'est même pas encore sorti en salles ; il reste de nos jours le seul dessin animé sacré par le Prix. Le film sort en salles le . Au , il enregistre un total de 729 182 entrées[50]. Il aurait fait lors sa première exploitation 1 725 000 d'entrées[51] ou 1 840 428[52] au cinéma. Grimault est globalement satisfait de ce résultat commercial[53]. Pour ses ressorties subséquentes à des restaurations, le film accueille 405 441 spectateurs sur 50 copies en 2003[54] et quelque 183 000[55] ou 188 062 spectateurs sur 119 copies à sa ressortie en salles en 2013[56]. Fin 2019, le film cumule 2 314 223 entrées depuis sa sortie[57].
Semaine | Rang | Entrées | Cumul | no 1 du box-office hebdo. | |
---|---|---|---|---|---|
1 | au | 21e | 26 090 | 26 090 entrées | L'Avare |
2 | au | 15e | 33 837 | 59 927 entrées | Le Guignolo |
3 | au | 16e | 41 428 | 101 355 entrées | Le Guignolo |
4 | au | 13e | 51 377 | 152 732 entrées | Le Guignolo |
5 | au | 10e | 53 176 | 205 908 entrées | Kramer contre Kramer |
6 | au | 11e | 50 867 | 256 775 entrées | Kramer contre Kramer |
7 | au | 13e | 51 252 | 308 027 entrées | Les Sous-doués |
8 | au | 13e | 36 730 | 344 757 entrées | Les Sous-doués |
9 | au | 12e | 38 777 | 383 534 entrées | Les Sous-doués |
10 | au | 16e | 31 714 | 415 248 entrées | Les Sous-doués |
11 | au | 17e | 24 223 | 439 471 entrées | Les Sous-doués |
12 | au | 20e | 18 753 | 458 224 entrées | Les Sous-doués |
13 | au | 26e | 17 802 | 476 026 entrées | Les Sous-doués |
14 | au | 23e | 24 231 | 500 257 entrées | Les Sous-doués |
Les retours de la presse sont généralement très positifs, notamment en Angleterre[58]. En France, les critiques sont presque unanimes en leurs éloges et saluent le « travail de titan[38] » qui a permis d'aboutir à cette version. L'ensemble des reproches concerne plutôt l'harmonisation technique jugée parfois insuffisante entre les séquences de 1953 et celles de 1980[59]. Dans Positif, Jean-Philippe Domecq note ainsi la connivence réussie entre Prévert et Grimault, « en qui poésie visuelle et poésie verbale se sont admirablement intriquées[5] » et l'« émerveillement [...] envoûtant » du résultat. Il loue le sens de la caricature de Grimault mais remarque cependant dans les traits de la Bergère et du Ramoneur un « reste de convention qui [peut] surprendre dans un film aussi inventif », en admettant qu'« il est vrai que les fleurs bleues de l'amour sont peut-être irrémédiablement plus fades que l'hostilité qui les menace »[5]. Un an plus tard, de nouveau dans Positif, un journaliste voit dans le film, à l'occasion de sa présentation au festival d'Annecy, « l'apothéose de Grimault/Prévert enfin achevée conformément à la volonté des auteurs »[60].
La critique la plus féroce provient des Cahiers du cinéma et estime que Le Roi et l'Oiseau est « un film à haïr »[58]. Bien que peu relayé, l'avis est frappant par sa virulence et peine profondément Grimault ; il dénonce notamment « les fantaisies poétiques [de Prévert, qui] n'ont jamais été bien assurées » et l'absence d'échappée poétique. S'il loue le soin apporté aux décors, le critique fustige cependant le reste des dessins, le scénario et le manque d'améliorations entre les deux versions, qui aboutissent à ce qu'il estime être un exemple de « cette terrible version poético-artisanale de la « qualité française » qu'on se surprend à haïr encore une fois. »[61],[62]. Les manquements du scénario sont également relevés par Michel Mardore dans Le Nouvel Observateur, selon qui « la matière est bien mince et le chant bien monotone ». Là résiderait selon lui la faiblesse du cinéma d'animation, « condamné par nature à toujours surprendre, éblouir, subjuguer », et qui « ne tolère pas les défaillances du cinéma ordinaire, à acteurs réels »[61],[63].
Le bon accueil général reçu néanmoins par le film rassérène Grimault, « content d'avoir rempli [son] contrat avec un peu d'amertume tout de même devant tout ce temps écoulé, gâché par tout ce [qu'il veut] oublier maintenant », et prêt à se lancer sur un nouveau long-métrage, qui sera La Table tournante[36].
Postérité
Jalon de l'histoire du cinéma d'animation
Le Roi et l'Oiseau marque à plusieurs titres un jalon dans l'histoire du cinéma d'animation : il est certes annoncé techniquement comme le premier long-métrage du genre en France (voir plus haut), mais, surtout, le succès critique qu'il remporte le sacre comme l'un des dessins animés les plus loués aussi bien auprès des spectateurs que des professionnels du cinéma. Il est le seul dessin animé a à la fois avoir reçu le Prix Louis-Delluc et figurer (aux côtés de Blanche-Neige et les Sept Nains) dans le classement établi en 1999 des « cent films préférés des Français » (Le Monde/Fnac)[46].
L'influence du film ne se mesure pas qu'aux prix reçus et aux carrières inspirées : la reconnaissance publique en France du Roi et l'Oiseau paraît marquer, au-delà du seul dessin animé, le genre de l'animation tout entier. « Ça a été bon pour toute la profession », estime vingt ans plus tard Grimault dans la biographie que Pagliano lui consacre. Bien souvent parents pauvres du cinéma, les animateurs viennent de réaliser une œuvre que le public estime comparable à un « vrai film »[19]. Telle est l'ambition de Grimault : en faire « un genre pauvre seulement sur le plan financier »[60].
Dès la sortie de la seconde version, en 1980, la revue Jeune Cinéma estime qu'en matière de cinéma d'animation, « le public est prêt, le succès du Roi et l'Oiseau l'atteste ». En face des courts-métrages, les longs-métrages d'animation tel que ce dernier apparaissent enfin rentables et capables d'honorer financièrement les techniciens impliqués[31].
Par la suite, le film est notamment présenté au Festival du film français du Portugal en 2004, au Festival du film français d'Israël en 2006, et au Festival du film français de Hong Kong en 2013[64].
Influence sur le Studio Ghibli
Le Roi et l'Oiseau exerce tout spécialement une influence sur le monde du dessin animé japonais, représenté par les fondateurs du Studio Ghibli, Hayao Miyazaki et Isao Takahata. Tous deux ont été très marqués par La Bergère et le Ramoneur, qu'ils voient à sa sortie au Japon dans les années 1950, et Takahata eut plus tard l'occasion de rencontrer Grimault lors d'une rétrospective au Palais de Tokyo, en , et de lui faire dédicacer le catalogue de l'exposition[65]. Ils considèrent que la tradition du dessin animé japonais doit notamment à Grimault « sa science du mouvement et des changements de rythme »[66].
Isao Takahata, diplômé de littérature française et notamment spécialiste de l'œuvre de Prévert, visionne La Bergère et le Ramoneur à ses vingt ans. L'étudiant d'alors parvient à emprunter chez le distributeur du film le script francophone qui servit à élaborer les sous-titres nippons[67]. Il voit dans son « merveilleux et mystérieux mélange de tension et de démesure », inédit aux films d'animation, des éléments proches des arts classiques japonais[65], et est frappé en particulier par ce que rend possible le cinéma d'animation : l'expression y repose notamment sur les décors, par le biais de jeux de perspective, et sur une caractérisation soignée des personnages, même des machines. Il rejoint en cela l'opinion de Yasuo Ōtsuka, son futur collègue du Studio Ghibli, qui y voit le « premier film d'animation qui ait décrit l'intériorité humaine »[67]. Un exemple de cette caractérisation admirée par les Japonais pourrait être la scène du portrait du Roi : lorsque le peintre présente au tyran sa représentation exacte — dépeignant jusqu'à son strabisme —, celui-ci semble tout d'abord ne pas lui en tenir rancune, puis, après l'avoir apparemment félicité et décoré d'une médaille, le fait tomber dans les oubliettes. Les changements subtils de traits et de comportements du Roi dénotent la complexité du personnage, de manière plus minutieuse que ce qui peut se faire dans l'animation américaine[68].
« Ce qui est certain, c'est que l'influence de ce film fut pour moi décisive. Je peux affirmer que, sans sa découverte, je n'aurais jamais emprunté la voie du film d'animation. C'est dire l'intensité du choc que je reçus alors. »
L'influence de La Bergère et le Ramoneur (et non du Roi et l'Oiseau, sorti bien après les débuts de ses animateurs) se ressent dans les œuvres du Studio Ghibli à maintes reprises : Le Château de Cagliostro (1979) de même que Le Château dans le ciel (1986) d’Hayao Miyazaki y contiennent ainsi de nombreuses références. Dans celui-ci, le robot issu de la technologie de Laputa détruit la forteresse dans laquelle il est retenu prisonnier. Le progrès technique et scientifique a causé la perte du royaume, tout comme le palais du Roi dans Le Roi et l'Oiseau est finalement démoli par son automate. Chez Grimault comme chez Miyazaki, les robots témoignent d'une civilisation disparue et accomplissent un dessein éloigné de la mission destructrice pour laquelle ils avaient été programmés[69].
En 2008, l'abbaye royale de Fontevraud accueille une exposition mettant en évidence la filiation artistique entre Grimault et les deux fondateurs de Ghibli, intitulée Mondes et merveilles du dessin animé : Paul Grimault, Isao Takahata, Hayao Miyazaki[70]. Son commissariat est assuré par Jean-Pierre Pagliano, biographe de Grimault ; bien que centrée autour de l'œuvre entière du cinéaste et non seulement du Roi et l'Oiseau, l'exposition abrite notamment une réplique du château du Roi[66].
L'évaluation au Japon
Au Japon, on considère souvent que La Bergère et le Ramoneur est supérieur au Roi et l'Oiseau, et de nombreux dessinateurs et animateurs, dont Osamu Tezuka, soutiennent cette opinion[71]. Dans les « 150 meilleures animations du monde et du Japon » en 2003 et les « 10 meilleures animations de tous les temps » en 2004, le film a été sélectionné sous le titre La Bergère et le Ramoneur[72],[73].
En 2007, Takahata a écrit un livre comparant et évaluant les deux films, concluant[74] :
« L'unité de l'œuvre, l'art des expressions poétiques et autres, ainsi que les compétences générales en matière d'animation, sont nettement supérieurs dans La Bergère et le Ramoneur. Je salue Le Roi et l'Oiseau comme un grand film, mais La Bergère et le Ramoneur est un film poétique et suprêmement charmant. »
Restaurations
Devant la détérioration alarmante de la pellicule originale, un premier projet de restauration du film est lancé en et s'achève en , supervisé par StudioCanal. Le nettoyage numérique des pellicules est réalisé par les laboratoires Éclair, puis la restauration photochimique et numérique du film et de sa bande sonore est réalisée par une équipe de StudioCanal menée par Béatrice Valbin[75],[76].
La version restaurée du Roi et l'Oiseau est présentée en projection numérique haute définition au Festival de Cannes 2003[77] et son édition DVD reçoit le prix spécial du Jury DVD au Festival de Cannes 2004[78].
Une autre restauration de type numérisation haute définition[38] lui permet de ressortir en salles le [79].
Exploitation vidéo
Le Roi et l'Oiseau connaît une édition en cassette vidéo VHS, publiée par Citel en 1992, avec des prises différentes pour certains dialogues de l'Oiseau, également entendues sur les diffusions télévisées de l'époque[78].
Un double DVD de la version restaurée du film sort en . Il contient entre autres Le Roi et l'Oiseau, le film La Table tournante qui met notamment en scène Paul Grimault, un documentaire sur le long-métrage d'animation et une interview de son réalisateur[80],[81]. Une édition prestige numérotée, limitée à 5 000 exemplaires, est sortie simultanément ; outre des DVD au contenu identique à celui de l'autre édition, elle contient un CD audio d'extraits de la bande originale du film, un livret d'images et cinq lithographies[82].
Après la restauration de 2013, le film devient accessible au format Blu-ray à partir du [78]. Une version « combo » Blu-ray + DVD de même contenu que la version double DVD est éditée et propose une version simple ou un coffret collector « prestige » avec livret, affiches et CD. Un DVD simple sort également en 2013, avec des témoignages croisés pour découvrir le film en sa complexité tout à fait artisanale[38]. En 2014 est édité un coffret double DVD réunissant : La Table Tournante ; le documentaire Paul Grimault image par image de Fabienne Isartel (2003) ; des témoignages sur la genèse du film de Wojciech Kilar, Jean-Pierre Pagliano, Philippe Leclerc et Pierre Tchernia ; et un témoignage de Lionel Charpy sur l'influence de La Bergère et le Ramoneur dans l'animation japonaise[83].
La Bergère et le Ramoneur connaît un destin moins brillant et reste inaccessible au public, car marqué à jamais du désaveu de Grimault. D'aucuns, comme Isao Takahata, regrettent que les deux films n'aillent pas de pair et que l'on ne reconnaisse à chacun sa propre légitimité, mais Grimault refuse d'inclure la première version dans les éditions du Roi et l'Oiseau et tient à marquer la différence de propriété intellectuelle entre les deux œuvres : « Combien de fois m'a-t-on demandé, avec une pointe de reproche, pourquoi je laissais La Bergère et le Ramoneur dans une boîte et ne voulais pas le ressortir. C'est très simple : ce qu'il y a de meilleur dans La Bergère et le Ramoneur on le trouve dans Le Roi et l'Oiseau. C'est ce que nous avons fait jusqu'en 1950. Et comme je ne veux pas que le reste me soit attribué, je préfère laisser le film dans sa boîte. C'est mon film après tout. »[84]. Il est toutefois pas totalement disparu, car on peut le trouver sur Internet ainsi qu’ en DVD sous le titre The Curious Adventure if M. Wonderbird, uniquement en anglais[85].
Analyse
« Je suis content d'avoir fait Le Roi et l'Oiseau parce que ce qu'il raconte est salutaire pour tout le monde et le sera encore pendant des années. Ce n'est pas un film à message, mais il parle de la façon dont le monde vit depuis un temps — et où il a l'air de s'engager de plus en plus. »
— Paul Grimault[58]
Les personnages
Prévert, résumant l'histoire, définit ainsi ses personnages : « C’est l’histoire d’un roi très mauvais qui a des ennuis avec un oiseau très malin et plein d’expérience ; il y a aussi des animaux qui sont très gentils, deux amoureux et beaucoup de gens épouvantables[86]. »
Le Roi
Le tyran Charles-V-et-trois-font-huit-et-huit-font-seize est le roi mégalomane et solitaire de Takicardie. Bien qu'il se croie épris de la Bergère, son intérêt envers elle n'a été piqué que du fait de l'amour qui liait déjà les deux jeunes gens[21]. Présenté par l'Oiseau comme un souverain qui « déteste tout le monde » et que « tout le monde dans le pays déteste aussi », son royaume porte le nom d'une anomalie (l'homonyme « tachycardie »). Il fait fabriquer à la chaine des statues et portraits à son effigie, imposant un véritable culte de la personnalité (il va jusqu'à retoucher lui-même le portrait qui incorpore son strabisme) et fait disparaître les sujets qui lui déplaisent dans ses oubliettes. Pire ennemi de l'Oiseau (qui le nargue, et dont il a tué l'épouse et menace les enfants), il aime la chasse alors même qu'il tire mal à cause de son strabisme... Jean-Pierre Pagliano voit en lui « la folie des grandeurs[87] », qui a d'après Jean-Philippe Domecq tourné à la « rage destructrice », un concept d'« envahisseur intérieur » anti-conformiste déconcertant pour un public enfantin[5]. Son pouvoir paraît cependant solide, impression que contribue à installer la voix acousmatique de l'ascenseur, qui décrit les étages d'un ton neutre participant à légitimer le régime établi et son contrôle en même temps qu'elle leur apporte une caution touristique, donc historique[88]. Cette scène est d'ailleurs montée spécialement par Grimault ; après avoir enregistré la prise du comédien qui s'essouffle sur la cadence du texte, le réalisateur la resserre encore davantage pour la faire paraître plus mécanique et monotone[31].
Il hérite son nom pompeux d'un précédent roi imaginé par Prévert dans le sketch Un drame à la Cour : le souverain de Hongrie « cinq et trois font huit et huit font seize »[87]. Le Takicardien gagne le prénom Charles au passage, le seul donné à un personnage dans le film. Son rôle de persécuteur envers les deux amoureux évoque également la situation du Petit Soldat, mais ce personnage maléfique est commun dans l'œuvre de Prévert[89]. L'inspiration pour le personnage provient des officiers entourant Benito Mussolini : « des aristocrates de droite qui se faisaient toujours photographier avec des pistolets à la ceinture, un sabre qui les embarrassait et dont ils ne savaient pas se servir. La narine dilatée, portant beau, avec un peu de ventre, mais serré par une ceinture pour donner l'illusion qu'on possède des pectoraux[6]. » D'apparence angulaire et triste, ce dictateur est une référence aux régimes autoritaires qui sévissent alors en Europe de l'Est ; la verticalité de son château évoque les ambitions architecturales du Troisième Reich et du dirigeant roumain Nicolae Ceaușescu, et les uniformes de ses soldats ceux de la Stasi. L'univers mis en place est similaire à celui de la dystopie 1984 de George Orwell, avec haut-parleurs scandant la « pensée unique » souhaitée par le pouvoir, et police d'État présente à tout endroit[90].
La menace que représente le Roi redouble lorsque celui-ci se fait remplacer par son propre portrait, dont les prétentions sur la Bergère sont d'autant plus justifiées qu'il émane du même monde, le monde de l'image. L'un de ses animateurs, Philippe Landrot, y voit la différence entre « le louchon et le bellâtre » : « Il y en a un dont la gestuelle est ridicule, l'autre a la même gestuelle mais elle est élégante. Le Roi peint, c'est l'autre abouti. Il est ce que le vrai Roi aurait voulu être. » Pagliano relève cependant que « dans cet univers du faux-semblant et de la méprise, la substitution passe inaperçue » : le Roi jeté aux oubliettes pâtit du régime qu'il a établi[91]. Paul Grimault admet d'autre part que chaque personnage comporte plusieurs faces plus ou moins reluisantes (à l'image de l'Oiseau, bienfaiteur des amoureux qui ne renie pas la pire démagogie) et se refuse à condamner définitivement le Roi : « Le Roi, on souffle dessus, il fout le camp dans les galaxies. Les autres disparaissent dans des trappes, peut-être qu'il y a des matelas en dessous qui les reçoivent et qu'ils passent leurs jours à jouer aux cartes ensemble. Ça n'est plus mon affaire[35]... »
L'Oiseau
L’Oiseau est habitué à narguer et à ridiculiser le roi, dont il est le pire ennemi. Cet antagonisme pourrait être dû à la mort de son épouse, que l'image d'une tombe devant laquelle l'Oiseau se recueille paraît attribuer au Roi, dont les compétences à la chasse sont altérées par un strabisme. La tombe porte l'inscription suivante : « Ici repose ma chère épouse victime d'un malencontreux accident de chasse. » Sa lutte contre le Roi n'est qu'une ré-interprétation de celle de David contre Goliath, du « Bien » contre le « Mal », face auquel il lutte par un message d'amour et de poésie[90].
Bien qu'hirondelle dans la première ébauche du scénario et corbeau si l'on en croit les yeux de certains critiques, l'Oiseau au nom vague se révèle finalement être un grand toucan, que l'on reconnait à la palette chatoyante de ses couleurs ; celle-ci ne se retrouve d'ailleurs en héritage, parmi les enfants du toucan moqueur, que chez celui qui prend des risques et se laisse emprisonner dans la cage. Les couleurs sont ainsi mises au service de l'action[92]. La morphologie du personnage est cependant plus délicate à établir, et Grimault fait nombre d'essais et de ratures avant d'aboutir à l'Oiseau final : tantôt trop proche d'un « nain de Blanche-Neige », tantôt trop caricatural et chargé, le chemin est long avant d'établir un personnage qui puisse apparaître harmonieux aux côtés de ses partenaires[93].
Celui-ci est finalement conçu d'après deux personnalités : Jean Mollet, figure des cercles mondains et ancien secrétaire de Guillaume Apollinaire, dont Prévert s'inspira pour imaginer la silhouette et le style général du personnage, et qui fournit même au réalisateur quelques photos de lui ; et l'acteur Pierre Brasseur pour son énergie et sa verve. Notable interprète de Frédérick Lemaître dans Les Enfants du paradis, ce dernier va également doubler l'Oiseau dans La Bergère et le Ramoneur[94].
Le caractère de l'Oiseau se fait le reflet de ces deux figures : c'est par son insolence que le personnage s'élève, héros d'origine populaire par ses paroles et sa manière d'être face au tyran reclus, pour finalement soulever la masse des gens de la ville basse et surplomber le roi dans ses envolées[95]. Sa capacité à fédérer se ressent dans son attitude : à ses envolées langagières correspond un large déploiement d'ailes qui, littéralement, déplace de l'air[5] et rend compte de son altruisme[28]. De tous les personnages du film, l'Oiseau est celui qui correspond le plus à une figure héroïque grâce à son combat contre le Roi ; sa démagogie et sa vantardise atténuent cependant la force du modèle[5].
Bergère et Ramoneur
Les deux personnages, issus de tableaux mitoyens, ne peuvent être imaginés l'un sans l'autre et leur séparation ne fait dès lors qu'annoncer les scènes les plus dramatiques. Tous deux sont des figures de convention — le garçon maltraité au métier effrayant et la jeune fille douce et délicate — qui ne trouvent leur utilité, au début du film, que dans les sentiments qu'ils inspirent au Roi[96] et qui vont déclencher la suite de l'histoire : leur amour, transgressif, n'est qu'un « prétexte » dramatique[97]. À force de lui tenir tête par leur amour, ces deux archétypes vont gagner en profondeur et prendre l'initiative[96].
L'Automate
L’Automate est une machine gigantesque construite par le roi et symbolisant sa puissance. Elle est détournée par l'oiseau qui en fait une machine de destruction monstrueuse, mais sa dernière scène paraît lui conférer une âme bienveillante. Il s'agit de l'une des premières apparitions de robot géant dans l'histoire du cinéma[98], et la brutalité qu'il symbolise fait débat à la sortie du film en 1953 auprès du critique Jean de Baroncelli, qui se demande s'il a sa place dans un dessin animé[99]. Son apparition sera retravaillée pour la seconde version ; la scène finale où le Robot libère le petit oiseau et écrase sa cage est d'ailleurs la dernière sur laquelle travaille Prévert avant son décès[22]. Son action rédemptrice de libération de l'oiseau « bouleverserait même un barreau de prison », note alors le Canard enchaîné[59], et le robot fait figure d'« anti-Goldorak », ce robot-vaisseau dépourvu de personnalité[99]. « Avec Jacques, c'est venu comme ça, un mot en entraîne un autre, et puis on avait envie que ce soit comme ça. [...] Ce robot, à la fin, n'est plus qu'une défroque de ferraille. Alors pourquoi ne pas intervenir à ce moment-là, nous autres, auteurs, inventeurs du personnage ? Dans le fond, ça devient notre vêtement à nous, c'est nous qui libérons l'oiseau, qui écrasons la cage ! Ce que je dis modestement, c'est qu'on n'invente guère, on découvre de temps en temps des choses qui existent », explique Grimault[31].
Bien que masse inanimée, la machine finit par devenir le centre de l'action : sa paume se fait proscenium lorsque les personnages y convergent ou s'en font expulser (à l'image du Roi, projeté vers les étoiles), géographiquement placée à l'avant du décor qu'est le château, peut-être jusqu'au point de percer l'écran par la force acoustique de sa machinerie. Le robot devient alors même le point de centralisation des outils du cinéma : son projecteur frontal, sa bouche qui se fait soufflerie géante et l'orchestre qui se niche dans son corps et qui est dévoilé par des rideaux à l'italienne sont autant d'instruments du septième art, de même que ses bras articulés rappellent des perches télescopiques de caméra ou sa main la plate-forme mouvante sur laquelle se tient le réalisateur pour accompagner un mouvement de travelling[100].
Un nouvel ordre du monde
Au contraire des deux bibelots du conte d'Andersen, qui finissent par abandonner leurs velléités d'évasion, les protagonistes de Grimault vont jusqu'au bout de leur rêve audacieux et font même des émules sur leur chemin, « jusqu'à changer l'ordre du monde », selon Jean-Pierre Pagliano[101]. L'automate géant, qui délivre le petit oiseau puis écrase sa cage, fait partie de ces personnages conquis par un esprit de liberté et d'émancipation[1]. Michel Braudeau voit dans le film « un merveilleux, un tendre et cruel plaidoyer pour une anarchie heureuse[59] ».
L'impertinence de ces personnages qui ne restent pas à leur place se perçoit également dans la scène de l'usine de portraits : lorsque l'Oiseau rompt le rythme de production et accélère le moteur, à l'image du Charlie Chaplin des Temps modernes, la rupture dans la cadence conduit à des défauts dans les bustes créés, qu'il s'agisse de taches de peinture anodines ou de graffiti volontairement dessinés par le Ramoneur et son comparse. Cette révolte à portée politique évoque également les audaces techniques du cinéma, comme la méthode prisée au temps du muet d'accélérer des courses burlesques en les faisant passer d'une fréquence de 18 images par seconde (au tournage) à 24 images (lors du défilement de la bande)[102].
À ces personnages facétieux et audacieux s'opposent ceux qui assistent au mariage truqué du Roi, qui cautionnent son pouvoir, sa fausseté, et le laissent couler. Paul Grimault, à la sortie du film, commente notamment : « C'est pour ça que certains spectateurs font des réserves sur le film : ils se sentent un peu le nez dedans[31]. » Le Roi et l'Oiseau est particulièrement plus sombre que La Bergère et le Ramoneur, qui avait été conçu pour faire concurrence à l'animation américaine à destination des enfants : « Les choses ont évolué depuis 1940 et on s'est habitué à des choses plus raides, plus dures, qui trouvent leur place dans le Roi et l'Oiseau. Nous avions inventé le robot bien avant que le dessinateur de Goldorak soit né, nous avons développé son existence parce qu'elle était utile à notre nouveau scénario[31]. »
Ville haute, ville basse
La dichotomie entre le roi et le reste du monde est accentuée par la segmentation de son royaume : la population se raréfie à mesure que l'on monte vers les appartements privés du monarque[103], lui-même isolé dans les cimes d'une manière réminiscente de King Kong[34], et son environnement immédiat est finalement bien restreint par rapport à l'étendue de la ville. Celui-ci n'est qu'une tour d'ivoire qui l'isole de la ville basse, celle-là évoquant les banlieues ou même les cercles finis des Enfers de Dante. Le critique des Cahiers du cinéma André Bazin, témoin de la projection de La Bergère et le Ramoneur à la Mostra en 1952, estime qu' « il est troublant de constater par exemple la permanence d’un thème qu’on aurait pu croire inséparable du réalisme cinématographique, celui de la banlieue, et qui révèle ici sa véritable valeur métaphorique. À l’univers du roi méchant [...] s’opposent les quartiers souterrains où le soleil ne pénètre jamais mais où chante l’aveugle qui croit à la lumière. On pense à l’Aubervilliers du Jour se lève [...] et l’on comprend mieux quels symboles de la condition humaine Prévert poursuivait dans les cercles de l'Enfer suburbain[101]. » Si cette ville basse enfoncée dans la pénombre et la servitude par l'écrasante ville haute rappelle l'organisation sociale à l'œuvre dans Metropolis de Fritz Lang ou la géographie entassée du Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene[5], elle en diffère cependant par sa constitution, précise Grimault : « le Roi fait construire des palais dingues qu’il installe comme une cloche à fromages au-dessus d’un village. La “Ville Basse”, ce n’est pas une cave qui a été aménagée pour loger les gens, c’est un endroit qui existait, un petit village installé dans un paysage rural, et l'autre a planté son bazar là-dessus en se disant : Bon, ben maintenant je m'emmerde plus, j'ai la main-d'œuvre en dessous, j'ai qu'à descendre à la cave et je trouverai des cons pour fabriquer mes statues[104] - [105]. »
Prévert conçoit le palais du tyran mégalomane comme « une invraisemblable tour de Babel, dans un style abominablement disparate et d’un luxe éclaboussant : le style qu’on pourrait appeler style néo-Sacré-Cœur-Building-Kiosque à musique-Cathédrale de Chartres-Sainte-Sophie-Dufayel-Grand Palais-Galerie des Machines-Tour de Pise - et Trocadéro réunis[15] ». Cette vaste pièce-montée de château qui mélange majesté de monuments reconnus dans des styles classiques (telles les coupoles rococo[5]) et architecture futuriste est notamment illustrée lorsque le roi utilise son ascenseur privé et qu'une voix lui égrène les services disponibles à chaque étage de ce grand patchwork, une énumération faisant écho au poème Inventaire (Paroles) de Prévert[106].
Le domaine du roi est conçu dans sa verticalité, tandis que l'horizontalité ne se définit que par sa stérilité : un espace qui s'étend jusqu'à l'horizon sans aucune présence, si ce n'est la tombe de l'épouse de l'Oiseau et quelques lumières au loin dans la nuit. Le vide du paysage rappelle notamment les peintures de Giorgio De Chirico, qui représentent des places vastes mais désertes[107]. Les mouvements horizontaux eux-mêmes se font rares, au profit des cavalcades dans les escaliers ou dans les airs, qui ne sont que des gains ou pertes d'altitude[105], de même que les jeux de trappes, qui rappellent par ailleurs la trappe d'Ubu d'Alfred Jarry[108]. Le Palais a néanmoins cette spécificité qu'il peut parfois apparaître comme tridimensionnel, grâce à des contre-plongées qui accentuent sa perspective fuyante[109].
La ville haute se fait aussi l'expression du modernisme de la société française à la même époque : jetskis des gardes, auto-tamponneuse pour le trône du roi, ascenseur en forme de fusée et trappes automatiques sont autant de témoignages d'un certain matérialisme urbain, proche de celui évoqué par l'œuvre du réalisateur Jacques Tati. Le progrès en tant que tel n'est pas critiqué, mais les problèmes de dépendance qu'il peut soulever sont illustrés par le fait qu'aucune des machines du Roi ne parvient à rattraper les fuyards. Même l'Automate, allégorie des armes de destruction massive, n'est utilisé qu'à des fins d'extermination qui n'honorent pas sa perfection technologique ; son retournement contre son propre créateur peut d'ailleurs être lu comme un avertissement contre la bombe atomique[90].
Réflexion sur la place de l'art
Dénonciation de l'asservissement de l'art
Le Discobole et le Penseur, autant de sculptures et de postures que le roi s'approprie dans ses appartements privés. |
Le régime de monarchie absolue fait du roi le seul sujet d'art dans le royaume de Takicardie. Présidant sur une hiérarchie verticale qui segmente également la géographie de la ville, Charles V... monopolise les représentations et contrôle leur vérité. Il s'approprie les modèles d'art : Discobole grec, Penseur de Rodin ou encore Louis XIV de Rigaud sont autant d'œuvres fameuses dont il imite les poses[110] tandis que l'architecture du château rappelle en partie l'univers graphique de Giorgio De Chirico, ou celui de Salvador Dalí et notamment sa sculpture du Rhinocéros habillé en dentellière quasiment reproduit à l'identique dans la galerie du Roi. La propagande uniformise ses portraits, obligation que va apprendre malgré lui l'artiste qui a osé représenter son strabisme, et le magnifie par des postures glorieuses, telle celle de l'homme d'action à cheval, en usant de la contre-plongée pour accentuer la grandeur du despote[103]. Une idée plus tard abandonnée de Prévert consistait également à faire loucher servilement tous les courtisans dès lors que leur roi apparaissait[111]. De manière générale, c'est toute la population qui est soumise à une standardisation : les masses doivent se soumettre au même moule avilissant ou bien elles sont écrasées. De fait, le dessin de ces individus croisés par les protagonistes est volontairement dénué de personnalité, en leur faisant partager des costumes et expressions identiques. Sous ce régime d'oppression, les citoyens perdent leurs repères et en oublient même ce qu'est le soleil, ou confondent lions et oiseaux[90].
L'exercice du pouvoir est à l'œuvre dans la séquence de l'usine, où les ouvriers sont constamment surveillés par une présence policière. Le décalage est frappant entre ces surveillants qui prennent le temps de manger avec nonchalance et les travailleurs qui peinent à la tâche. La reproduction en masse des portraits du roi, qui obéit à une logique de productivisme, apparaît quant à elle aliénante et stérile. La mise en scène se prête d'ailleurs à cette lecture, estime l'universitaire Benjamin Delmotte, par l'usage d'une musique aux « accents martiaux et militaires » et par la ressemblance des moules des sculptures avec des obus[103]. Et lorsque le Roi oppose à la demande de la Bergère, qui réclame la liberté de ses amis : « Le travail, ma belle, c'est la liberté ! », ses paroles évoquent de plus l'expression allemande « Arbeit macht frei » (« le travail rend libre ») tristement célèbre pour son utilisation dans les camps de concentration[11].
Mais cette production à la chaîne illustre par ailleurs l'inconsistance du pouvoir du monarque : pour se présenter comme roi, il ne suffit plus finalement que d'apposer une couronne sur un buste sans cesse reproduit. L'envers des statues révèle également que leur intérieur est creux, sans fondement pour l'autorité royale[103]. C'est à l'obscénité de ce culte de la personnalité que le Ramoneur et l'Oiseau répliquent en saccageant de manière obscène les portraits du Roi[97].
Remède à la violence
L'art est magnifié comme thérapie à la violence, notamment lors de la séquence où l'Oiseau demande au musicien de jouer de son instrument, pour hypnotiser les fauves qui tournent autour du Ramoneur. La même tentative de médiation par l'art est à l'œuvre lorsqu'un petit clown vient danser devant le Roi sur une mélodie fragile et légère, porté par l'espoir de l'attendrir[90].
Exhibition de la création
Comme vu plus haut, le robot dissimule en son sein les attributs techniques nécessaires à la création cinématographique, mais c'est en particulier la scène de l'usine qui fait office de paradigme de cette dernière, en témoignant de la « conscience filmante que l'œuvre a d'elle-même »[n 5],[112]. Les mécanismes de la création sont dénudés et sont exhibés aussi bien par le Ramoneur, chargé d'apposer de ses pinceaux les derniers détails de couleur, que par l'Oiseau qui actionne une roue à aube, tous deux esclaves contraints de contribuer à la création des effigies du Roi. L'Oiseau tente à un moment de causer une disruption dans la chaîne, et le Ramoneur préposé à son extrémité ne peut que constater l'emballement du passage des reproductions ; le premier, en voulant mettre fin à son surplace, semble à ce moment s'émanciper de la narration dont le rythme ne lui conviendrait pas[113]. Peut-être devient-il alors une sorte de délégué du démiurge, tout comme le Roi qui choisit de maquiller sur son portrait le strabisme qu'un peintre avait voulu représenter fidèlement, et le double du Roi, échappé de ce même tableau pour aller remplacer son modèle[114].
L'échappée des deux jeunes protagonistes, qui fuient la toile de leurs tableaux respectifs, révèle par mise en abyme « l'animation » des images. Le spectateur se trouve face une « réalité piégée », note l'essayiste Jean-Philippe Domecq : les capacités d'invention de la réalité sont multiples et les nombreux mirages et pièges du palais sont autant d'embûches métaphoriques de ce que l'art permet[5].
Notes et références
Notes
- ↑ Écrite dans le film sous la forme « Charles V + III = VIII + VIII = XVI ».
- ↑ La Bergère et le Ramoneur est certes le premier long-métrage d'animation à être mis en chantier en France, mais pas le premier achevé : Jeannot l'intrépide, de Jean Image, est entrepris plus tard mais achevé dès 1950 et sorti en 1951, alors que Sarrut fait sortir la première version en 1952. D'autre part, le Roman de Renard de Ladislas Starewitch, film de marionnettes sorti en Allemagne en 1937 et en France en 1941, peut également faire revendication de « premier long-métrage d'animation français ».
- ↑ Avec quelques décennies de recul et malgré l'ambition perfectionniste du project, Grimault estimera cependant un tel nombre démesuré pour ce que le cadre de l'industrie cinématographique française permettait alors.
- ↑ À titre de comparatif, la production de Blanche-Neige et les Sept Nains de Walt Disney a duré quatre ans.
- ↑ Une expression de l'universitaire Julie Savelli.
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Annexes
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Ouvrages
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- Patrick Louguet, Travelling sur le cinéma d'animation à l'école, Le Manuscrit (lire en ligne), « Puissance continue de l'image-mouvement et omnipotence despotique dans Le Roi et l'Oiseau de Paul Grimault », p. 87-109.
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- Sébastien Roffat, La Bergère et le Ramoneur de Paul Grimault et Jacques Prévert : chronique d'un désastre annoncé, Paris, L'Harmattan, , 296 p. (ISBN 978-2-343-20418-5, lire en ligne).
Multimédia
- Dossier de presse, , 15 p. (lire en ligne).
- Jean-Pierre Pagliano, Cahier de notes sur... « Le Roi et l'Oiseau », Paris, Les Enfants de cinéma, coll. « École et cinéma », 2004 et 2010, 36 p. (ISSN 1631-5847, lire en ligne).
Article connexe
- Histoire de l'animation française
Liens externes
- Site officiel
- Ressources relatives à l'audiovisuel :
- Allociné
- Centre national du cinéma et de l'image animée
- Ciné-Ressources
- Cinémathèque québécoise
- Unifrance
- (en) AllMovie
- (en) British Film Institute
- (pl) Filmweb.pl
- (en) IMDb
- (en) LUMIERE
- (de) OFDb
- (en) Rotten Tomatoes
- (mul) The Movie Database
- Ressource relative à plusieurs domaines :
- (en) Metacritic